Jusqu'à tout récemment, les Doucet-Levasseur étaient propriétaires de deux vergers dans les Cantons-de-l'Est. Le premier, situé à Frelighsburg, compte une vinaigrerie; le second, sur la route 202 à Dunham, possède sa propre cidrerie. Deux belles entreprises agricoles nichées dans un décor de rêve.

Hélène Doucet, 62 ans, et Steve Levasseur, 67 ans, n'étaient pas prédestinés à jouer les agriculteurs. Ils occupaient tous deux des postes de hauts dirigeants à Montréal. Des emplois rémunérés «dans les six chiffres». «On voulait simplement s'acheter une maison de campagne, mais à la suite d'une histoire de dézonage qui n'a pas fonctionné pour l'ancien propriétaire, on a hérité d'un verger de 60 acres», explique Mme Doucet.

Par un concours de circonstances, le couple a décidé de quitter Montréal et d'exploiter son verger de Frelighsburg au milieu des années 80. L'endroit a été baptisé Au coeur de la pomme. Les deux néo-pomiculteurs ont ensuite acheté un second verger, environ 5 km plus loin, à Dunham, et l'ont baptisé Fleur de pommier. Fort de leur expérience en gestion, ils se sont attelés à la tâche et ont créé une vinaigrerie et une cidrerie, tout en exploitant des kiosques de vente à leurs deux propriétés.

Constat obligé

Même s'ils disent avoir travaillé comme jamais auparavant dans leur vie, ils étaient heureux de leur nouvelle vie. Il y a environ cinq ans, à l'aube de la soixantaine, les Doucet-Levasseur ont eu l'intelligence de faire le constat suivant et d'aborder la question que tout chef d'entreprise devrait se poser: nous vieillissons, comment allons-nous assurer nos vieux jours et, surtout, que va-t-il advenir de nos entreprises?

Ils ont ensuite fait ce que la plupart des spécialistes suggèrent: ils en ont discuté avec leurs proches. C'est ce qui a permis de faire bouger les choses. Mme Doucet et M. Levasseur ont deux filles: Stéphanie, 40 ans, et Laurence, 20 ans. Les deux jeunes femmes n'ont jamais signifié leur intérêt à reprendre les deux entreprises de leurs parents. D'ailleurs, dans leur jeunesse, elles travaillaient dans l'entreprise familiale presque par obligation. Elles ont toutes les deux entrepris des études universitaires; Stéphanie en traduction et Laurence en affaires internationales.

L'attitude des deux soeurs a toutefois changé il y a sept ans quand leurs parents leur ont annoncé qu'ils envisageaient de tout vendre. Y compris leur somptueuse résidence loyaliste de Frelighsburg. C'est dans cette maison de briques, construite vers 1850 et qui a notamment appartenu à l'ancien premier ministre québécois Adélard Godbout, que Stéphanie et Laurence Levasseur ont grandi.

«J'ai dit: no way, il n'est pas question que la maison soit vendue. J'ai donc dit à mes parents que je souhaiterais peut-être venir travailler avec eux et voir ce que ça pourrait donner», explique Stéphanie Levasseur. L'expérience s'est avérée concluante.

Avec son conjoint David Testu, Stéphanie Levasseur dirigera désormais les destinées du verger et de la vinaigrerie de Frelighsburg. Quant au verger et à la cidrerie de Dunham, ils ont été vendus à deux couples de Montréal.