L'hydroélectricité est une production si majeure dans la province que pour plusieurs Québécois, c'est pratiquement un élément identitaire. Si l'hydroélectricité est une énergie renouvelable et qu'elle produit peu de gaz à effet de serre, les grands projets d'Hydro-Québec sont pourtant loin de faire l'unanimité.

Même l'annonce récente du projet d'électrification des transports de la Société de transport de Montréal (STM) recevait des critiques. Qui est contre la vertu?

C'est vrai que l'idée est séduisante aux premiers abords, reconnaît Pierre-Olivier Pineau, professeur spécialisé en politiques énergétiques à HEC Montréal. Mais en grattant un peu, il est tout de même venu à la conclusion qu'un investissement plus modeste visant à améliorer la fréquence et la rapidité du service, ainsi que le confort des passagers pourrait être beaucoup plus efficace pour convaincre davantage de gens de délaisser leur automobile pour le transport en commun.

Chose certaine, avec près de 35 000 MW produits dans ses centrales hydroélectriques chaque année, Hydro-Québec est un géant mondial dans le domaine de l'énergie renouvelable.

D'après le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, l'hydroélectricité émet environ 30 fois moins de gaz à effet de serre que les centrales modernes au gaz naturel et 60 fois moins que les centrales au charbon.

Hydro-Québec est aussi une véritable vache à lait pour le gouvernement du Québec. En 2009, son bénéfice net a été de 3 milliards. Si la société d'État est si rentable, c'est en grande partie grâce à l'exportation pour laquelle n'est pourtant destinée qu'environ 10% de sa production.

«En 2008, les exportations nettes représentaient 32% du bénéfice net d'Hydro-Québec et en 2009, c'était 22%. Donc, l'exportation est toujours très rentable malgré la chute de prix sur les marchés l'an dernier», affirme Christian Brosseau, vice-président marché de gros, division Hydro-Québec Production.

L'exportation prendra plus d'ampleur dans les prochaines années alors que le gouvernement a donné clairement le mandat à Hydro-Québec d'augmenter ses exportations dans sa politique énergétique de 2006.

Des investissements de 25 milliards sur 10 ans ont alors été annoncés pour construire de nouvelles centrales pour un total de 4500 MW. Encore une fois, le débat public est animé.

Alors que les travaux de la Romaine ont commencé il y a maintenant un an, les Innus d'Uashat et de Mani-Utenam ont déposé une requête en injonction interlocutoire le mois dernier pour tenter de faire cesser le développement du projet hydroélectrique. Les deux communautés allèguent que les installations de la Romaine sont situées au coeur de leurs terres traditionnelles et que le développement prévu se fait sans leur consentement.

En plus de faire enrager certaines communautés autochtones et les environnementalistes, ces nouveaux projets ne font pas l'unanimité auprès des économistes. Avec des coûts de production, de transport et de distribution beaucoup plus élevés que les projets de la Baie-James, la vente de cette hydroélectricité sur les marchés de gros sera-t-elle rentable alors qu'en ce moment, les prix sont beaucoup trop bas? Bien malin celui qui pourra prédire l'avenir.

Pendant que les traditionnels débats font rage entre les experts, certaines voix s'élèvent et mettent de nouvelles idées sur la table.

C'est le cas de Normand Mousseau, auteur du livre L'avenir du Québec passe par l'indépendance énergétique et professeur au département de physique à l'Université de Montréal. Sa proposition? Au lieu d'exporter tous nos surplus énergétiques, pourquoi ne pas créer un label vert au Québec pour les entreprises qui choisiraient d'y installer leur production pour s'approvisionner en énergie verte? Une façon pour lui d'utiliser les surplus énergétiques du Québec tout en favorisant le développement économique et la création d'emplois.

Ce Portfolio effleure quelques grands débats et enjeux à propos de l'hydroélectricité qui animent le Québec et qui l'animeront encore certainement pour les années à venir.