Gabriel Lussier peut dormir sur ses deux oreilles: la pérennité de sa PME, fondée il y a 40 ans, est assurée.

Même s'il est encore très actif dans son entreprise, spécialisée dans la vente de camions neufs et de pièces usagées, l'homme d'affaires de 72 ans est loin d'être seul.

Il est entouré au quotidien par quelque 20 membres de sa famille: fils et filles, gendres et belles-filles, petits-enfants, etc.

Trois générations de Lussier travaillent donc au sein de la PME familiale qui a su, par la force des choses, préparer sa relève.

D'ailleurs, le cas de cette famille de la région de Sainte-Julie, sur la rive sud de Montréal, est atypique.

Les Lussier ne se sont jamais cassé la tête au sujet de la relève. «On n'y pensait carrément pas», explique le plus simplement du monde Nicole Lussier, l'aînée des sept enfants du fondateur.

Autrement dit, tout le monde faisait sa petite affaire et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes dans le clan Lussier.

«Mais dès que l'entreprise a commencé à prendre de l'expansion, les banquiers et les comptables nous ont fait des suggestions», rappelle Nicole Lussier, aujourd'hui présidente de Camions Excellence Peterbilt, un concessionnaire de camions qui a pignon sur rue à Sainte-Julie et à Laval.

Sans que le mot relève ne soit prononcé, ni qu'un successeur soit nommément désigné, l'entreprise a eu l'intelligence de ne pas faire la sourde oreille aux recommandations reçues.

Convention entre actionnaires, préparation de testaments, modification des contrats de mariage; rien n'a été laissé au hasard. Et pour cause!

Le chiffre d'affaires du Groupe Lussier, qui regroupe aujourd'hui une demi-douzaine d'entreprises, est passé de 400 000$ en 1967 à près de 100 millions ces dernières années.

«Plus ça grossissait, plus je disais à mes enfants, «Il faut que vous m'aidiez.» C'est comme ça qu'ils ont commencé à travailler dans l'entreprise. Ma grande réussite, ça a été de garder mes enfants près de moi. Dans ma tête, ce sont eux qui vont continuer», explique Gabriel Lussier, un homme jovial qui ne jure que par les contacts humains.

Sa fille Nicole a quitté les bancs d'école à 15 ans pour mieux épauler son père. Ses autres frères et soeurs ont suivi. Les conjoints également, puis les enfants.

Avec le temps, l'entreprise familiale a changé de structure. La deuxième génération est devenue actionnaire de certaines entités, d'autres sont demeurés sous le giron du patriarche.

D'ailleurs, Gabriel Lussier ne semble pas vouloir prendre sa retraite de sitôt. Il se fait un plaisir d'enseigner le b.a.-ba des affaires aux membres de son clan, dont les plus jeunes sont passés par l'université.

Ces temps-ci, il amène volontiers ses petits-fils en voyage d'affaires avec lui, notamment à Cuba, en Iran ou au Mexique. «Ils reviennent plus fatigués que moi. J'adore former les jeunes», dit-il.

Le nom des Lussier est associé à deux concessionnaires de camions Peterbilt. Mais il l'est également à Lussicam, une entreprise de vente de camions usagés, de même qu'à Lussier centre du camion, une PME qui exporte des pièces de camions usagées dans une vingtaine de pays, de la Russie au Vietnam, passant par l'Afrique. Une division, Terracam, a même été créée spécialement pour vendre des pièces à Cuba.

L'harmonie semble donc régner dans cette famille tricotée serré, dont à peu près tous les membres habitent le même quartier à Sainte-Julie.

Certains d'entre eux, dont Stéphanie, la fille de Nicole Lussier, ont voulu tenter l'expérience d'aller travailler ailleurs. «Ma fille voulait passer une entrevue au moins une fois dans sa vie. Elle a été engagée comme vendeuse dans une boutique. Au bout d'un mois, elle est revenue; elle s'ennuyait trop», dit Mme Lussier en riant.

Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, et même si la réflexion entourant la passation des pouvoirs est déjà bien amorcée dans leur entreprise, Nicole Lussier et son père s'intéressent de plus en plus aux activités entourant le monde de la relève.

Ils ont tous les deux assisté à une conférence sur le sujet à HEC Montréal. Et ils comptent y retourner dans un avenir rapproché.

 

TROIS INCONTOURNABLES EN MATIÈRE DE RELÈVE

Quiconque dirige une entreprise doit impérativement songer à sa relève. Voici trois éléments essentiels dont il faut tenir compte.

Amorcer la réflexion

Le processus de préparation de la relève, et éventuellement de la passation de pouvoirs, peut prendre au minimum de quatre à cinq ans. Plus on s'y prend tôt, mieux ce sera.

S'entourer de professionnels

Personne ne possède tous les talents. Même les dirigeants hors du commun doivent s'entourer de professionnels pour préparer leur sortie. Fiscalistes, avocats, conseillers en vente d'entreprises, mais aussi psychologues, mentors et autres coaches sont là pour épauler les propriétaires d'entreprise.

Ne pas avoir peur d'en parler

La communication est la clé pour quiconque prépare sa relève. Il faut toutefois éviter de crier sur les toits que son entreprise est à vendre ou qu'elle changera de main. Le secret est d'y aller de façon graduelle.