Le Canada et le Québec sont maintenant au diapason international quant aux normes comptables.

À la suite de vastes consultations, le Conseil des normes comptables (CNC) a décidé d'adopter les Normes internationales d'information financière (IFRS) à titre de «pratiques comptables généralement reconnues» pour les entreprises ayant une obligation d'information publique.

Toutes les sociétés inscrites en Bourse devront produire leurs états financiers en IFRS pour 2011 et fournir des états comparatifs pour 2010, également selon les nouvelles normes internationales.

À l'heure actuelle, l'application des normes internationales est obligatoire ou autorisée dans plus de 100 pays, dont les pays membres de l'Union européenne et la plupart des pays côtiers du Pacifique.

L'Inde, le Japon et le Brésil ont aussi indiqué qu'ils prévoyaient adopter les IFRS ou des normes en convergence avec celles-ci, indique de l'Ordre des CA du Québec.

La conversion aux IFRS constitue un événement important, car cela fournira l'occasion de mettre à niveau les systèmes et les connaissances, explique Daniel McMahon, le président de l'Ordre des CA du Québec.

«Ça fait quatre ans que le sujet est sur la table, et les grands cabinets sont prêts pour la conversion», dit-il.

Les normes internationales laissent plus de place aux jugements, et les notes aux états financiers sont plus détaillées afin d'expliquer les choix comptables qui ont été faits, ajoute-t-il.

Les différences les plus importantes entre les IFRS et les normes actuelles se situent dans les domaines suivants: les pertes de valeur qui seront plus fréquentes, la titrisation où les normes internationales s'écartent fondamentalement des normes canadiennes, et les réévaluations, principalement celles qui s'appliquent aux immobilisations corporelles et incorporelles.

Mondialisation

C'est le phénomène de la mondialisation qui nous amène là, parce qu'il a comme effet d'accentuer les mouvements de capitaux, explique Paulette Legault, présidente-directrice générale de l'Ordre des CGA du Québec.

«Le passage aux IFRS assurera l'harmonisation de nos normes comptables, ce qui constitue une valeur ajoutée sur le plan commercial», dit-elle.

«L'utilisation des nouvelles normes devrait permettre aux sociétés canadiennes d'accroître leur rayon d'action à l'échelle mondiale, et de fournir à leurs actionnaires et aux organismes de réglementation des informations financières plus transparentes et plus comparables, souligne le cabinet comptable KPMG. Ces sociétés devraient ainsi avoir plus facilement accès aux capitaux étrangers, au financement international et aux possibilités d'investissement à l'étranger.»

La route vers les IFRS

Jusqu'au début des années 2000, on se fiait au code américain, c'est-à-dire le GAPP (Generally Accepted Principles and Practices), explique Nadi Chlala, professeur titulaire et directeur du DESS en comptabilité de management, ESG UQAM.

Cette façon de faire était utile, car elle permettait une indépendance des vérificateurs.

«Les clients étaient forcés de suivre les règles», dit-il.

Mais on sait ce qui arriva. Certains réussirent à contourner les règles, et plusieurs scandales financiers éclatèrent.

En réaction, le Canada a voulu avoir plus de principes et moins de règles, poursuit M. Chlala.

Cela cadrait bien avec les IFRS, car pour obtenir un consensus de tous ses adhérents, les normes internationales s'attardent surtout aux principes qui doivent gouverner la comptabilité, et insistent moins sur les règles, laissant une plus grande place au jugement des professionnels.

Du coup, le Canada a décidé d'adopter les IFRS. Cette volonté d'avoir un cadre uniforme international allait de soi avec la globalisation.

Difficultés

La difficulté toutefois, c'est l'application, admet M. Chlala.

Comme on fait de plus en plus de place au jugement, on n'a plus le même conservatisme dans l'application des règles, selon lui.

Par exemple, quand doit-on utiliser le coût par opposition à la juste valeur?

Les nouvelles règles incitent plus à utiliser la juste valeur. «Ça peut sembler plus pertinent, mais en même temps, ça peut laisser place à beaucoup de manipulations», dit-il.

L'arrivée des IFRS ne réglera pas tout. Nous sommes plutôt dans une grande mouvance, selon le professeur d'ESG UQAM.

«Et cette mouvance est nécessaire pour attirer les États-Unis, qui, jusqu'à maintenant, conservent leurs propres règles, considérant que les normes internationales ne sont pas encore assez bonnes», explique M. Chlala.

Il faudra encore des modifications des deux côtés, selon lui.

Plusieurs points d'interrogation subsistent, car plusieurs nouvelles règles entreront en vigueur en 2012, en 2013 et en 2014, justement pour s'harmoniser avec les Américains.

«La date d'entrée en vigueur de 2011 était un mauvais choix. Il aurait été préférable d'attendre les Américains», dit M. Chlala.

Cause de la crise financière

La comptabilisation des instruments financiers est un bon exemple de cette mouvance.

Elle a été à l'origine d'une grande insatisfaction durant la crise financière en 2008.

Avant les IFRS, un placement à long terme était évalué au coût aux états financiers, mais les placements à court terme devaient être évalués à la juste valeur marchande.

Maintenant, il est plutôt question d'intention du gestionnaire. Mais l'intention, cela n'est pas toujours facile à déterminer, explique M. Chlala.

Avec les IFRS, les placements sont évalués à la juste valeur s'ils sont détenus aux fins de transaction, c'est-à-dire s'ils sont détenus afin de réaliser un gain en capital.

La comptabilisation des placements implique donc de considérer le modèle d'affaires de l'entreprise.

Il faut parfois tenir compte du manque de liquidité du marché pour évaluer la valeur d'un actif ou d'un passif, ce qui demande beaucoup de jugement.

La nécessité d'évaluer à la juste valeur dans un contexte d'absence presque totale de liquidité a été une des causes de la grave crise financière en 2008.