Le vin moldave est peu répandu au Québec. Personne ne sera surpris d’apprendre cela puisqu’il y se fait rare sur les tablettes de la SAQ.

L’innovation

Liudmila Terzi travaille fort pour changer les choses : elle a décidé de faire découvrir le vin de son pays d’origine dans sa terre d’adoption en fondant l’agence Les Filles du vigneron, en 2018. Mais le plan d’affaires de la jeune entrepreneure a été mis à rude épreuve depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Quoi

Pour le moment, les vins choisis par Liudmila Terzi se retrouvent dans certains restaurants et chez ses clients qui les achètent directement, en importation privée. Mais en février dernier, tout s’est arrêté.

« Les vins sont prêts à quitter le pays à cette période de l’année », explique l’importatrice, qui n’a reçu aucune bouteille depuis le déclenchement de la guerre. Sa réserve est aujourd’hui pratiquement à sec.

La Moldavie est un petit pays situé entre la Roumanie et l’Ukraine. C’est aussi un petit producteur de vin si on le situe sur la planète viticole, mais en Moldavie, la viticulture est une importante activité économique. Tout le monde fait son vin, explique Liudmila Terzi, qui a d’ailleurs baptisé son entreprise en hommage à ses parents qui suivaient cette tradition. Pour être un vignoble commercialement reconnu, il faut toutefois exploiter un minimum de cinq hectares de vignes. Il y a donc officiellement 335 vignobles en Moldavie.

Les Filles du vigneron importent essentiellement des vins de petites entreprises qui travaillent avec des cépages indigènes, largement inconnus ici.

Le chemin entre le vignoble et le Québec est assuré par l’importatrice. Depuis quelques mois, Liudmila Terzi négocie avec de nouveaux partenaires potentiels pour faire sortir les bouteilles de Moldavie. Les discussions n’ont toujours pas été concluantes, car les soumissions reçues affichent des tarifs faramineux.

« C’est impossible pour moi de refiler une partie de cette facture-là à mes clients », explique l’importatrice, qui est maintenant en discussion avec la SAQ, qui a déjà des ententes de transport à partir de la Roumanie, via la mer Noire.

Les défis

À la création de l’entreprise, la plupart des produits des Filles du vigneron quittaient la Moldavie pour le port d’Odessa, en Ukraine, de loin l’option la moins chère. « La Moldavie n’a pas d’accès à la mer, précise l’entrepreneure. Donc, inévitablement, il faut assurer une partie terrestre. » Rien pour faciliter les choses, Liudmila travaille avec plusieurs petits vignerons, les transporteurs doivent alors faire une dizaine d’arrêts pour remplir le conteneur plutôt qu’un seul, ce qui fait aussi monter les coûts.

Malgré ces défis, l’agence veut poursuivre son expansion : environ 85 % des vins produits en Moldavie sont exportés. Plusieurs facteurs expliquent ce fort intérêt pour les marchés extérieurs, le premier ramenant à la tradition du pays. Si chacune des familles fait son vin à la maison, pourquoi en acheter au marché ?

Une autre explication relève davantage du contexte historique. La Russie était le principal acheteur de vin moldave jusqu’à ce que des embargos, en 2006 et 2013, obligent les vignerons à développer de nouveaux marchés. Et à faire un virage qualitatif, explique Liudmila Terzi.

« La Russie était le plus grand client pour les vignerons de Moldavie, et ce, même après l’indépendance du pays en 1991, explique-t-elle.

Durant l’ère soviétique, la Moldavie était le chai de l’Union soviétique. Mais la demande était surtout pour des vins fortifiés, pas de la plus grande qualité.

Liudmila Terzi

L'avenir

Maintenant, de jeunes vignerons et vigneronnes reprennent les domaines familiaux et veulent revaloriser des cépages rares, natifs de la Moldavie, qui ont pratiquement disparu durant l’ère soviétique. Des programmes gouvernementaux soutiennent d’ailleurs ces petits producteurs qui veulent rétablir le patrimoine viticole du pays. C’est vers ce groupe que Liudmila Terzi se tourne. Dans son portefeuille de vins se trouvent des cépages internationaux, largement majoritaires en Moldavie, comme du cabernet-sauvignon ou du pinot noir, mais aussi les méconnus Feteasca neagra et Viorica qu’elle importe en monocépage ou en assemblage.

Reste à trouver un moyen de les ramener au Québec et, idéalement, d’étendre leur distribution par l’entremise de la SAQ. C’est le but de la fille du vigneron. « En Europe, les bons restaurants ont déjà des vins moldaves sur leurs cartes, dit Liudmila Terzi. Je pense qu’il y a un bel avenir pour les vins moldaves ici aussi. »