Une plateforme contrôlant tous les aspects de la culture du cannabis, de la fertilisation à l’irrigation en passant par l’éclairage, grâce à une intelligence artificielle capable d’apprendre par elle-même. Cette plateforme pourra ensuite servir à d’autres cultures intérieures, notamment pour l’agriculture urbaine.

Qui ?

Ian Bourassa est né à Sainte-Julie puis a déménagé à Montréal à 18 ans. Il est ce qu’on pourrait appeler un entrepreneur en série. Il a touché à l’immobilier et à la construction, érigeant notamment des restaurants avant de bâtir de petites plantations de cannabis au tout début du processus de légalisation de cette drogue au Canada, en 2017.

« J’ai remarqué que beaucoup de gens ne savaient pas ce qu’ils faisaient, il y avait beaucoup d’argent gaspillé, des essais-erreurs parce qu’on partait de petites installations qui ont bien fonctionné, mais qui ne se répliquent pas à grande échelle », explique M. Bourassa.

Il fonde cette année-là AGROPOD et établit un centre de recherche et développement à Verchères, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Montréal. Il a l’ambition de mettre sur pied des méthodes éprouvées et fiables pour la culture du cannabis, en utilisant des capteurs et des systèmes contrôlables à distance. Depuis 2019, les milliards de données sont ingérées par une intelligence artificielle qu’on entraîne pour prendre les bonnes décisions grâce à l’apprentissage machine. Une deuxième installation a accueilli le siège social à Verchères en 2019.

Aujourd’hui, AGROPOD compte 25 employés qui supervisent la croissance de 5000 plants de cannabis dans des installations intérieures, utilisant surtout un système de tours aéroponiques, en hauteur, qui permettent de maximiser l’espace. On a signé un partenariat avec cinq petits producteurs qui utilisent la plateforme technologique.

Le produit

Faire pousser 5000 plants de marijuana à l’intérieur, c’est essentiellement contrôler quatre paramètres essentiels : la lumière, la fertilisation, la température et l’eau. En collaboration avec des agronomes et des producteurs, on a conçu une plateforme informatique qui reçoit l’information de dizaines de capteurs et permet le contrôle à distance de dispositifs pour irriguer, nourrir et éclairer les plantes.

« Ce qui se fait présentement sur le marché, c’est que les différentes plateformes ne communiquent pas entre elles, explique M. Bourassa. L’irrigation a sa plateforme, l’éclairage, une autre. Nous, on travaille à les intégrer, pour qu’il y ait une communication directe entre elles, ce qui permet d’accélérer l’apprentissage. »

Par exemple, dans une salle de 500 pieds carrés comportant 12 tours aéroponiques, on compte 75 capteurs pour mesurer l’humidité, la pression et le débit de l’eau, l’intensité lumineuse et les différents nutriments dont a besoin la plante.

« Un très bon agronome ou un bon jardinier va être capable de ‟lire" la plante et corriger en fonction de ses besoins, explique le PDG. Dans une installation de plus grande envergure, ce ne sont pas tous les employés qui ont cette force. L’objectif d’AGROPOD est de faire en sorte que la technologie permette de ‟lire" les plantes. »

Depuis 2019, on entraîne une intelligence artificielle pour qu’elle fasse un lien entre les données récoltées et les correctifs à apporter. « En ce moment, la machine prend des décisions, mais il y a toujours quelqu’un dans le siège du passager qui vient faire des correctifs. »

Les défis

Le recrutement pour un projet aussi original est un défi constant. « Je suis maintenant mieux capable de sizer les gens, mais c’est difficile de s’entourer des bonnes personnes. »

Le défi suprême, c’est de se rappeler qu’on a affaire à du vivant, plante ou animal. « Ça nous amène tout un lot de surprises. Nous travaillons avec des partenaires qui choisissent et développent la génétique des plants. Nous, on les intègre sur nos plateformes et on vient maximiser leur développement. »

L’avenir

Ian Bourassa ne s’en cache pas, la culture de la marijuana n’est pas sa passion. « Je n’ai pas d’intérêt pour le cannabis, je ne suis pas un consommateur. Ce qui me passionne, c’est toute la technologie qui permet de ‟cultiver des résultats ». C’est le slogan d’AGROPOD. »

Quand il considérera que sa plateforme intégrée, automatisée et gérée par l’intelligence artificielle sera prête, il vise sa commercialisation auprès de PME et de grands producteurs – de cannabis, mais également d’autres cultures. Il voit même plus loin. « Ça pourrait être appliqué à la volaille. Je ne veux pas partir sur trop de choses en même temps, mais quand on a toutes les données et qu’on a une plateforme capable de tout gérer en temps réel, on peut l’appliquer à d’autres domaines. »

Et le marché des simples consommateurs qui rêvent d’avoir un potager entièrement automatisé ? Il ne ferme pas la porte. « Ce n’est pas demain, mais ça ne va pas être très long que toutes ces connaissances vont être accessibles à tous. »