Une entreprise montréalaise a conçu une machine permettant de recycler plus facilement, plus rapidement et plus économiquement les briques retirées des murs. L’invention pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Chaque année, plus de 1 million de tonnes de matières résiduelles issues de la construction aboutissent dans les centres de tri du Québec, selon les chiffres de Recyc-Québec. Beaucoup de ces résidus peuvent être réutilisés dans de nouvelles constructions, mais ils sont envoyés directement dans des dépotoirs ou transformés pour être réemployés tant bien que mal. C’est le cas des briques, qui sont broyées pour être utilisées comme matériau de remblais.

À défaut de technologies efficaces, il est moins coûteux de repartir à neuf que de réutiliser les matériaux de construction, malgré leur coût élevé. « En fait, le temps de travail coûte tellement cher que c’est plus rentable de tout jeter et de remplacer par du neuf », résume Tommy Bouillon, président de la Maçonnerie Gratton.

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Comme réutiliser les briques coûte extrêmement cher en temps de pénurie de main-d’œuvre, les maçons sont souvent contraints de se débarrasser de conteneurs pleins.

Spécialisé dans la réparation de murs anciens, Tommy Bouillon se désole depuis des années d’envoyer des conteneurs de briques parfaitement réutilisables au dépotoir. Les briques peuvent être réutilisées si on enlève, avec un marteau, les résidus de mortier qui collent à l’argile. Ce procédé, qui se fait grâce à une machine ou tout simplement à la main, est simple, mais fastidieux. « Les employés n’aiment pas faire la tâche brique par brique avec un marteau, à cause de la poussière », illustre Tommy Bouillon. Cette méthode entraîne la destruction d’environ 15 % des briques, qui doivent être remplacées par des briques d’âge et de couleur similaires.

Actuellement, presque tout le monde a la même politique parce que ce n’est pas rentable : on prend tout le mur, on le jette et on recommence avec de la nouvelle brique.

Tommy Bouillon, président de la Maçonnerie Gratton

« Je me disais depuis longtemps qu’il fallait absolument que quelqu’un règle ce problème. Finalement, c’est moi qui l’ai fait ! » Pour rendre plus efficace (et plus rentable) la récupération des briques, Tommy Bouillon et deux de ses collègues ont inventé une machine, qu’ils ont baptisée Brique Recyc. Celle-ci peut réhabiliter les briques sans utiliser la percussion, en utilisant plutôt une scie diamant, guidée par un système de lasers, qui enlève le mortier. Au lieu de briser 15 % des briques, elle réussit à en préserver plus de 99,5 %, selon son fondateur.

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Tommy Bouillon, PDG de la Maçonnerie Gratton et co-inventeur de Brique Recyc

Écologique, mais aussi… économique

Surtout, la machine permet de recycler les briques beaucoup plus rapidement, en utilisant beaucoup moins de main-d’œuvre. Facilement transportable, elle peut être utilisée à même les chantiers et même sur les échafaudages, ce qui permet d’éviter les frais de manutention.

Jeff Ranson, associé sénior du Conseil du bâtiment durable du Canada, voit d’un très bon œil que l’on s’intéresse à la réutilisation des matériaux de construction. « C’est quelque chose auquel on ne pensait pas vraiment avant, parce qu’il a toujours été supposé que l’énergie qui allait dans la construction d’un bâtiment était très petite en comparaison avec les émissions faites par les ménages. Aujourd’hui, on se rend compte que c’est énorme. »

Selon les statistiques fournies par la Maçonnerie Gratton, la machine permet de recycler un mur de briques de 1000 pi2 (92 m2) en 440 heures. À titre de comparaison, il faut environ 600 heures pour une reconstruction avec des matériaux neufs, et même 760 heures si l’on veut réutiliser les briques. « C’est écologique et, surtout, économique. » Pour le moment, Brique Recyc n’a pas encore été déployée sur les chantiers, mais elle a déjà commencé à être mise à l’essai et utilisée dans les installations de la Maçonnerie Gratton.

L’entreprise estime que l’invention entraînera la création de 200 nouveaux emplois dans le secteur de la construction. Elle permettra aussi d’éviter l’émission d’environ 5,9 tonnes de CO2 par mur de briques.