Au plus fort de la pandémie, la direction de la production est devenue vacante. Puis le directeur général a quitté l’entreprise. Le conseil d’administration a alors demandé à la jeune femme de prendre la tête de Promo Plastik. Qui, moi ?

Oui, elle.

Anthropologue de formation, Marie-Hélène Marier était la benjamine de Promo Plastik, tant en âge qu’en ancienneté.

En cinq ans, elle est passée – sans l’avoir cherché ! – d’opératrice de nuit à grande patronne de la coopérative de travailleurs de Saint-Jean-Port-Joli, spécialisée en impression sur objets promotionnels.

À peine nommée, en pleine pandémie, elle a lancé un nouveau produit en trois semaines, puis a redéfini la mission de l’organisation.

Pourtant, la femme de 31 ans est tout sauf ambitieuse. « Je suis assez nonchalante », dit-elle.

En tout respect, l’épithète semble mal choisie. Parlons plutôt de résilience, de souplesse, de calme.

Elle se dit naïve. Préférons optimiste, ouverte.

Un parcours en forme d’éclair

Marie-Hélène Marier avait entrepris sa maîtrise en anthropologie quand elle s’est arrêtée six mois pour travailler à Caraquet, au Nouveau-Brunswick, où elle faisait du vélotourisme. « L’étude du comportement humain, ça m’a beaucoup aidée à bien vivre dans l’inconfort », glisse-t-elle en guise d’explication.

Bien qu’elle ait grandi dans la région métropolitaine, elle prend alors conscience qu’elle n’est pas faite pour la vie urbaine.

De retour à Montréal, elle voit l’annonce d’un poste temporaire dans une zec de la région de Kamouraska. Son végétarisme assumé ne l’empêche pas d’accepter un emploi en chasse et pêche. « Pourquoi pas, se dit-elle : ça n’a aucun bon sens ! »

Elle tombe amoureuse de la région, décide d’y travailler à temps plein.

Au printemps 2016, un appel sur les réseaux sociaux lui procure un logement et une offre d’emploi chez Promo Plastik : opératrice en impression numérique de nuit.

« Bon, c’est dans la lignée logique », constate-t-elle – une ligne zigzagante sans autre constance que celle du dépaysement brutal.

Quand ses employeurs apprennent qu’elle parle anglais, ils la placent plutôt au service à la clientèle. L’entreprise venait d’acquérir un important concurrent montréalais et il fallait aviser et rassurer ces nouveaux clients.

Elle n’y connaissait rien.

« J’embarquais dans un niveau d’inconfort incroyable, je me suis donc installée là-dedans avec plaisir », lance-t-elle en riant.

En mai 2018, elle est nommée coordonnatrice aux ventes et au marketing. « Sur papier, je n’avais aucune de ces connaissances. » Qu’à cela ne tienne, elle se trouve un mentor, l’homme d’affaires Robert Pelletier, avec l’aide de qui elle trace un plan de marketing de deux ans.

Les résultats ne se font pas attendre. En 2019, l’entreprise compte quelque 750 clients, qui passent près de 2500 commandes d’objets promotionnels. L’année 2020 s’annonce prometteuse.

Promesses trahies à la mi-mars…

La crise

Le 17 mars, Promo Plastik ferme ses portes.

Ses 15 employés, dont 11 sont membres de la coopérative, sont tous mis à pied.

L’entreprise a alors une soixantaine de commandes en main. « On les perd toutes », se sont-ils dit.

À peu près au même moment, la directrice de la production abandonne ses fonctions.

Puis, à la mi-avril, le directeur général, en poste depuis 1992 et membre fondateur de la coop, remet sa démission.

« L’entreprise, c’était lui. »

Le navire est à la dérive et personne ne tient le gouvernail.

Le conseil d’administration – dont la plupart des membres sont des employés – nomme Marie-Hélène Marier directrice intérimaire.

Elle est la plus jeune de l’entreprise. « Tu prends ta voiture le soir et tu te dis : est-ce qu’ils ont fait le bon choix ? »

Le retour

Le travail reprend à la mi-mai. Surprise, seulement deux des 60 commandes ont été perdues !

Certains clients demandent de petits objets qui éviteraient le contact direct avec les surfaces potentiellement contaminées.

Promo Plastik décide de le concevoir à l’interne – une première.

Le résultat est un petit crochet, analogue à une ancienne clé dont le panneton servirait à agripper et tirer des poignées en bec de cane. Une protubérance, sur l’avant, permet d’appuyer sur les touches des pavés numériques.

PHOTO FOURNIE PAR PROMO PLASTIK

L’indispensable sans contact – c’est son nom – est un petit crochet, analogue à une ancienne clé dont le panneton servirait à agripper et tirer. Une protubérance, sur l’avant, permet d’appuyer sur les touches des pavés numériques.

Ils lui ont donné un nom presque aussi long que l’outil : L’indispensable sans contact.

D’accord, c’est un tout petit produit, d’une simplicité qui frôle l’évidence – c’est à cela qu’on reconnaît d’ailleurs les bonnes idées.

Mais l’exploit réside dans le dynamisme et dans l’éclatement du moule des habitudes. C’est justement avec un fabricant de moules local que le petit crochet a été conçu, dessiné, mis au point. Un mouleur de la région l’a mis en production. De l’idée au moulage, à peine trois semaines se sont écoulées. « Cette proximité est extraordinaire ! », lance-t-elle.

Fin juin, L’indispensable sans contact est proposé aux distributeurs. « Fin août, on en avait déjà vendu une vingtaine de milliers. »

Changement de perspective

Au début de l’été, sa nomination à la direction générale est officialisée. Elle se lance alors dans un nouveau chantier : la rédaction d’un plan d’affaires.

« Ça n’avait jamais vraiment été réalisé depuis 1992. »

Encore une fois, elle avance en terrain inconnu.

« Dans l’inconfort, je me conforte », rigole-t-elle.

Elle demande conseil à son mentor Robert Pelletier et conduit une série d’entretiens avec ses employés. « Le document, c’est moi qui l’ai produit, mais ce sont les connaissances collectives qui m’ont permis de l’écrire et de le présenter », tient-elle à préciser.

Cette réflexion l’amène à une constatation fondamentale : malgré son nom, Promo Plastik est d’abord un spécialiste en impression sur objets plutôt qu’un fournisseur d’objets promotionnels en plastique.

Moins de 5 % de son chiffre d’affaires se réalisait avec des impressions industrielles.

Promo Plastik fait connaître ses vertus dans son réseau : l’entreprise peut imprimer sur toutes sortes de formes et de substrats.

Dans le contexte pandémique, les employés sont rassurés et dynamisés par ces nouvelles perspectives.

« Ça a changé la donne », constate la directrice.

Les effets se font déjà sentir.

« En 2019, nous avons imprimé environ 650 000 pièces diverses pour des manufacturiers. En 2020, ce sont un peu plus de 1 700 000 pièces, alors que le virage ne s’est pris qu’en milieu d’année. »

Un peu de réconfort dans l’inconfort.

Appel à tous

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