L’innovation

Concevoir, fabriquer et distribuer une cinquantaine d’appareils venant en aide aux personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle. On doit notamment à HumanWare une tablette et des claviers en braille, des lecteurs de livres numériques et des agrandisseurs électroniques.

Qui ?

En 1988, un jeune ingénieur de la firme montréalaise DTI Télécom, Gilles Pépin, hérite d’un mandat pour l’Institut Nazareth et Louis Braille, un centre de réadaptation en déficience visuelle. « C’était les balbutiements du développement technologique pour les personnes aveugles, se rappelle-t-il. Cette opportunité s’est présentée, j’ai trouvé ça trippant. » Constatant l’immensité des besoins dans ce domaine et le peu d’offre, M. Pépin fonde cette année-là l’entreprise qui deviendra HumanWare. Un partenaire, Yves Boisjoli, a sauté dans le train en 1994. En 2014, HumanWare conclut un partenariat stratégique avec la firme française Essilor. M. Pépin est toujours président et chef de la direction d’Humanware, qui compte 175 employés répartis entre son centre de recherche de Longueuil, son siège social à Drummondville et des bureaux en Floride, en Grande-Bretagne et en Australie. Fait à noter, 15 % des employés ont une déficience visuelle.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE HUMANWARE

Le Victor Reader Trek est l’exemple parfait des deux missions de HumanWare : il permet d’écouter des livres numériques tout en intégrant un GPS qui donne des indications routières.

Les produits

Au fil des ans, HumanWare a développé une cinquantaine de produits maison, dont la plupart utilisent le braille ou la synthèse vocale, pour permettre aux personnes aveugles de surmonter deux défis : l’accès à l’information et l’orientation. Le Victor Reader Trek, par exemple, est l’exemple parfait de ces deux missions : il permet d’écouter des livres numériques tout en intégrant un GPS qui donne des indications routières. L’autre grande vedette, c’est le BrailleNote Touch, une tablette Android qui traduit en braille, sur une bande embossable, ce qui défile à l’écran. Pour ceux qui souffrent d’une déficience visuelle, la PME a conçu plusieurs modèles de loupes électroniques et d’écrans agrandisseurs.

Le braille, c’est l’équivalent de la littératie pour les gens. Les personnes aveugles qui ne connaissent pas le braille ont un taux de chômage de 70 %. Ceux qui le connaissent, c’est de l’ordre de 15 %.

Gilles Pépin, PDG de HumanWare

PHOTO TIRÉE DU SITE DE HUMANWARE

Le BrailleNote Touch, une tablette Android conçue par HumanWare, traduit en braille sur une bande embossable ce qui défile à l’écran.

Les défis

On estime que 2,8 % de la population adulte canadienne, soit 756 000 personnes, souffrent d’une incapacité visuelle limitant leurs activités quotidiennes. Il s’agit de toute évidence d’un marché de niche peu fréquenté, ce qui explique qu’HumanWare ait pu s’imposer depuis plus de trois décennies. Le revers de la médaille, c’est que les produits conçus par la firme de Drummondville sont bien plus coûteux que ceux qui s’adressent à l’immense majorité des consommateurs. Le BrailleNote Touch 32 Plus, un des plus récents modèles de tablette Android, se vend par exemple 7095 $. Or, HumanWare ne peut tout simplement pas suivre le rythme des développements technologiques imposés par les fabricants d’appareils mobiles et les concepteurs de logiciels. 

Nos produits prennent beaucoup de temps à développer, et devant les nouvelles versions de système Android, ils deviennent vite dépassés d’un point de vue électronique.

Gilles Pépin, PDG de HumanWare

PHOTO FOURNIE PAR HUMANWARE

HumanWare fabrique entre autres une tablette et des claviers en braille, des lecteurs de livres numériques et des agrandisseurs électroniques.

L’avenir

En deux mots : intelligence artificielle. « Pour les personnes aveugles, la reconnaissance visuelle grâce à l’apprentissage profond, ça va être une révolution complète », prédit M. Pépin. HumanWare a contribué à créer une chaire de recherche avec Element AI et Google où on explore les possibilités de cette science. Un exemple : même si une personne aveugle dispose d’un GPS pour arriver à bon port, il lui est très difficile de trouver la porte d’entrée d’un immeuble. « L’identification de portes dans un milieu urbain, personne n’a jamais fait ça, dit le PDG. On a soumis 10 000 photos de portes, et c’est vraiment incroyable, la puissance de l’intelligence artificielle. »