On en parle peu parce qu’elles sont loin. Mais des PME francophones ont fleuri un peu partout au Canada. Au programme cet été : tourisme entrepreneurial !
Aujourd’hui : Nanoptix, au Nouveau-Brunswick

Daniel Vienneau a remporté la cagnotte dans des casinos répartis un peu partout sur la planète.

Chaque fois qu’une machine à sous crache un reçu attestant un gain, il y a de bonnes chances qu’il soit imprimé par une composante fabriquée par sa firme de la région de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Nanoptix est une des trois seules entreprises dans le monde à fournir des imprimantes aux fabricants de ces appareils.

Et qui dit monde dit déplacements.

« Je viens de finir mon 12e voyage depuis le début de 2019, confiait-il en juin. Ça veut dire l’Australie, la Chine, Macao… J’arrive d’Athènes et de Milan. »

La planète est petite quand on a un produit très niché.

Daniel Vienneau

Petit-Rocher (centre)

Il est parti de loin. Daniel Vienneau est né à Petit-Rocher, un village côtier serré entre Petit-Rocher-Nord (au nord) et Petit-Rocher-Sud (au sud), sur la baie des Chaleurs – « avec pas de chaleur », précise son ancien résidant.

Son père, machiniste, avait prédit qu’il deviendrait un jour business administrator.

« Il disait ça en anglais. Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais quand les gens me demandaient ce que j’allais faire, c’est ce que je répondais, avec mon gros accent de Petit-Rocher. » Un accent qu’on ne distingue plus.

Peut-être motivé par le pronostic paternel, Daniel Vienneau a terminé un bac en génie mécanique en 1987 à l’Université Laval.

Il a ensuite travaillé deux ans au Québec. « Puis, j’ai décidé de revenir dans mon coin de pays », à rebours de l’exil habituel. « À l’époque, ce n’était pas très populaire ! »

PHOTO FOURNIE PAR NANOPTIX

Daniel Vienneau, président et fondateur de Nanoptix

Le vétéran de Dieppe

Il s’est installé à Dieppe, une localité francophone en périphérie de Moncton, qui a porté les noms de French Village et de Léger’s Corner, avant d’être rebaptisée en 1946 pour commémorer le raid canadien de 1942.

Il s’est joint alors à un groupe d’ingénieurs qui faisaient de la consultation en technologie de pointe auprès des entrepreneurs de la région. À 28 ans, donnant raison à son père, Daniel Vienneau a pris la tête de l’équipe d’une vingtaine de personnes.

De là, « ç’a été un saut naturel en 1996 quand j’ai décidé de lancer Nanoptix », relate-t-il. Après qu’il eut tenté de commercialiser un spectrophotomètre, un fabricant d’appareils de loterie vidéo du Nouveau-Brunswick l’a contacté pour les besoins d’un important contrat. Nanoptix s’est dès lors consacrée aux imprimantes thermiques pour l’industrie des jeux et loteries.

De l’impression d’argent !

Le siège social de Nanoptix, un édifice aux murs de béton striés comme un code à barres, est situé rue Champlain, la plus importante artère de Dieppe. « À cinq minutes de l’aéroport ! », souligne Daniel Vienneau.

Nanoptix y assemble 25 000 imprimantes par an, dont 96 à 98 % sont « expédiées partout dans le monde » à quelque 150 clients, dont seulement trois au Canada, déplore-t-il.

À l’œil d’un profane, la dizaine de modèles d’imprimante de Nanoptix ne semblent rien offrir qui épaterait un Australien ou un habitant de Macao (un Macanais, a-t-on appris) : des boîtiers métalliques ou de plastique munis d’une fente.

PHOTO FOURNIE PAR NANOPTIX

Une des imprimantes de Nanoptix, à intégrer dans divers types d’appareils de paiement

Bien sûr, tout le secret est dans l’électronique. N’imprime pas qui veut un billet garantissant 10 000 $ à son heureux détenteur.

« On imprime de l’argent, en fait, constate Daniel Vienneau. C’est extrêmement légiféré. »

La recherche et le développement accaparent plus de 1 million de dollars par an.

Car la compétition est vive. Le petit fabricant de Dieppe se bat contre deux concurrents costauds, situés dans l’État de New York et à Tokyo.

Or, le jeu est une affaire sérieuse.

« Un compétiteur a essayé de nous intimider avec des poursuites un peu bidon au plan de la propriété intellectuelle. »

Il a gagné, mais la bataille devant la justice américaine lui a coûté une fortune.

Fier francophone

Nanoptix compte 35 employés, dont une douzaine d’ingénieurs et de techniciens spécialisés. « Le personnel est bilingue, avec un bon pourcentage de francophones », précise le président.

Le français ? Ni un avantage ni un obstacle. « Ce n’est pas comme si on avait pignon sur rue comme un magasin de détail. On n’a pas de client qui passe par la porte. »

C’est plutôt lui qui apporte sa culture chez ses clients.

« Je suis extrêmement fier d’être francophone et je suis très fier, quand je me promène dans le monde, de dire notre origine acadienne et d’expliquer l’histoire de notre coin de pays. »

Daniel Vienneau prend congé de voyages, cet été. « On reste dans le coin. On va jouer au golf et aller se reposer au chalet sur le bord de l’eau. »

L’eau salée.

Ce sont les Maritimes, tout de même.

Nanoptix

Fondation : 1996
Président et fondateur : Daniel Vienneau
Activité : fabrication d’imprimantes pour machines à sous, appareils de loterie vidéo et autres terminaux
Employés : 35
Chiffre d’affaires : 10 millions

Dieppe

25 384 habitants, dont 17 725 ont le français comme langue maternelle
Dieppe regroupe la plus importante communauté acadienne du Nouveau-Brunswick. Elle est la plus grande ville majoritairement francophone à l’extérieur du Québec.

Nouveau-Brunswick 

747 101 habitants, dont 231 110 ont le français comme langue maternelle
Source : Recensement 2016