Pas simple pour la PME de se faire connaître des grands décideurs de la planète ; ce l'est d'autant moins lorsqu'elle a une innovation à leur présenter. Voilà le défi qu'est à même de relever Marc-Antoine Pelletier, directeur du développement commercial chez Systemex. Il nous explique comment il y est arrivé.

Marc-Antoine Pelletier gère ses réunions au rythme de ses déplacements.

Et le directeur du développement commercial chez Systemex Énergies en a plus d'une. Rencontre avec les associés, entretiens avec les agents de brevets ou les clients et partenaires : le temps est précieux pour cet homme à tout faire.

Il se prête d'ailleurs à l'entrevue de sa voiture, entre deux rencontres.

« C'est ça quand on travaille pour une start-up, explique-t-il. On s'implique à plusieurs niveaux en même temps. »

L'entreprise qu'il a cofondée en 2009 avec trois collègues ingénieurs cherche à faire sa place dans le marché de la gestion des charges et des réseaux électriques. Ou, du moins, dans une partie de celui-ci.

« Les réseaux électriques sont très fragilisés et moins robustes qu'avant à cause de l'arrivée des sources d'énergie renouvelables comme l'éolien ou le solaire sur les réseaux, explique l'ingénieur de formation. Ces nouvelles sources créent plus de fluctuations électriques et rendent les réseaux moins robustes. »

Comme l'offre électrique est appelée à fluctuer plus qu'avant, il faudrait que la demande, elle, soit plus souple. C'est pour répondre à ce besoin que Systemex a conçu une technologie appelée SOFT-R3. Celle-ci prend la forme d'une simple carte électronique. Une fois greffé à un appareil électrique comme un chauffe-eau, un air conditionné ou une borne de recharge électrique, le dispositif module la consommation électrique de l'appareil en fonction de la fréquence électrique du réseau.

Bref, il rend la charge «  intelligente », selon Marc-Antoine Pelletier.

« Présentement, les appareils électriques fonctionnent à la façon d'un interrupteur : ils sont soit ouverts, soit fermés. C'est comme si une voiture faisait du 0 ou du 60 km/h, mais rien entre les deux. Notre technologie, elle, permet de moduler graduellement la demande. » - Marc-Antoine Pelletier, directeur du développement commercial chez Systemex Énergies

En implantant un tel dispositif dans des millions d'appareils branchés au réseau électrique, celui-ci deviendrait du coup plus stable, la demande énergétique s'adaptant à l'offre de façon plus souple qu'actuellement.

Mais voilà, avant qu'il ne soit installé dans des millions d'appareils, il doit d'abord être installé dans un premier. Et il est là, le défi qui occupe actuellement l'homme d'affaires.

UN PARTENARIAT

Pour y parvenir, Systemex s'est lancée à la recherche d'un premier partenaire. Une aventure complexe, selon Marc-Antoine Pelletier.

« Quand on parle de nouvelles technologies, le cycle de vente peut être relativement long, dit-il. Tout le monde veut être le deuxième, mais pas nécessairement le premier à l'adopter. »

Selon lui, il n'existe pas de recette miracle pour trouver un tel partenaire.

« On se sert de son réseau, on fait du démarchage, on participe à des foires spécialisées, résume-t-il. L'important, c'est d'établir des liens personnalisés, puis de montrer sa crédibilité. »

C'est par cette approche toute simple que l'entreprise de Magog en est venue à établir des partenariats multiples avec des centres de recherche en Amérique du Nord et en Europe.

Elle vient aussi d'installer son dispositif dans une borne de recharge pour véhicules électriques provenant du géant mondial Schneider Electric. Un partenariat facilité par la présence d'un ancien de chez Schneider au sein du conseil d'administration de Systemex, mais qui a tout de même nécessité deux ans de discussions.

Les deux entreprises ont maintenant vérifié comment la borne réagissait à la présence du dispositif, et ce, lors d'une série de tests menés avec différents modèles de voitures électriques.

Les résultats sont pour l'instant probants, selon Marc-Antoine Pelletier. N'empêche, son entreprise n'est pas encore rendue à l'étape de la vente. Il reste notamment des étapes de normalisation à franchir, selon lui.

« Les bornes de recharge ne représentent qu'un seul des marchés qu'on souhaite conquérir, ajoute l'homme d'affaires. À terme, on aimerait être le standard en matière de charges intelligentes. »

CINQ CONSEILS

Comment aborder les grands acteurs d'une industrie avec sa technologie ? Ronald Bannon, conseiller commerce international chez DPME et spécialiste du marketing de l'innovation, y va de ses conseils sur le sujet.

Se protéger

Déposez une demande de brevet très tôt dans le processus, suggère l'expert. « On peut sonder un partenaire potentiel sans problème si tout reste confidentiel, mais on évite le risque de tout perdre avec un brevet provisoire. »

Valider, puis tester

Assurez-vous que votre innovation réponde bien aux besoins des marchés cibles en rencontrant vos clients potentiels. Une fois cette étape franchie, testez votre innovation.

Cibler les bonnes personnes

Pour trouver des clients, abordez les équipes d'ingénieurs des entreprises clientes que vous ciblez. « Ces gens-là sont constamment à la recherche de solutions, alors ils vont écouter », explique l'expert de DPME.

Signer une entente

Couchez sur papier la portée d'un partenariat de façon à protéger l'innovation ou même les résultats qui pourraient découler des tests. Ronald Bannon cite à cet effet le cas d'une entreprise qui avait utilisé des données à l'insu de son partenaire.

Passer l'étape de la normalisation, c'est-à-dire de répondre aux normes spécifiques de l'industrie

« C'est un incontournable », indique Ronald Bannon. Celui-ci recommande aux PME québécoises de prendre contact avec le CRIQ pour qu'on les guide au fil du processus.