Le 7 juin prochain, Lewis Hamilton, ou Nico Rosberg, ou peut-être Sebastian Vettel, enfin, le vainqueur du Grand Prix du Canada brandira bien haut le trophée conçu par Jean-Philippe Caron.

C'est une pièce à la fois épurée et foisonnante.

Huit fois, le tracé du circuit Gilles-Villeneuve a été taillé dans l'aluminium et fiché dans un socle cylindrique. Dressés sur la pointe qui correspond à l'épingle du circuit, les huit profils disposés en rayons composent le fût et la ramée d'un arbre.

C'était voulu, bien sûr.

Quand il a reçu la commande du président du Grand Prix du Canada François Dumontier, Jean-Philippe Caron s'est rendu sur le circuit de l'île Notre-Dame, l'a arpenté, en a ressenti l'ambiance pour en tirer l'essence.

« Il est rare qu'un Grand Prix se trouve au milieu des arbres comme à Montréal, et pour moi, c'était un élément extrêmement important. » 

De retour au bureau, il a jeté des croquis sur papier, joué avec le plan du circuit, jusqu'à y voir la moitié de la silhouette d'un arbre. Une image miroir a fourni l'autre moitié, puis une rotation a ajouté la troisième dimension.

Le concept a été approuvé par Bernie Ecclestone, le pacha qui a le dernier mot sur tout ce qui touche l'image du grand cirque de la Formule Un.

Génie industriel, puis artistique

« Le Grand Prix, c'est impressionnant, mais le gros de mes affaires consiste à faire des trophées pour des événements de reconnaissance à l'interne pour des entreprises, décrit le président d'Arte5. Un de nos très gros clients est Rio Tinto Alcan, pour qui on produit environ 1000 sculptures en aluminium par année. »

Jean-Philippe Caron fait lui-même le design des trophées, sculptures et autres objets ensuite fabriqués en sous-traitance par des ateliers spécialisés.

Pourtant, il n'était ni sculpteur, ni designer, ni artiste. Ce sont les rencontres, les occasions saisies et une puissante vocation d'entrepreneur qui l'ont mis sur cette piste.

Dans une boutique de vêtements où il travaillait pendant ses études en génie industriel, il a rencontré le jeune peintre Guy Boudreault. « J'ai été charmé par son travail et je lui ai proposé simplement de devenir son agent. »

Lors d'une exposition, un vice-président de Secur a suggéré à l'artiste de peindre des camions blindés aux couleurs de son entreprise.

Clic ! « Secur a confirmé l'intuition que j'avais d'un potentiel de vente d'oeuvres sur mesure pour les entreprises et de cadeaux d'affaires dérivés de ces oeuvres d'art. »

Quelques mois plus tard, début 1996, il fondait Artifex, devenue depuis Arte5.

Il avait 22 ans.

Vocation tardive et soudaine

Jusqu'en 2005, il n'avait pas dessiné une ligne, et l'idée ne lui en était jamais venue.

Mais un voisin lui parle des championnats du monde de natation de la FINA qui se tient à Montréal et des médailles qu'il faudra concevoir pour l'occasion. « J'ai eu un flash, j'ai dessiné la médaille en environ dix secondes, je l'ai présentée aux gens de la FINA, qui ont été charmés, et c'est comme ça que j'ai commencé à faire du design. »

Voyez comment vont les choses : à l'époque, François Dumontier était vice-président aux opérations pour les championnats du monde de natation. « Il a remarqué mon travail, et les années subséquentes, il m'a demandé de faire la production de trophées pour des courses automobiles. »

Comme il le dit lui-même, les championnats du monde de natation ont été pour lui un tremplin.

Futur champuon du trophée



Arte5, dont le chiffre d'affaires excède le million de dollars, emploie pour l'instant trois personnes :  Jean-Philippe, son père Jean-Gilles et sa soeur Valérie.

L'entreprise n'a aucun catalogue : les objets sont conçus sur mesure, selon les besoins du client. « C'est un processus créatif renouvelé à chaque fois. »

Il prévoit toutefois le systématiser. Il engagera à l'automne une équipe de graphistes. « On veut développer un nouveau système de prise de commande de trophées sur le web, qui sera extrêmement dynamique. Le client va pouvoir avoir une idée de son trophée même avant de passer sa commande. »

Ce projet, dont l'investissement s'élève à environ 100 000 $, devrait être lancé en septembre.

L'homme ne manque pas d'ambition. « Vous savez, quand on va produire 100 000 trophées par année et qu'on va vendre pour 100 millions, c'est clair qu'on va avoir notre usine. »

Il se donne 10 ans pour franchir cette ligne d'arrivée.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

« J’ai eu un flash, j’ai dessiné la médaille en environ dix secondes, je l’ai présentée aux gens de la FINA, qui ont été charmés, et c’est comme ça que j’ai commencé à faire du design », explique Jean-Philippe Caron.