En septembre, NéoMédia, filiale de l'agence web iClic de Beauce, a causé une certaine surprise en rachetant neuf journaux hebdomadaires ayant appartenu à Québecor. Six mois plus tard, l'entreprise peaufine son plan pour s'étendre à la grandeur du Québec.

C'est par accident que Claude Poulin et Serge Labbé se sont lancés dans le monde des médias. Ils sont aujourd'hui à la tête d'un des principaux groupes d'information régionale au Québec.

En 2001, les deux entrepreneurs ont fondé à Saint-Georges, en Beauce, l'agence iClic, qui conçoit des sites web pour des PME. Or, il existe relativement peu de médias web dans la région, de sorte qu'il était difficile pour l'entreprise de publiciser les sites qu'elle créait pour ses clients.

À l'été 2006, MM. Poulin et Labbé ont donc décidé de mettre sur pied EnBeauce.com, qui était dans un premier temps un calendrier d'événements de la région auquel se sont ensuite greffés des communiqués d'entreprises locales. Le succès a été instantané.

Rapidement, on a décidé d'ajouter des articles journalistiques. Mais comme ces textes étaient repris d'autres médias, EnBeauce.com a aussitôt reçu des mises en demeure l'intimant de cesser cette pratique. «Le lendemain, j'ai téléphoné au cégep et j'ai demandé qu'on m'envoie le meilleur étudiant en arts et lettres pour nous écrire des articles», raconte Claude Poulin, 39 ans. Deux mois plus tard, le site embauchait ses premiers journalistes en bonne et due forme.

Une grosse bouchée

Aujourd'hui, EnBeauce.com est l'un des sites d'information les plus populaires de la région. Cette réussite a donné le goût à MM. Poulin et Labbé d'aller plus loin. L'an dernier, ils ont déposé une offre d'achat pour les 33 journaux dont Transcontinental a dû se défaire après avoir mis la main sur les hebdomadaires de Québecor. Ils ont finalement réussi à acquérir neuf publications en Montérégie, dans les Laurentides, dans Lanaudière, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Mauricie et à Laval.

L'entreprise créée pour l'acquisition, NéoMédia, a mis fin aux versions imprimées des journaux, misant tout sur les sites web. On éliminait ainsi les coûts d'impression et de distribution, mais on réduisait également les revenus publicitaires. Une cinquantaine de salariés ont perdu leur emploi. Il a aussi fallu embaucher des vendeurs plus à l'aise dans l'univers numérique.

«Ce qui nous inquiétait le plus, c'était: est-ce que la Beauce est une bibitte à part? Beaucoup de gens m'ont dit: "Ça marche en Beauce parce que vous venez de là"... Finalement, je m'aperçois que c'est le même phénomène partout au Québec. Il y a des régions qui vont bientôt dépasser la Beauce.»

Le site du Journal de Joliette, par exemple, est aujourd'hui consulté par près de 15 000 personnes par jour alors qu'il y a six mois, le compte était d'à peine quelques centaines. Par comparaison, EnBeauce.com reçoit environ 18 000 visiteurs par jour.

Comment est-on parvenu à enregistrer une telle croissance en six mois? En publiant au moins 10 articles par jour sur chaque site et en utilisant intensivement les médias sociaux. «On a maintenant suffisamment de trafic pour que nos sites soient viables à moyen et long terme», soutient Claude Poulin.

Expansion

Une fois les sites des anciens hebdos intégrés, NéoMédia n'a pas tardé à se remettre à sa stratégie d'expansion. En janvier, l'entreprise a créé un nouveau site: GoRimouski.com. Et le mois prochain, elle s'associera à un entrepreneur web de Vaudreuil-Dorion, Karim Benchekroun, pour lancer la formule dans cette région. En fait, M. Benchekroun, qui a connu M. Poulin à l'École d'entrepreneurship de Beauce, deviendra sous peu actionnaire de NéoMédia.

Et ce n'est qu'un début. NéoMédia a l'ambition d'exploiter 150 sites web d'ici trois ou quatre ans. «Quand notre réseau sera bien rodé, les ouvertures devraient débouler», affirme Claude Poulin.

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NéoMédia

Le portrait

Entreprise: iClic/NéoMédia

Année de fondation: 2001

Actionnaires: Claude Poulin et Serge Labbé

Employés: une cinquantaine

Secteur: médias web

Le défi

iClic voulait reproduire à l'échelle du Québec le succès de son site web d'information EnBeauce.com, fondé en 2006.

La solution

L'entreprise a fait l'acquisition de neuf journaux dont devait se défaire Transcontinental dans la foulée du rachat des hebdomadaires de Québecor.

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Cinq conseils pour une acquisition réussie

Tôt ou tard, une PME assoiffée de croissance devra réaliser des acquisitions. Robert Deshaies, président de G4 Solutions et Stratégies d'entreprise, nous donne quelques conseils pour éviter les écueils de ces transactions souvent complexes.

1. Se faire accompagner

Il y a bien des sites comme acquisition.biz qui permettent de trouver des entreprises à vendre, mais la plupart d'entre elles ne s'affichent pas publiquement. En revanche, les banquiers, consultants en fusions-acquisitions et autres spécialistes peuvent compter sur des contacts bien renseignés et des listes d'entreprises disposées à conclure des transactions. «Les vendeurs potentiels sont plus susceptibles d'ouvrir leur porte à des conseillers professionnels qui peuvent leur garantir la confidentialité du processus», explique Robert Deshaies.

2. Bien choisir sa cible

Réaliser des acquisitions peut être exaltant, mais il ne faut pas oublier que bon nombre d'entre elles se soldent par des échecs. Il convient donc de choisir avec soin l'entreprise sur laquelle on jettera son dévolu. Idéalement, l'entrepreneur optera pour une firme complémentaire à la sienne qui lui permettra de pallier certaines de ses faiblesses. «La cible doit nous apporter une valeur ajoutée et nous devons pouvoir apporter une valeur ajoutée à la cible», résume M. Deshaies.

3. Fixer des balises financières

On a beau avoir trouvé l'acquisition parfaite, encore faut-il être en mesure de se la permettre. «Il est fondamental de déterminer sa capacité de financement en discutant avec ses partenaires financiers, note Robert Deshaies. Il faut aussi établir le prix maximal qu'on est prêt à payer.» Ce n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire: «Établir le juste prix d'une entreprise, c'est souvent l'aspect le plus difficile dans une transaction», souligne Robert Deshaies.

4. Établir la stratégie d'intégration

Les entrepreneurs d'expérience ont l'habitude de dire que le vrai travail commence lorsque la transaction est conclue. Il n'y a pas de temps à perdre: il faut rassurer salariés et clients, mettre en branle les synergies. «L'acquéreur doit avoir une stratégie en trois volets qui comporte des objectifs financiers, opérationnels et organisationnels», estime M. Deshaies.

5. Se donner un échéancier réaliste

«Les gens sous-estiment souvent la complexité d'une acquisition, constate Robert Deshaies. Par exemple, il peut y avoir des confrontations entre le vendeur et l'acheteur qui étirent le processus.» Selon son expérience, il s'écoule généralement de trois à quatre mois entre la signature d'une lettre d'intention et la clôture de la transaction. Les parties ont aussi tendance à se méprendre sur les frais connexes, qui sont souvent importants (avocats, comptables, notaires, etc.).