On crée. On produit. On vend. Puis, le processus s'emballe. Comment bien gérer les ressources humaines et financières tout en maintenant cette croissance ? Chaque mois, des dirigeants de PME révèlent ce qu'ils mettent de l'avant pour y arriver et assurer la croissance future de leur entreprise. Aujourd'hui, Filosofia et la délicate entrée sur le marché américain.

Sophie Gravel est de ces entrepreneurs qui ont su transformer une passion en véritable entreprise. Son dada? Le jeu. Le jeu de table, pour être plus précis.

À la simple mention de ces mots vous viennent sans doute en tête des titres à succès du XXe siècle comme Monopoly, Risk ou Clue. Mais ce sont plutôt des jeux de la nouvelle vague tels que «les Colons de Catane» ou «Tikal», issus d'Allemagne, ceux-là, qui sont venus habiter l'univers ludique de l'économiste de formation à la fin des années 90.

«À ce moment-là, les jeux de société étaient très peu offerts au Québec, se souvient celle qui faisait la navette depuis Québec jusqu'à Montréal pour visiter la seule boutique québécoise à en faire l'importation. Je me suis dit que je ne devais pas être toute seule dans cette situation, et j'ai décidé de me lancer dans la distribution.»

C'est ainsi que Sophie Gravel cofonde Filosofia en 2002, en compagnie de son conjoint Martin Tremblay, alors tous deux dans la jeune trentaine. L'entreprise agit d'abord à titre d'importateur, mais distribue aussi des jeux qu'elle assemble ici dans ses installations de Vaudreuil.

Petit à petit, Filosofia grandit. En 2006, elle passe à une nouvelle étape et ajoute à ses activités de distribution de jeux celle de l'édition. Des jeux conçus ici sont alors imprimés en Chine ou en Allemagne, puis assemblés au Québec avant d'être expédiés aux quatre coins de la francophonie. «On ne peut pas être un éditeur de jeux et avoir une vision locale», explique d'ailleurs celle qui obtient 75% de ses ventes à l'extérieur du pays.

Une acquisition

C'est dans cette optique que Filosofia enfonce un nouveau jalon à l'été 2011 en achetant l'éditeur américain Z-man Games. En plus de mettre la main sur des dizaines de licences, l'entreprise de Vaudreuil s'offre du coup la possibilité de proposer ses propres créations sous la bannière Z-man dans le monde anglo-saxon, notamment aux États-Unis.

Percer le marché américain n'a toutefois pas été aussi facile que prévu, raconte Sophie Gravel. «Les différences culturelles font en sorte que les goûts sont bien différents», dit-elle.

Pour parvenir à lancer avec succès de nouveaux jeux sous la bannière Z-man, Filosofia a dû «retourner à l'école», aux dires de sa présidente. Aux rencontres avec des distributeurs, détaillants et représentants de grandes chaînes se sont ainsi ajoutées des visites dans plusieurs salons spécialisés. Des efforts qui ont toujours cours aujourd'hui.

Si l'entreprise consacre tant d'énergie à bien cerner ce marché, c'est que Filosofia offre maintenant à ses partenaires d'affaires étrangers l'option d'éditer des jeux autant en français qu'en anglais, ce qui gonfle la hauteur des contrats, mais surtout, le risque financier associé. «C'est une autre aventure», souligne à cet effet la femme d'affaires qui met tout en oeuvre pour que le succès soit au rendez-vous.

Croissance

Pour garantir ce succès et assurer que la production réponde aux impératifs du carnet de commandes, Filosofia y est allée d'une vague d'embauches au cours des 18 derniers mois, faisant passer son équipe de 13 à bientôt 26 employés.

«Lorsqu'on avait besoin de quelqu'un à un poste en particulier, on embauchait, raconte Sophie Gravel. On a grandi comme ça de façon organique et peu organisée.»

Cette façon de faire s'est toutefois heurtée à un obstacle lorsque la cofondatrice de Filosofia a perdu le fil de ce qui se tramait dans son organisation. Le problème l'a conduite à revoir son organigramme au courant de l'été et à créer cinq postes de gestion, dont deux restent toujours à combler. «La croissance, c'est beau, mais il faut savoir l'intégrer, dit-elle avec le recul. Et c'est tout un défi.»

Un défi d'autant plus grand que l'entreprise a eu à vivre avec un autre problème, celui-là d'espace, créé par l'intégration de l'inventaire de Z-man. «On poussait dans les murs, raconte Sophie Gravel, il n'y avait juste plus de place.»

Déménagement

Après avoir évalué différentes options, Filosofia a finalement opté pour un déménagement dans des installations  à Rigaud. Selon la présidente de l'éditeur de jeux, celles-ci répondent aux besoins actuels de l'entreprise, et sauront répondre à ses besoins futurs si la croissance est toujours au rendez-vous.

À cet effet, Sophie Gravel se montre plutôt confiante. Alors que s'ajoutent actuellement de nouveaux titres aux catalogues de Filosofia et de Z-man, l'entreprise se lance aussi dans le monde des applications pour tablettes et téléphones intelligents. Une première version de son jeu Pandémie est d'ailleurs offerte depuis peu, et pourrait ouvrir un tout nouveau marché d'édition pour Filosofia.

Le portrait

Année de fondation: 2002

Nombre d'employés: 26

Présidente: Sophie Gravel

Cofondateurs: Sophie Gravel et Martin Tremblay

Secteur: Édition et distribution de jeux de table

Marché: 25% canadien, 75% international

Chiffre d'affaires: Plus de 10 millions par année