Jean-Pierre Legris rêvait depuis longtemps de fabriquer un véhicule 100% québécois. À défaut d'avoir suffisamment d'argent pour créer une automobile de toutes pièces, il a fait le pari de fabriquer une moto électrique haut de gamme.

Après quatre ans de recherche et quelques centaines de milliers de dollars investis de sa poche, le président de Lito Green Motion vient de recevoir l'homologation de Transports Canada. Bref, il peut enfin commercialiser la Sora, une moto de 46 000$, dont une quarantaine d'unités sont déjà réservées en Europe.

La route a été longue et parsemée d'embûches pour Jean-Pierre Legris. «J'ai mis tout mon argent dans l'entreprise. C'est un appauvrissement personnel pour un enrichissement social. Heureusement, je suis capable de vivre avec peu de moyens», dit-il.

Cet ingénieur mécanique de 37 ans a eu le génie de bien s'entourer, mais surtout de faire ses devoirs correctement. «J'aurais pu me dire que j'allais fabriquer quelque chose dans mon sous-sol, sans l'aide de personne, raconte-t-il. Dès le début de mon projet, j'ai investi 3000 ou 4000$ pour une étude auprès de l'Institut du transport avancé du Québec (ITAQ). Ça m'a tout de suite ouvert des portes.»

L'entrepreneur ne s'en cache pas: il veut devenir le prochain Bombardier. «Nous sommes en train d'écrire une page d'histoire. L'avenir nous dira si cette histoire va durer ou pas», dit-il, philosophe.

Le chef d'entreprise part de loin. Et il le sait pertinemment. Il ne possède pas de chaîne de montage et n'emploie que cinq personnes. N'empêche. «Ça nous a pris de 10 à 20 fois moins d'argent [M. Legris préfère taire les sommes investies à ce jour] qu'un constructeur normal pour créer ce que je qualifie de plus belle moto électrique du monde», fait remarquer le président de Lito Green Motion.

Le résultat est effectivement spectaculaire. La Lito Sora est une moto monoplace entièrement fabriquée au Québec, sauf quelques composantes (freins et lumières) importées d'Asie. La bête, construite en fibre de carbone et en aluminium, a une autonomie d'environ 200 km en ville et de 100 km sur l'autoroute. Elle peut atteindre près de 200 km/h. Elle se branche sur une prise de 110 volts. Il faut compter neuf heures de charge pour faire le plein.

Fait intéressant: plusieurs composantes de la Sora (qui signifie «ciel» en japonais) sont brevetées, notamment le «Safe Range System», un programme fonctionnant avec un GPS et par lequel la dépense d'énergie électrique ajuste la vitesse de la moto en fonction de la distance à parcourir. Autrement dit, impossible ou presque de tomber en panne.

Le fondateur de Lito Green Motion est donc impatient d'entrer en production. Ce qui ne saurait tarder. «C'est le calme avant la tempête», dit-il. Ses nombreux sous-traitants et fournisseurs de pièces sont eux aussi prêts à fourbir leurs armes.

Lito Green Motion vient d'ailleurs de procéder a une première ronde d'investissements. Deux nouveaux actionnaires silencieux vont injecter des sommes (confidentielles) qui serviront à la production et à la livraison de la moto Sora, lauréate du prestigieux Reddot Design Award en 2011.

Dans ses installations de Longueuil, la jeune entreprise met environ huit heures pour monter une moto de A à Z. Dès 2014, elle espère vendre de 300 à 500 unités annuellement. «La bonne nouvelle, c'est qu'à environ 60 unités, on atteint notre «break even» «, explique Jean-Pierre Legris.

Forte des 40 unités déjà réservées en Europe, l'entreprise québécoise est optimiste. Elle serait sur le point de signer avec des revendeurs à Londres et Berlin. De ce côté-ci de l'Atlantique, elle est à parapher le même type d'ententes à Montréal, Toronto, Vancouver et même Los Angeles. L'entreprise travaille sur un deuxième modèle de moto électrique qui pourrait voir le jour dès 2015.

Diplômé en génie mécanique, Jean-Pierre Legris voulait voyager tout en travaillant. Son voeu a été exaucé. Il a oeuvré deux ans au Japon chez Honda. Il y a d'ailleurs uni sa destinée à une Japonaise. Le couple a trois jeunes enfants. La petite famille est ensuite allée vivre en France, où M. Legris a bossé pour Peugeot-Citroën.

De retour au Québec en 2004, il a travaillé pour le compte d'anciens amis avant de chercher à fonder sa propre boîte, où il pourrait recréer à petite échelle ce qu'il a appris chez les grands constructeurs.

Après un premier contact avec l'ITAQ en 2009, il a fait valider la viabilité de son projet de moto électrique et travaille en collaboration avec une flopée de maisons d'enseignements (HEC Montréal, École de design de l'Université de Montréal, Polytechnique Montréal, etc.) et de chercheurs. Dans la foulée, il a profité de différentes subventions, mais rien, dit Jean-Pierre Legris, si on compare avec ce qu'il a mis de sa poche.

À la fin de 2011, un premier prototype a été testé en circuit fermé. Celui-ci sera présenté au Grand Prix de F1 du Canada, à Montréal, mais aussi à Dubaï et à Monaco. Depuis 2012, deux prototypes circulaient sur les routes du Québec, ce qui a permis à l'entreprise de répondre aux exigences de Transports Canada.

«Je veux qu'on parle des Lito comme on parle des Ferrari. Je veux que mes motos deviennent des objets de convoitise», dit Jean-Pierre Legris.

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LITO GREEN MOTION

- Activité : Fabricant d'une moto électrique haut de gamme, la Sora, vendue 46 000 $

- Siège social : Longueuil

- Chiffre d'affaires : N/D

- Employés : 5

- Objectifs : Commencer la production en série et vendre sa moto électrique aux quatre coins de la planète, maintenant que celle-ci a reçu son homologation de Transports Canada.