La couche de bébé, l'emballage souillé, une pelure de banane, etc. Bientôt, ces déchets ne prendront pas la route de la poubelle, mais peut-être celle d'un nouvel appareil de la taille d'un électroménager.

Pour l'instant, l'idée est lointaine, mais elle a déjà bien fait sa place dans la tête de Jocelyn Doucet, un ingénieur de formation qui est aussi président de l'entreprise longueuilloise de génie-conseil Kengtek. Ce dernier met au point depuis quatre ans, en collaboration avec Polytechnique Montréal, un procédé de pyrolyse qui pourrait bien changer la façon dont on gère les déchets. Son nom: Pyrowave.

La pyrolyse, c'est ce procédé de décomposition de la matière par la chaleur qui se fait en absence d'oxygène. Partout sur la planète, des scientifiques tentent d'appliquer cette stratégie au secteur du déchet domestique. Une stratégie qui permettrait à la fois de mieux contrôler les émissions de gaz à effet de serre et de générer des «biocombustibles».

Ceux-ci se répartissent en trois catégories, selon leur état physique. En plus du biocharbon et de la biohuile, utilisables actuellement par certaines industries, la pyrolyse produit du biogaz, un substitut au gaz naturel.

Pour parvenir à extirper ces formes d'énergie des déchets, l'entreprise utilise une approche basée sur les micro-ondes, une technique vieille d'au moins 30 ans, selon Jocelyn Doucet. «La pyrolyse par micro-ondes n'est pas une technologie nouvelle, ajoute-t-il. Mais ce qui est original dans notre approche, c'est comment on la déploie.»

En effet, alors que la plupart des entreprises du secteur cherchent à bâtir une usine où seraient acheminés les déchets, Kengtek entend commercialiser un appareil de la taille d'une sécheuse pouvant se retrouver chez des particuliers.

Pourquoi aller à contre-courant? Parce qu'on tirerait de grands avantages à densifier les déchets sur leur site de production, au dire de Jocelyn Doucet. «La partie la plus coûteuse d'un déchet, c'est le transport, dit-il. En densifiant le déchet au site, on économise sur les coûts de transport et on réduit l'empreinte écologique du transport de déchets.»

D'une pierre deux coups

La stratégie est d'autant plus intéressante qu'elle permettrait aux particuliers d'utiliser au moins un des trois carburants issus du processus, soit le biogaz. C'est pour cette raison, entre autres, que Kengtek propose déjà sa solution aux entreprises du monde de la restauration, un secteur qui consomme beaucoup de gaz naturel.

Selon le modèle d'affaires pensé par Kengtek, les restaurants devraient débourser autour de 7000$ par année, en plus de 2000$ pour l'installation, afin de s'équiper de la technologie mise au point par l'entreprise. Considérant que la gestion de leurs déchets coûte présentement de 15 000 à 25 000$ annuellement, des économies importantes pourraient être réalisées dès la première année, selon Jocelyn Doucet.

Deux groupes, les Rôtisseries St-Hubert et la Société de développement Angus, ont flairé la bonne affaire et souhaitent déjà tester cette technologie. Le hic, c'est que celle-ci n'existe pour l'instant que sous la forme d'une preuve de concept, assemblée sur la paillasse d'un laboratoire.

Avant d'aller plus loin, Kengtek devra donc assembler un prototype. Une étape qui nécessite des dizaines de milliers de dollars et à laquelle les fonds d'investissement de capital-risque refusent pour l'instant de participer. «Ce que les groupes d'investisseurs veulent voir, c'est un sac-poubelle disparaître dans une vraie machine», explique Jocelyn Doucet.

Pour arriver à satisfaire ces derniers et assembler son prototype, le jeune ingénieur s'est inscrit l'hiver dernier au concours Jeune entrepreneur BDC, une compétition pancanadienne dont le premier prix est assorti d'une bourse de 100 000$. Depuis la semaine dernière, ses chances de l'emporter se sont améliorées: Kengtek fait partie des neuf entreprises finalistes de la compétition et doit désormais compter sur le vote d'internautes canadiens pour remporter le premier prix et sa bourse.