L'introduction d'une coopérative de travailleurs actionnaires facilite le transfert d'entreprise dans certains cas. Dans d'autres, elle intervient lors du rachat. Voici l'histoire vécue de Speedware.

Au début des années 90, les affaires vont bien pour Speedware. La société montréalaise participe à l'implantation de technologies organisationnelles dans les entreprises et agences gouvernementales d'une vingtaine de pays et souhaite maintenant accélérer sa croissance. Pour se donner des munitions, elle s'inscrit au TSX en 1993.

Voyant le marché se transformer progressivement, l'entreprise opte pour une diversification de son offre. Au cours des années 90, puis au début de 2000, elle opte pour une stratégie d'acquisitions et intègre quatre sociétés à son groupe. Le hic, c'est que certaines d'entre elles étaient aussi dans la ligne de mire d'un concurrent, l'américaine Activant.

En 2005, celle-ci propose d'acheter l'ensemble des actions de Speedware pour 120 millions de dollars. Les actionnaires sautent sur l'offre. L'entreprise passe sous contrôle étranger.

Un souvenir doux-amer

Andy Kulakowski, président et chef de la direction de Fresche Legacy, garde un souvenir doux-amer de cette transaction.

«Ils voulaient surtout obtenir les quatre entreprises que nous avions acquises, se souvient-il. Ils ont intégré les activités de celles-ci aux leurs et ont laissé de côté l'entreprise originale, la division montréalaise de Speedware, un peu comme un orphelin.»

Speedware entreprenait alors un virage, délaissant peu à peu son ancien marché pour s'imposer dans celui de la migration de systèmes informatiques archaïques vers de nouvelles plateformes.

Activant s'engageait à reculons dans ce secteur et a fait savoir à sa division montréalaise qu'elle allait y réduire ses investissements.

«Lorsqu'on a vu que ça prenait cette tangente, on leur a fait savoir qu'on voulait racheter notre entreprise, explique Andy Kulakowski. Ça ne s'est pas fait facilement et ça aura pris quatre ans pour convaincre la direction d'Activant d'avoir confiance en notre proposition.»

Les réticences d'Activant s'expliquaient facilement: la division montréalaise lui était toujours profitable. Mais en 2009, la crise économique aidant, Activant accepte finalement de céder le contrôle de Speedware à des intérêts canadiens. Une transaction qui se conclut l'année suivante pour 12,9 millions.

L'équipe de direction prend alors 41% des actions de l'entreprise, tout comme Fondaction, le fonds des travailleurs de la CSN. Les 18% restants sont acquis par un regroupement d'employés, sous la forme d'une Coopérative de travailleurs actionnaires (CTA). Une proportion réduite aujourd'hui à 12%.

Participation des employés

Cette participation des employés au rachat de l'entreprise n'était pourtant pas indispensable à la transaction, souligne Andy Kulakowski. Les dirigeants souhaitaient toutefois les impliquer. «On aurait pu trouver le financement autrement, dit-il. On se disait seulement que si c'était bon pour nous, c'était bon pour eux aussi.»

Depuis son rachat, l'entreprise voit ses revenus croître à un rythme annuel de 20%. L'année dernière, les revenus se sont élevés à plus de 10 millions. Fresche Legacy est encore et toujours «très profitable», aux dires de son président qui se montre fier d'avoir su conserver environ 80 emplois en sol montréalais.

Car selon lui, il n'y a aucun doute: son entreprise n'existerait plus aujourd'hui si elle n'avait pas été reprise par ses dirigeants et employés en 2010.

Speedware

LE DÉFI Depuis qu'elle est devenue propriété de l'américaine Activant, la montréalaise Fresche Legacy, alors Speedware, voit son importance péricliter au sein du groupe. Au bout du chemin, la fermeture guette la division.

LA SOLUTION Ses dirigeants proposent alors de racheter l'entreprise. Ils impliquent entre autres les employés dans la transaction et ramènent la propriété de Speedware entre les mains de Québécois.

LE PORTRAIT

> Entreprise: Fresche Legacy/Speedware

> Année de fondation: 1976

> Nombre d'employés: 80

> Président: Andy Kulakowski

> Principaux propriétaires: Fondaction, Coopérative de travailleurs actionnaires de Speedware, Andy Kulakowski

> Secteur: Service informatique, migration de systèmes informatiques vers de nouvelles plateformes