Astrophysique et entrepreneuriat peuvent-ils faire bon ménage? Il semble que oui.

Sébastien Blais-Ouellette, docteur en astrophysique, est à la tête de Photon Etc., une PME dont la technologie est utilisée dans les centres de recherche privés et publics du monde entier. L'entreprise montréalaise vient de frapper un grand coup: le gouvernement fédéral a choisi sa plus récente technologie, dans le cadre d'un concours sur les innovations canadiennes les plus prometteuses, pour la recherche sur les nanomatériaux au CNRC d'Ottawa.

Du coup, Sébastien Blais-Ouellette, président, et sa bande de surdoués, espèrent susciter l'intérêt des grands donneurs d'ordre de la planète, notamment les multinationales oeuvrant dans la microélectronique. La PME est déjà active dans les secteurs astronomique, médical et minier.

La dernière trouvaille de la PME, l'imagerie Raman, est un système de micro-imagerie permettant l'analyse de nanomatériaux (nanotubes, graphène, points quantiques, etc.) et de tissus biologiques grâce à une cartographie rapide et une qualité d'image incomparable. Et c'est ce qui a charmé Industrie Canada.

«Avant, les technologies permettaient d'analyser l'équivalent d'un pixel à la fois. Nous, on offre la possibilité d'analyser la photo au complet d'un seul coup. On est 1000 fois plus rapide que la concurrence», explique Sébastien Blais-Ouellette, 41 ans.

Photon Etc. se présente comme un développeur et un fournisseur d'instruments d'analyse optique et photonique. La PME de 25 employés connaît du succès grâce à un filtre que le patron de l'entreprise a mis au point alors qu'il était chercheur au California Institute of Technology, le pendant californien du MIT.

Ce filtre permettait à l'origine de voir la composition chimique du cosmos à l'aide d'un télescope. Or, en discutant avec d'autres scientifiques, mais aussi avec Éric Roberge, un ami d'enfance spécialisé dans le financement d'entreprises, Sébastien Blais-Ouellette a vite compris que sa technologie pouvait s'appliquer dans divers secteurs d'activité.

Photon Etc. intègre désormais sa technologie, entre autres exemples, dans des microscopes, ce qui permet aux chimistes, biologistes et autres ingénieurs de ce monde d'avoir des données plus précises sur la matière qu'ils étudient. L'entreprise, installée dans une ancienne fonderie de Rosemont, vend ses produits clé en main entre 20 000$ et 250 000$

Miser sur les essaimages

La PME tire 75% de ses revenus des filtres et des caméras qu'elle vend aux centres de recherches privés et publics aux quatre coins du monde. Les 25% résiduels proviennent de la participation de Photon Etc. dans différentes entreprises du Québec et de l'étranger, notamment Photonic Knowledge, dont la spécialité est d'analyser rapidement et avec exactitude les carottes de forages grâce à l'imagerie hyperspectrale.

L'entreprise de R-D est également derrière le succès de Nüvü. En fait, Photon Etc. a financé les études de doctorat d'Olivier Daigle, un ancien employé qui, en poussant un peu plus loin l'invention de Sébastien Blais-Ouellette, a réussi à développer l'une des caméras numériques les plus sensibles au monde.

Et tout récemment, Photon Etc. a aidé au démarrage de Optina Diagnostiques. Ce nouvel essaimage prend la forme d'un partenariat sous licence. La technologie de Photon Etc. sert ici dans le domaine de l'ophtalmologie, plus précisément dans le dépistage de maladies dégénératives.

«Ce ne sont pas les possibilités d'applications qui manquent; ce sont plutôt les entrepreneurs qualifiés et prêts à prendre des risques qui sont difficiles à trouver», explique Sébastien Blais-Ouellette, actionnaire majoritaire. Fait intéressant: un bloc d'actions de 10% appartient aux employés, lesquels forment une coopérative de travailleurs.

Le modèle d'affaires de Photon Etc. ne se prête pas, dit l'astrophysicien, aux investisseurs à la recherche de rendement élevé et rapide. Le président de Photon Etc. a plutôt misé sur la croissance organique (environ 30% annuellement) depuis la fondation de son entreprise, en 2002. En 2013, la PME devrait connaître un bond de 50%, croit Sébastien Blais-Ouellette.

Les filtres et les caméras de l'entreprise montréalaise sont tellement performants que ce sont les centres de recherche qui les utilisent au départ. Le secteur privé emboîte le pas. «Nos premières technologies sont mûres pour aller dans le privé. L'achat par le gouvernement fédéral de notre système d'analyse d'imagerie Raman va nous servir de tremplin et devrait attirer l'attention des géants de l'électronique. Et ça, c'est une excellente nouvelle», dit Sébastien Blais-Ouellette.

Le chef d'entreprise est la preuve vivante qu'astrophysique et entrepreneuriat peuvent très bien cohabiter. Le président de Photon Etc. revient d'ailleurs d'un colloque au Chili, où il a été invité à démystifier l'entrepreneuriat auprès des scientifiques.