Il y a 65 millions d'années, la disparition des dinosaures a coïncidé avec un refroidissement des températures. Aujourd'hui, l'adoucissement des hivers provoque l'apparition dans les montagnes d'un nouveau genre de Raptor.

Le manufacturier de canons à neige Turbocristal a lancé cette saison le Raptor, avec l'aide de la station de ski Le Relais, du Lac-Beauport. Depuis plus de 25 ans, il fabrique des ventilateurs et perches à son usine de Boischatel, en banlieue de Québec.

Ventilateur monté sur un bras articulé pouvant s'élever jusqu'à 22 pieds, le Raptor projette des gouttelettes d'eau qui disposent ainsi de plus de temps pour se cristalliser avant de tomber au sol. Contrairement aux tours fixes ou aux tours ascenseurs existantes, la nouveauté est chaussée de skis et se déplace au moyen d'une surfaceuse. Sa silhouette fait vaguement penser à une espèce disparue mais bien connue.

«Le Raptor combine trois avantages, selon Charles Lavoie, président de Turbocristal. Le Raptor produit plus de neige. Il fonctionne à des températures près de zéro. Il peut être déplacé, une fois la neige faite, ce qui optimise l'investissement», énumère-t-il. M. Lavoie, 54 ans, est actionnaire de Turbocristal depuis 2001.

«Un Raptor produit 30% plus de neige qu'un canon conventionnel installé au sol», a constaté Gaétan Chabot, directeur général du Relais, qui a ouvert officiellement sa saison de ski le week-end dernier. Sa station compte 29 pistes enneigées mécaniquement par 33 canons.

Trois Raptor sont en fonction au Relais. Un quatrième canon est en préparation à l'usine de Turbocristal qui emploie 30 personnes à longueur d'année. Son prix tourne autour de 50 000$ l'unité.

On trouve aussi des traces du Raptor à la station Cannon du New Hampshire.

Le marché de la neige fabriquée est international. Son avenir paraît radieux avec le réchauffement des températures hivernales.

«Hémisphères Nord et Sud, dans les pays où il y a des activités de glisse, il y a de la croissance pour l'industrie de l'enneigement à cause des changements climatiques», dit M. Lavoie, qui ne veut pas dévoiler son chiffre d'affaires. Il assure tout de même qu'il croît de 20 à 30% par année.

Autrefois limité aux centres de ski alpin, l'enneigement mécanique a fait des percées chez une nouvelle clientèle dans les dernières années. Par exemple, le Village Valcartier de glissade sur neige s'est muni de canons. Idem pour le centre de ski de fond de la forêt Montmorency.

Seulement 10% des ventes de Turbocristal sont faites au Québec. M. Lavoie s'est d'ailleurs envolé le week-end dernier pour Val-d'Isère, dans les Alpes, où ses canons seront à l'oeuvre sur la Face de Bellevarde pour les épreuves de géant et de slalom comptant pour la Coupe du monde les 8 et 9 décembre prochains.

Ce sont aussi des canons de Boischatel qui enneigent le centre d'entraînement de l'équipe américaine de ski à Copper Mountain au Colorado depuis l'an dernier.

Mariage de raison

En juillet 2011, Turbocristal s'est dotée d'une masse critique en fusionnant avec l'américaine HKD Snowmakers. Maintenant appelée HKD, elle s'est hissée parmi les cinq leaders mondiaux de la fabrication de neige.

«On a fusionné en réaction à la consolidation de l'industrie», explique M. Lavoie.

Depuis la fusion, les activités de vente, de marketing et de service à la clientèle s'effectuent à partir des États-Unis, tandis que la recherche-développement, l'ingénierie et la production se concentrent à Boischatel.

C'est digne de mention. De la machinerie fabriquée au Québec, c'est devenu presque aussi rare qu'une tempête de neige estivale ou qu'un dinosaure en chair et en os.