Jean-Denis Beaudoin aime les défis. Ce jeune entrepreneur est sur le point de relancer Ayotte Custom Drums. Mais voilà, l'étoile autrefois associée à cette marque de batteries mondialement connue a considérablement pâli ces dernières années, notamment à la suite d'une faillite retentissante. Qu'à cela ne tienne, le nouveau président de la PME croit dur comme fer que le coeur d'Ayotte battra à nouveau et que Bedford deviendra une sorte de Mecque des percussions.

Fondée en Colombie-Britannique il y a 30 ans cette année, Ayotte Custom Drums a longtemps fait rêver les étudiants en musique et très bien servi les musiciens professionnels qui, entre autres exemples, ont battu la mesure pour Genesis, Santana, REM, Beck et autres Our Lady Peace. Bref, les instruments fabriqués par Ray Ayotte, un franco-Canadien, ne souffraient d'aucun complexe.

Toutefois, la marque a commencé sa lente et pénible descente aux enfers lorsque Ray Ayotte a voulu prendre de l'expansion. Son entreprise est devenue publique dans les années 90. Dans la foulée, l'artisan a été éjecté de son siège de président. Son remplaçant, William Jennison, a quitté la Colombie-Britannique (devenue trop chère, a-t-il dit) pour venir s'établir au Québec en 2010.

Redressement d'entreprises

M. Jennison nourrissait de grands espoirs. La population de Bedford se félicitait d'avoir attiré une marque aussi prestigieuse dans une ancienne usine d'aiguilles (Exeltor) qui venait de fermer ses portes, laissant 120 travailleurs sur le carreau. Malheureusement, Ayotte a déclaré faillite à peine un an plus tard, mettant fin illico à ses opérations.

Étonnés, les élus de Bedford, une municipalité située entre Dunham et Saint-Jean-sur-Richelieu, croyaient qu'Ayotte était toujours inopérante lorsque La Presse Affaires les a contactés en juin. Jean-Denis Beaudoin ne s'en formalise pas trop. Ce musicien de 39 ans, qui s'est fait la main dans le redressement d'entreprises, avait été approché in extremis par William Jennison pour tenter de sortir Ayotte du pétrin. Mais il était trop tard.

«Quand j'ai su qu'Ayotte était venue s'établir à Bedford, je n'en croyais pas mes oreilles. Laisser une telle marque disparaître était hors de question. J'ai donc offert aux anciens propriétaires de racheter l'entreprise», explique le fils de Denis Beaudoin, autrefois propriétaire de Mondor.

Les batteries Ayotte produisent un son qui leur est propre. Entre autres parce que les cerceaux (hoops) de leurs caisses claires et autres grosses caisses sont fabriqués en érable. Et que toute la quincaillerie utilisée (vis de tension, tendeurs, attaches, etc.) est parmi ce qui se fait de mieux. Or, c'est là-dessus que Jean-Denis Beaudoin veut tabler pour relancer la marque.

Mais il part de loin. Il s'affaire actuellement à redorer le blason d'Ayotte. Pour des raisons qu'il ignore, les anciens patrons de la PME avaient décidé de vendre directement aux consommateurs au lieu de passer par des distributeurs. En marge de la faillite de 2011, des dizaines de clients n'auraient jamais reçu les batteries commandées... et payées d'avance. «Nous avons une trentaine de cas que nous devons régler. Ça va nous coûter plusieurs dizaines de milliers de dollars. Nous n'étions pas tenus de dédommager ces clients, mais nous le faisons, car nous voulons vraiment rétablir le nom d'Ayotte», explique le jeune chef d'entreprise.

Baguettes Ayotte

Aussi, les batteries Ayotte coûtent plus cher. Entre 2500$ et 8000$, ce qui est de 30% à 40% plus onéreux que des instruments à percussion fabriqués en Asie. Mais cela non plus n'effraie pas Jean-Denis Beaudoin. Pour l'heure, il désire vendre des baguettes Ayotte (elles aussi fabriquées à Bedford) d'un bout à l'autre du Canada, puis aux États-Unis.

La PME de cinq employés a remis la production en marche. Elle a d'ailleurs revu de A à Z ses processus de fabrication. Par chance, Jean-Denis Beaudoin et son équipe ont mis la main sur des tas de cahiers et de cartables contenant de précieuses notes de fabrication. Le chef d'entreprise est entouré de Richard Désourdy, propriétaire de l'usine patrimoniale où Ayotte est toujours installée, Peter Wade, artisan, et Paul Frederick qui, au cours des 30 dernières années, a travaillé pour des géants de la percussion, dont Pearl, DW et Sabian.

Avec sondream team (ils jouent tous de la musique!), Jean-Denis Beaudoin a recommencé à approcher les magasins de musique. D'anciens distributeurs, notamment en Europe et en Asie, ont manifesté de l'intérêt pour les produits «Ayotte nouveau». D'ici trois ans, la PME québécoise prévoit fabriquer 50 batteries par mois.