Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle en lien avec des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

En 1996, à la suite d'une mission humanitaire en Afrique, Benoit La Salle, comptable agréé, fonde Semafo dont la mission est d'explorer, de mettre en valeur et d'exploiter des mines d'or en Afrique de l'Ouest. La bonne santé du secteur aurifère permet à Semafo de procéder à une collecte de fonds propres sur le marché boursier de Toronto [[|ticker sym='T.SMF'|]].

Les travaux d'exploration donnent des résultats encourageants avec la découverte d'importants gisements d'or au Burkina Faso et en Guinée. En 1999, avec le prix de l'or à la baisse, Semafo se retrouve dans une conjoncture de crise et Benoit La Salle se concentre sur l'exploration des sites les plus prometteurs avec une gestion très serrée des coûts. Chaque site dispose de son budget d'exploration, d'un logiciel comptable de base et d'un micro-ordinateur.

Début 2000, dans un marché de l'or à la hausse et avec des résultats d'exploration très positifs, Semafo décide de se lancer dans la construction de sa première mine d'or en Guinée. Pour Benoit Desormeaux, alors directeur des services financiers, le passage des activités d'exploration à des activités de développement et d'exploitation d'une mine commande la mise en oeuvre d'un nouveau système d'information de gestion. De concert avec son équipe comptable et un ingénieur consultant en exploitation minière, il établit une liste de besoins.

Avec Benoit La Salle, ils rencontrent quelques fournisseurs de progiciels et retiennent les services d'une entreprise qui leur propose, d'une part, un système intégré de gestion éprouvé capable d'opérer en français et de fournir l'information financière dans diverses devises et, d'autre part, une approche de mise en oeuvre du nouveau SI technique et organisationnelle basée sur une solide connaissance du progiciel lui-même, de l'environnement PME internationale, en particulier dans l'industrie minière.

Semafo retient les services à temps plein de l'ingénieur expert minier qui avait participé à la définition préliminaire des besoins. Tous les employés de Semafo déploient les efforts nécessaires au projet, en plus de leurs tâches habituelles. Avec ce nouveau système, c'est le moment pour Semafo de passer du dollar canadien au dollar américain comme devise maîtresse puisque l'or produit se vend sur le marché international en dollars américains.

Bases de données distinctes

Enfin, en plus de la base de données de Semafo inc., le siège social, qui doit respecter la réglementation canadienne et les exigences de la Bourse de Toronto dans sa gestion financière et sa présentation des rapports financiers, trois autres bases de données distinctes sont créées pour chacune des entités juridiques Semafo Guinée, Semafo Niger et Semafo Burkina Faso, chacune comportant ses spécificités en matière de réglementation locale, de taxation, d'impôts, de devises et de reddition de l'information.

Ce projet, dont le coût global est de l'ordre d'un demi-million de dollars, constitue une réussite, dont la clé, selon Benoit Desormeaux, est l'arrimage des équipes: «Le chef de projet consultant a vraiment travaillé pour faire de ce projet un succès. L'équipe du consultant faisait vraiment partie de notre équipe et avait le même objectif que nous.»

Au cours de l'année suivante, d'importants efforts sont déployés par les employés pour s'approprier leur nouvel outil. La formation devient essentielle et des gens de Montréal ont consacré de nombreuses journées à la formation des équipes locales en Afrique.

Nouvelle croissance

La période 2002-2005 est caractérisée par la croissance des activités de Semafo avec la mise en exploitation de deux mines. Cette nouvelle croissance est soutenue par une transformation des processus administratifs. L'arrivée de la contrôleuse générale, en 2006, marque le passage vers une décentralisation où 95% des activités comptables seront dorénavant réalisées sur les sites miniers.

Parce que les achats représentent le plus important poste de dépenses de l'entreprise, l'efficacité du processus de gestion des approvisionnements est cruciale. En 2007 et 2008, afin de mieux soutenir le processus d'approvisionnement international, un module de gestion des demandes d'achat et un portail sont ajoutés au système d'information afin de faciliter sa convivialité pour les demandes d'achat des sites miniers et le processus d'approbation. Benoit La Salle souligne l'importance de la transformation dynamique de Semafo au cours de cette période et de l'établissement des systèmes de gestion et des processus exhaustifs pour chaque mine.

En 2012, Semafo poursuit sa stratégie de croissance disciplinée et responsable, étant reconnue comme l'une des 10 entreprises les plus admirées au Canada et parmi les meilleurs employeurs canadiens.

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INTERROGATIONS


Dans le contexte d'une jeune PME internationale :

> Quelles sont les conditions de succès à l'implantation d'un nouveau système d'informations?

> Quels sont les défis de la gestion des systèmes et technologies de l'information en lien avec l'évolution des affaires?

... ET QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉPONSE

> Le cas de Semafo illustre plusieurs conditions essentielles à la réussite de la mise en oeuvre d'un nouveau SI: définition de besoins réels en lien avec la stratégie d'affaires, rigueur du processus de sélection du progiciel, soutien d'une entreprise ayant une expertise à la fois technique (progiciel), organisationnelle (PME internationale) et contextuelle (industrie minière), engagement intensif de la direction et de ses employés, réalisation du projet dans un esprit de développement durable de l'entreprise et de ses ressources plutôt que comme un projet strictement technologique.

> L'utilisation et la gestion des systèmes et technologies de l'information passent par des phases importantes d'apprentissage. La direction de Semafo commence par mettre en oeuvre un système d'information qui soutient les besoins de base, s'assure de l'appropriation du système et augmente en sophistication au fur et à mesure de l'évolution des besoins d'affaires et de l'apparition des problèmes potentiels. Cette façon de faire s'arrime à la culture de développement durable de Semafo qui intègre les dimensions technologiques, organisationnelles et humaines dans sa gestion des systèmes et technologies de l'information.

> En investissant dans l'accès à l'information opérationnelle, Semafo contribue à se donner les moyens d'augmenter son efficacité et par conséquent, d'obtenir des permis d'exploration et d'exploitation et du financement. Son utilisation des TI est alignée sur sa stratégie d'affaires à court terme. À moyen terme, ce nouveau système d'information de gestion a jeté les bases pour l'évolution de l'entreprise, de ses processus d'affaires et de ses employés, tant à Montréal qu'en Afrique.

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Carmen Bernier est professeure à la faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval. Vital Roy est professeur à HEC Montréal.

La version intégrale de ce cas, intitulée «Les TI au service de la PME en croissance: le cas de Semafo», est disponible à l'adresse suivante: https://www2.hec.ca/centredecas.

De retour en septembre: La chronique de HÉC Montréal fait relâche pour l'été et reviendra en septembre.