Plutôt que de partir à la retraite, un couple dynamique a fondé les Brasseurs de Montréal.

Une Mild anglaise rousse, pur malt à la main, on ne se fait pas prier pour profiter des chauds rayons du soleil de ce printemps hâtif à la terrasse du restaurant des Brasseurs de Montréal. Il y a quatre ans, rien de tout ça n'existait, sauf dans la tête de ses proprios, Denise Mérineau et Marc-André Gauvreau. À la différence de la grande majorité des entrepreneurs en herbe, le couple, dans la cinquantaine, a financé une large partie de sa microbrasserie avec les fruits de la vente de son chalet, de son condo et de sa Porsche.

C'est le profil d'entrepreneurs que le gouvernement de Jean Charest a en tête quand il veut aider les travailleurs expérimentés à se lancer en affaires. Dans le budget de mardi dernier, le ministre Raymond Bachand a en effet annoncé l'équivalent d'un «plan Paillé» pour les personnes d'âge mûr.

En décembre 1994, le ministre de l'Industrie de l'époque, Daniel Paillé, avait mis sur pied un généreux programme de garanties de prêt aux nouveaux entrepreneurs, qui, malgré d'inévitables ratés, a marqué son époque.

Dans son budget, Québec propose une garantie de prêt d'une durée de cinq ans pour un prêt maximal de 50 000$ destiné aux travailleurs de 50 ans et plus qui deviennent entrepreneurs.

La cohorte des entrepreneurs âgés forme déjà 9% de la clientèle de l'organisme d'aide SAJE accompagnateur d'entrepreneurs, dit Michel Fortin, directeur général. Selon ce qu'il voit dans sa pratique, M. Fortin trouve au moins trois grandes qualités aux quinquagénaires. «Ils ont un réseau. Ils ont développé des compétences. Et ils ont accès à une mise de fonds, qui peut atteindre jusqu'à un demi-million dans des cas que j'ai vus», dit-il.

Trop jeune pour la retraite

Mais qu'est-ce qui a poussé Denise Mérineau, 55 ans, à risquer son avenir financier pour devenir présidente d'une PME? «J'avais subi une mise à pied à la suite d'une restructuration, explique-t-elle. J'étais confronté à un choix pour la suite de ma carrière. Je me trouvais trop jeune pour arrêter de travailler. En même temps, mon conjoint s'est dissocié de son employeur. Nous nous sommes dit que notre dernier grand défi était de lancer notre propre entreprise», dit l'ancienne responsable du secteur du financement hypothécaire commercial pour le Canada au sein du Mouvement Desjardins.

Son conjoint ayant 25 ans d'expérience dans la bière, le secteur de l'entreprise était tout trouvé: une microbrasserie industrielle jumelée à un restaurant pour servir de vitrine aux produits.

Un an de préparatifs plus tard, le resto-usine les Brasseurs de Montréal ouvrait ses portes en 2008, rue Ottawa, dans Griffintown.

L'établissement est un amalgame entre Les 3 Brasseurs et Frite Alors! Son menu tient sur une page recto-verso et propose un menu du midi pour 15$, quelques dollars de plus au souper. L'intérieur, qui compte environ 80 places assises, a gardé des témoins de son passé industriel. L'usine brassicole se situe dans l'arrière-boutique.

«Ce sont plus des commerçants que des artisans, dit Alain McKenna, auteur d'un guide des 100 meilleures bières québécoises. Ils font des bières accessibles et ont un bon sens du marketing», ajoute celui qui est également chroniqueur à La Presse.

Les cuves en bordure du canal de Lachine remplissent un million de bouteilles par année vendues dans 300 points de vente. Le meilleur vendeur est la blonde Griffintown, surnommée la Montréalaise. La Millésime, une bière brune saisonnière tirant près de 11% d'alcool, a remporté la médaille d'or au Mondial de la bière en 2011. Une belle carte de visite pour un nouveau venu dans le domaine.

Un deuxième resto

Partir de zéro a obligé nos entrepreneurs à recourir au bon vieux système «D», quitte à gérer les imprévus en chemin. Le mobilier provient de deux restos ayant fermé leurs portes. La ligne d'embouteillage usagée vient des Caraïbes. «On a économisé beaucoup d'argent, dit Denise Mérineau, mais ce fut un vrai casse-tête de nettoyer le sel de mer qui s'y était incrusté. La production a été retardée de plusieurs mois, ce qui a causé un stress financier additionnel.»

Mme Mérineau ne tarit pas d'éloges à l'endroit des fonctionnaires du MAPAQ (agriculture, pêcheries et alimentation). Elle recommande aux gens tentés par l'aventure de l'entrepreneuriat de profiter des nombreuses ressources d'aide disponibles aux nouveaux entrepreneurs. «Si Investissement Québec n'avait pas été dans le portrait avec ses subventions et ses prêts, à une certaine époque où on avait des périodes difficiles de croissance à supporter, peut-être qu'on n'aurait pas passé à travers», confie-t-elle.

C'eût été dommage. Quatre ans après son ouverture, Brasseurs de Montréal emploie 30 personnes. L'entreprise exporte son nectar au Mexique et en France. La Belgique, New York et Chicago sont dans sa ligne de mire. La société travaille à l'ouverture d'une deuxième table ailleurs. L'idée de franchiser le concept est à l'étude. Le chalet et la Porsche peuvent attendre.

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Nombre d'employés

30

Quatre ans après son ouverture, Brasseurs de Montréal emploient 30 personnes. Ils exportent leur nectar au Mexique et en France. La Belgique, New York et Chicago sont dans leur ligne de mire.

Garantie de prêt

50 000$

Dans son budget, Québec propose une garantie de prêt d'une durée de cinq ans pour un prêt maximal de 50 000$ destiné aux travailleurs de 50 ans et plus qui deviennent entrepreneurs.