La cuisine moléculaire n'est plus l'apanage des grands chefs. Partout sur la planète, le commun des mortels s'y intéresse. Devant cet engouement, l'entreprise montréalaise Saveurs Molécule-R s'est positionnée en commercialisant des ensembles d'initiation à cette science culinaire. Ironiquement, la PME connaît un succès fou aux quatre coins de planète. Mais pas encore chez son voisin immédiat, les États-Unis, où elle espère faire une entrée remarquée en 2012.

Il y a deux semaines, Saveurs Molécule-R a expédié en Angleterre des milliers de kits d'initiation à la cuisine moléculaire. La PME québécoise a en effet signé une entente avec la chaîne de magasins Lakeland, un spécialiste des articles de cuisine qui compte près de 60 succursales au Royaume-Uni.

«Nous faisons partie de leurs produits chouchous cette année. Ils vont être très entreprenants en vantant nos ensembles grâce à des vidéos promotionnelles présentées sur des écrans géants dans tous leurs magasins», explique Jonathan Coutu, président et cofondateur de Saveurs Molécule-R. Selon lui, la PME a le potentiel de devenir une marque dominante mondialement.

L'entreprise québécoise de 10 employés devait en principe jouir d'un privilège semblable cette année aux États-Unis. Elle était en pourparlers avec un important détaillant d'articles de cuisine, mais surtout avec l'un des plus grands distributeurs de spiritueux chez l'Oncle Sam.

«À cause de la situation économique, ils ont décidé à la dernière minute de ne pas investir dans une grosse campagne de marketing consacrée à nos produits. Et, comme c'est toujours le cas aux États-Unis, ils visaient le grand chelem. Ils ont donc préféré attendre», affirme Jonathan Coutu, 29 ans.

Le chef d'entreprise demeure néanmoins optimiste, car le kit à cocktails de la PME québécoise sera testé sur le marché de la Floride en 2012. Une percée au sud de la frontière permettrait à Saveurs Molécule-R de tripler son volume d'affaires. Depuis sa fondation en 2009, la PME a multiplié ses ventes par sept, dit le jeune homme qui préfère ne pas divulguer son chiffre d'affaires.

D'ailleurs, quel est le lien entre un distributeur de spiritueux et la cuisine moléculaire? C'est simplement que la PME montréalaise commercialise un ensemble de mixologie moléculaire. Bref, un kit à cocktails.

Trois produits

L'entreprise offre trois produits vendus environ 60$, dont un ensemble pour cuisiner et un autre pour préparer des cocktails. Ceux-ci comprennent des outils et des additifs alimentaires nécessaires à la réalisation d'oeuvres moléculaires. Saveurs Molécule-R vient par ailleurs de lancer un siphon permettant de créer des crèmes fouettées allégées avec n'importe quel aliment. Sans utiliser de la crème 35%, on vous propose de créer de la crème fouettée avec du céleri, du saumon, voire du beurre d'arachide.

La PME a été fondée par Jonathan Coutu et son ami de longue date, Jérôme de Champlain. Les deux diplômés de HEC Montréal ont mis un an à créer leurs produits, lesquels sont tous fabriqués (en Asie et aux États-Unis) et emballés (au Québec) par des sous-traitants.

Jérôme de Champlain est l'entrepreneur du duo. À 12 ans, il cultivait des fraises et fabriquait de la confiture qu'il revendait. Il a été propriétaire de six entreprises. Jusqu'en 2009, il exploitait une épicerie fine doublée d'un saucissier.

Jonathan Coutu est quant à lui diplômé en administration. Titulaire d'une maîtrise de l'Université de Cambridge, il a travaillé en fusion et acquisition pour d'importantes institutions financières. Las de travailler sept jours par semaine et déçu du manque de considération de ses patrons, il a préféré se lancer en affaires il y a deux ans.

L'entreprise du Plateau-Mont-Royal a enregistré ses premières ventes en octobre 2010 grâce à son site internet. Ses produits avaient alors trouvé preneurs jusqu'à Hong Kong. L'an dernier, les ventes en ligne ont représenté 75% des revenus de la PME, contre 25% au détail. Cette année, c'est le contraire.

«Vendre par l'internet, c'est évidemment plus attrayant pour nous, car on n'a pas d'intermédiaire à payer. Par contre, le potentiel de croissance est moins élevé. Les gens qui achètent sur l'internet un produit lié à la cuisine moléculaire sont déjà initiés ou informés sur le sujet. Alors que la vente au détail nous permet de nous faire connaître auprès d'une nouvelle clientèle», dit Jonathan Coutu.

Rappelons que la gastronomie moléculaire permet de déconstruire des plats et des cocktails et de les présenter sous un jour nouveau grâce à quatre techniques: l'émulsification, la gélification, l'épaississement, de même que la sphérification. À partir d'un liquide, il est possible de tout faire. Par exemple: offrir une salade César sous forme de mousse.

«Les gens vont goûter à cette mousse et leur cerveau va recevoir plein de signaux. Ils vont reconnaître le goût de la laitue, de la vinaigrette et même des petits morceaux de bacon. Mais ils vont avoir du mal à identifier ce que c'est. C'est ça la magie de la cuisine moléculaire», dit Jonathan Coutu.