Une simple transmission. Voilà tout ce qu'il fallait aux génératrices du 20e siècle pour réduire leur consommation d'essence, mais aussi à un jeune technicien pour changer de vie.

Daniel Girard a 18 ans lorsqu'on le parachute dans le nord du Québec. Fraîchement diplômé, le jeune technicien en électricité s'affaire à bâtir et réparer le réseau de télécommunications de Télébec.

«Là-bas, nous étions isolés. Notre électricité, on l'obtenait d'une génératrice à diesel qui tournait à plein régime 24 heures sur 24, sept jours semaine. Du vrai gaspillage! Surtout lorsqu'on sait que le carburant nous était acheminé par hélicoptère», raconte Daniel Girard.

Il lance alors à son patron l'idée que l'ajout d'une simple transmission mécanique améliorerait considérablement l'efficacité des génératrices de la compagnie. «Il faut être un ingénieur pour changer ça. Toi, t'es un technicien, alors retournes travailler», lui répondit-il.

Daniel Girard ne l'aura écouté qu'à moitié.

Rapidement, il troque ses outils contre un sac à dos et entre à l'École de technologie supérieure (ÉTS). Là-bas, il rencontre Samuel Beaudoin. Après deux années d'études, ils fondent ensemble en 2001 leur propre compagnie: CVT Corp.

Leur idée est simple: insérer une transmission à variation continue entre les groupes moteur et générateur d'électricité d'une génératrice. En modulant les révolutions du moteur en fonction des besoins du générateur, la transmission allait réduire la consommation de carburant de la génératrice.

«On croyait pouvoir offrir sans trop de difficultés une génératrice efficace en commandant individuellement les pièces pour ensuite les assembler dans un petit atelier. Mais notre première transmission glissait beaucoup trop: un véritable échec», raconte Daniel Girard.

Leur planche de salut viendra de BAJA ÉTS, un club étudiant responsable de la conception d'un véhicule tout terrain pour leur université. Les partenaires d'affaires notent que la transmission toroïdale du prototype a du potentiel et ils s'empressent d'en acheter le brevet.

Quatre ans plus tard et après avoir englouti dans leurs recherches près de deux millions de dollars en bourses, prêts et crédits d'impôt, les deux acolytes atteignent leur objectif et terminent la fabrication d'une première génératrice fonctionnelle. La transmission qu'elle renferme se révèle efficace et engendre des économies en carburant de l'ordre de 25% à 40%, et réduit de façon équivalente les émissions de gaz à effet de serre.

«On croyait alors être prêts à la commercialisation, mais on s'est vite rendu compte qu'il nous fallait prouver la durabilité de notre appareil. La R&D, ce n'est rien à côté des tests», explique Daniel Girard.

Pour effectuer ces mesures, l'entreprise déniche des clients dans l'Ouest canadien dans le secteur pétrolifère. En tout, 110 000 heures de tests ont été nécessaires à confirmer la durabilité de leur produit.

CVT Corp propose désormais deux modèles de génératrice, de 50 kW et 125 kW, aux entreprises des secteurs du pétrole et du gaz, des forêts et de l'exploration minière. Au nombre de leurs clients, on compte entre autres Parcs Canada.

Daniel Girard espère maintenant vendre ses génératrices en Asie. «Le réseau électrique est bien développé en Amérique du Nord, mais là-bas, l'approvisionnement en électricité passe souvent par une génératrice. Le besoin pour nos produits s'y trouve.»

De la génératrice à la machinerie agricole

Le président de CVT Corp ne s'aventure pas dans un secteur sans avoir le sentiment de bien le connaître. Sa transmission pour génératrices, il compte désormais l'adapter à une gamme de secteurs, à commencer par celui de la machinerie agricole. Un milieu qu'il connaît très bien pour y avoir pataugé adolescent.

«Je travaillais pour mon père qui vendait des moissonneuses batteuses et des tracteurs de ferme de marque New Holland. J'ai opéré ces machines et je connais l'utilisation qu'on en fait», précise Daniel Girard.

Pour s'assurer une place dans le secteur, il s'est associé à trois des plus grands fabricants de l'industrie: John Deere, AGCO et CNH.

«On propose au monde agricole des transmissions plus efficaces, plus performantes, et ce, sans augmentation de prix. Notre transmission à variation continue atteint un rendement de 92% alors que les transmissions hydrauliques trouvées dans plusieurs appareils du monde agricole n'atteignent que 75% d'efficacité», explique avec enthousiasme Daniel Girard.

Selon son président, CVT Corp pourrait même fabriquer dans un proche avenir des transmissions pour le marché des pelles et chargeuses mécaniques.

La petite entreprise de Sainte-Julie compte maintenant une quarantaine d'employés et détient pas moins de 15 familles de brevets et demandes de brevets. Des années de recherches difficiles, mais qui permettent aujourd'hui à son président de négocier des contrats avec confiance.

«Le premier contrat ne sera jamais le meilleur et le nôtre aura été horrible. On se retrouve en position de faiblesse lorsqu'on n'a pas validé son produit. Mais en faisant des tests et en prouvant que sa technologie s'adapte à différentes circonstances, le pouvoir de négociation devient bien meilleur.»

--------------

CVT Corp

Fondateurs

Daniel Girard et Samuel Beaudoin

Président

Daniel Girard

Investisseurs

Telesystem, Cycle capital management et une poignée d'anges financiers

Le concept en 140 caractères

«On met au point des transmissions qui réduisent la consommation d'essence de génératrices électriques et de machineries agricoles.» Daniel Girard

Objectifs d'ici un an

«Se préparer à la production de masse de nos génératrices et signer des ententes dans le secteur agricole pour atteindre la rentabilité d'ici 18 mois.» Daniel Girard