La Laiterie Chagnon est l'une des quatre dernières laiteries familiales au Québec, ce qui est un exploit en soi. L'entreprise de Waterloo s'apprête à réaliser ses premières ventes hors du Québec grâce à un produit de niche qu'elle souhaite faire breveter. Voilà qui devient encore plus intéressant.

La PME de 40 employés a créé un beurre clarifié, c'est-à-dire un beurre dont le point de fumée est plus élevé. Autrement dit, un corps gras qui ne brûle pas en dessous de 485 degrés Fahrenheit. «C'est le meilleur ingrédient pour faire saisir de la viande ou des palourdes», indique Denis Chagnon, qui s'attend à augmenter son chiffre d'affaires de 10% à 15% grâce à cette innovation.

C'est en prenant des initiatives et en misant sur des produits transformés que l'entreprise, fondée il y a 50 ans, réussit à tirer son épingle du jeu. Le lait de consommation représente encore 80% du volume d'affaires de la Laiterie Chagnon. Or, comme il est impossible de se battre contre des géants comme les Natrel et autres Parmalat de ce monde, la PME de Waterloo, dans les Cantons-de-l'Est, se démène pour faire sa place.

Outre son beurre clarifié, la Laiterie Chagnon est reconnue pour sa crème glacée, un produit haut de gamme fabriqué avec de la crème fraîche. Ces jours-ci, la PME lance justement cinq nouvelles saveurs de crème glacée. Et elle tente pour la première fois une incursion dans le yogourt glacé, avec trois saveurs.

Le beurre clarifié de l'entreprise a entièrement été conçu à Waterloo, mais en collaboration avec Les Académies culinaires de Montréal. Le nouveau produit sera d'ailleurs offert, sous la marque Les Grands Chefs, dans les supermarchés des bannières Metro et Sobeys dès cet automne. La laiterie québécoise crée le produit et Les Académies culinaires s'occupent de son marketing et de sa distribution.

Or, c'est là que les choses deviennent intéressantes pour Denis Chagnon, copropriétaire avec son frère Luc. «Les grandes chaînes sont à la recherche d'homogénéité. Si le produit fonctionne bien au Québec, il n'y a pas de raisons pour qu'il ne soit pas offert ailleurs au Canada», explique Denis Chagnon.

L'autre bonne nouvelle, ajoute-t-il du même souffle, c'est que le secteur HRI (hôtel, restaurant et institution) est à la recherche d'un produit comme le beurre clarifié. La Laiterie Chagnon vient de signer une entente avec le distributeur pancanadien GFS, également connu sous le vocable Service alimentaire Gordon.

Selon Denis Chagnon, le beurre clarifié est très apprécié des cuisiniers. Mais le préparer soi-même nécessite beaucoup de temps. Et bien souvent, le produit est difficilement «malléable». Bref, il est aussi dur que de la roche. «Notre produit leur revient moins cher que s'ils le préparaient eux-mêmes. Et nous avons mis au point une technique de production qui nous permet de faire un beurre avec lequel il est plus facile de travailler. On a même trouvé une façon d'ajouter des saveurs au beurre. On est en instance de brevet sur la façon de le fouetter et de l'assaisonner», dit Denis Chagnon.

Au cours des dernières années, les revenus de la laiterie ont été au beau fixe. Pas de hausse ni de baisse trop marquée. Le chiffre d'affaires de la PME se situe actuellement entre 10 et 15 millions de dollars. «On est mûrs pour un petit saut vers le haut. On a beaucoup souffert de la guerre entre les joueurs les plus importants. Quand ils se battent pour de l'espace tablette, ce sont les petits comme nous qui en souffrent», confie Denis Chagnon, qui rêve de voir sa crème glacée pénétrer le marché américain.

Entre-temps, son entreprise est sur le point d'être accréditée par le gouvernement fédéral, ce qui lui donnera le droit d'exporter à l'extérieur du Québec. Dans la foulée, une thermopompe et un nouveau système de lavage seront mis en place dans les installations de l'entreprise waterloise. La Laiterie Chagnon vient à cet effet de recevoir un prêt remboursable de 150 000$ de Développement économique Canada.

Enfin, l'autre façon de survivre dans un monde de géants passe par l'économie d'énergie. La Laiterie Chagnon termine la troisième phase d'installation sur son toit de capteurs solaires paraboliques. Ceux-ci couvriront bientôt 400 pieds carrés. C'est Mathieu Chagnon, neveu du président de la laiterie, qui est responsable du projet. But de l'opération: réduire de 70% la consommation de gaz naturel, laquelle coûte actuellement entre 100 000$ et 120 000$ par année.