Lorsqu'il est question de succession familiale, les défis sont nombreux, mais les avantages concurrentiels aussi! Une bonne communication et la mise en place de structures qui sépareront famille, actionnaires et entreprise permettront d'éviter les débordements et d'assurer la survie du patrimoine familial.

Pour Colette Vanasse, directrice du Centre international des familles en affaires McGill-HEC, qui se veut, entre autres, un accompagnateur et un centre d'information pour les familles, il est bien certain que la transmission d'une entreprise familiale comporte son lot de difficultés et de défis. Mais, insiste-t-elle, les avantages sont aussi très grands!

«Pour ceux qui réussissent le transfert générationnel, on note un taux de rétention et de satisfaction des employés plus grand. Les hauts dirigeants demeurent en poste deux fois plus longtemps et les relations sont plus stables avec les fournisseurs et collaborateurs. De plus, les entreprises familiales sont grandement impliquées dans leur communauté et mesurent leur succès différemment, et non seulement en terme de chiffres», énumère-t-elle.

Parmi les difficultés rencontrées par les familles, la principale est de savoir séparer les trois «cercles» que sont la famille, les actionnaires et l'entreprise, et ainsi éviter l'ingérence familiale dans des domaines où elle n'a pas sa place: «C'est important de mettre des structures en place pour que l'entreprise, la famille et les actionnaires soient gérés séparément.»

Voilà pourquoi la discussion familiale est le premier pas à faire lorsque vient le temps d'envisager la succession, qui se prépare, selon Mme Vanasse, de cinq à dix ans d'avance.

Beaucoup de problèmes peuvent faire surface: enfants qui ne se sentent pas traités de façon égale, chef qui ne veut pas lâcher prise...

«La famille, c'est le nerf de la guerre! C'est très émotif aussi. La mise sur pied d'un conseil de famille peut être très bénéfique, pour s'entendre sur les valeurs et déterminer qui a la compétence pour travailler dans l'entreprise», explique Mme Vanasse, qui ajoute qu'aller chercher les services d'une personne extérieure, neutre et de confiance peut grandement aider les familles.

Le magasin Latulippe, spécialisé en équipement de chasse et plein air et situé à Québec, célèbre cette année son 70e anniversaire.

Fondée par Marcel Latulippe en 1940, l'entreprise est passée aux mains de Richard en 1974, pour être ensuite cédée en 2004 aux frères François et Louis. Pour François Latulippe, la communication a été un élément essentiel.

«On a eu la chance d'avoir un conseiller neutre, qui était un ami proche de mon père, dit-il. La première chose qu'il nous a dite, c'est: chacun va prendre sa cruche d'eau et mettre son vin dedans! Je crois que sans aide, c'est mission impossible.»

La nouvelle génération

Plusieurs boomers se sont investis corps et âme dans leur entreprise et s'occupent de tout. Un chemin que la nouvelle génération, qui accorde beaucoup de valeur à la vie en dehors du travail, ne prendra pas nécessairement.

«Mon père était le one man show, se souvient François. Il faisait tout lui-même: la comptabilité, la publicité, les ressources humaines. Pour moi, c'était évident que je ne voulais pas me lancer seul dans l'aventure! J'ai donc appelé mon frère pour voir s'il était intéressé à s'associer pour reprendre l'entreprise.»

Une des premières initiatives des frères a été de mettre en place des départements de marketing, ressources humaines, finances. «On a aussi rénové et agrandi le magasin, dit-il. Tout ça a provoqué un changement de culture de la deuxième à la troisième génération. C'est sûr que ça a été difficile à accepter pour mon père. Son plus gros défi aura été de déléguer et d'apprendre à nous faire confiance. Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain.»

Richard Latulippe est resté président et travaille toujours au sein des magasins Latulippe, alors que les deux frères sont vice-présidents.

«Mon père n'était pas prêt à prendre sa retraite en nous vendant, c'est une passion pour lui! Mais il a dû accepter de faire partie du nouveau système, sinon on n'aurait pas pu prendre notre place.»

«Ce qui est intéressant, c'est que la relève faire preuve créativité dans sa façon de gérer, en mettant de nouvelles structures en place, comme un co-président, par exemple. Le parent peut ainsi conserver un rôle, tout en n'étant pas trop présent dans les décisions au jour le jour», conclut Mme Vanasse.

Votre entreprise est-elle achetable?

Votre entreprise possède-t-elle tous les atouts pour intéresser un acheteur potentiel? Voici quelques trucs pour évaluer sa valeur tangible et intangible:

-Le matériel et les bâtisses: les bâtiments peuvent prendre de la valeur avec le temps, mais pas l'équipement. Il faut aussi considérer l'option où l'acheteur n'est pas intéressé à acquérir les bâtisses.

-Les employés: sont-ils fidèles, compétents, bien formés? Et prêts à rester?

-La clientèle: est-elle fidèle, en augmentation ou stagnante?

-Les fournisseurs: sont-ils prêts à reconduire les ententes avec le futur dirigeant?

-Le chef d'entreprise: êtes-vous un chef à tout faire, indispensable au bon roulement d'entreprise? Si oui, c'est le moment de mettre en place des structures pour que l'entreprise fonctionne sans vous; coaching d'employés-clés, signature des comptes bancaires, accès aux codes informatiques...

Quelques chiffres...

-Selon le CPQ, d'ici 2018, 25000 entrepreneurs prendront leur retraite au Québec, soit 30% des propriétaires d'entreprise, et il y aura seulement 3000 nouveaux venus pour les remplacer chez les 30-44 ans.

-Selon l'Indice entrepreneurial québécois 2010, parmi les Québécois désirant partir en affaires, 71% envisagent de créer leur entreprise, et 19,8% de relever ou d'acquérir une entreprise existante. Parmi ceux-ci, 10,5% veulent prendre la relève à l'interne (familial, employés) alors que 8,9% veulent racheter une entreprise à l'externe.

-Selon le Centre international des familles en affaires McGill-HEC, près de 80% des entreprises dans le monde sont familiales. Seulement 30% réussiront le passage à la deuxième génération.