Vous venez d'acheter le tout dernier modèle d'iPhone, pour lequel vous avez dépensé plus de 500$. Pourtant, vous ne vous en servez que pour faire quelques appels, regarder l'heure et consulter la météo.

Bref, vous avez dépensé une somme considérable pour un appareil que vous n'utilisez qu'à une fraction de ses capacités.

Cet exemple illustre bien un moyen typique de rater un virage technologique. Personne n'est à l'abri de cela, pas même les multinationales les plus renommées.

Alors dans le cas d'une PME, plus fragile au changement en raison - généralement - d'un chiffre d'affaires plus humble, l'importance d'exercer une planification soucieuse et détaillée des innovations technologiques se trouve accrue.

Claude Filion en sait quelque chose. Directeur général du bureau montréalais de la firme R3D Conseil, groupe-conseil indépendant en management et technologie de l'information, il compose avec une clientèle d'affaires formée autant d'entreprises majeures que de PME.

«Pour implanter un nouveau système, il faut un plan structuré, dit-il. Ce sont parfois de tout petits détails qui feront en sorte que l'entreprise tirera ou non les bénéfices voulus de son innovation.»

Informations

À la base d'une planification efficace se trouve évidemment une bonne collecte d'informations, qui permettra d'évaluer les besoins réels.

Pour ce faire, les sources sont diverses. Qu'on pense à une bonne connaissance de la concurrence ou des besoins de sa clientèle, ou encore aux conseils de collaborateurs et même à ceux de proches (famille, amis), le lot de données à considérer prend rapidement des proportions.

D'où l'importance d'en faire un traitement méticuleux, indique Éliane Moreau, professeure agrégée à l'Université du Québec à Trois-Rivières et membre de l'Institut de recherche sur les PME.

«Les sources d'informations ont un effet direct sur l'innovation, explique-t-elle. La capacité d'absorption des dirigeants d'entreprise est difficile à mesurer, mais c'est une variable essentielle sans laquelle nos modèles de recherche ne fonctionnent tout simplement pas.»

Selon Mme Moreau, le processus d'innovation - technologique ou autre - se doit par ailleurs d'être constant, et ce, dès la naissance de la PME. Ce que confirme Jean-Guy Paris, directeur principal au groupe de services aux entreprises à la Banque Nationale Groupe financier.

«C'est à la base de tout, et ça doit se faire en continu», dit-il, ajoutant que l'innovation constitue un critère déterminant au moment d'évaluer la demande de financement d'une PME.

Inclusion

Une fois les besoins bien cernés, il importe d'encadrer efficacement le changement technologique à apporter, surtout s'il est de grande envergure - par exemple l'implantation d'un système de gestion intégré, qui affectera en grande partie les façons de faire de l'entreprise.

Pour ce faire, on s'attend d'abord à une certaine ouverture d'esprit du ou des dirigeants, qui seront les premiers «ambassadeurs» du changement au sein de l'organisation.

«Le dirigeant est généralement un esprit créateur, à la source de l'idée ou de l'expertise développée à la PME: il faut donc qu'il accepte que la nouvelle technologie puisse l'aider», note Claude Filion.

Mais il ne faut pas s'arrêter là. Tous les acteurs concernés doivent être inclus dans le processus de changement, sans quoi du mécontentement se fera sentir plus tôt que plus tard.

«Il faut constamment tenir compte de l'être humain, parce que c'est lui qui sera partie prenante du projet, explique Éliane Moreau. On a parfois tendance à l'oublier lorsqu'il est question de technologie.»

Entrent alors en jeu les dernières étapes de l'implantation, à savoir la mise en oeuvre du changement (avec notamment la formation nécessaire auprès des employés) de même que l'évaluation des résultats de ce changement, afin justement d'en optimiser les résultats.

Il n'existe donc pas de recette miracle pour réussir une innovation technologique. Mais avec une planification et une gestion efficaces, une PME s'assure de mettre toutes les chances de son côté.

«Comme une PME n'a pas la solidité d'une grande entreprise, un mauvais choix a rapidement un fort impact négatif, résume Éliane Moreau. Alors il est doublement important de ne pas agir sur un coup de tête si on veut éviter des conséquences néfastes.»

Pour les autres, le changement?

On tient aisément pour acquis qu'une innovation technologique est emballante. Or, dans la réalité du monde des affaires, ce présupposé se heurte encore souvent au mur des préjugés et de la peur de l'échec.

Dans certains cas, le frein peut être d'ordre financier.

À preuve, Jean-Guy Paris, de la Banque Nationale Groupe Financier, constate des pratiques plus prudentes depuis le début de la crise économique.

Mais la source des réticences peut s'avérer bien plus profonde.

Éliane Moreau, professeure à l'UQTR, cite en exemple la méconnaissance de certains entrepreneurs face aux avantages que le développement technologique pourrait leur apporter.

«Regardez seulement l'utilisation de l'internet: plusieurs PME n'utilisent que peu ou pas le commerce électronique parce qu'elles refusent d'y injecter des ressources financières, dit-elle. Souvent, ça part d'histoires d'horreur que les dirigeants ont entendues, par quelqu'un qui a eu des problèmes et qui a perdu de l'argent. Ce phénomène crée rapidement un effet de levier.»

La réticence au changement est un problème avec lequel doit également composer Claude Filion chez R3D Conseil. Au point où, indique-t-il, l'approche-client a carrément dû être modifiée.

«Auparavant, on espérait que tout le personnel d'une entreprise adhère au changement, tandis qu'aujourd'hui, on vise plutôt une masse critique, raconte M. Filion. On sait que certaines personnes n'accepteront jamais le changement. J'ai même déjà vu des gens préférer prendre leur retraite plutôt que d'investir de l'énergie dans un nouveau système de gestion...»

Voilà donc à nouveau pourquoi une approche méthodique s'impose, particulièrement si l'innovation technologique entraîne des modifications sur le plan organisationnel. Soyez vigilant!