Pays de la glisse, le Québec ne comptait toujours pas de fabricant de skis alpins. C'est maintenant chose du passé. Sébastien Moquin et Jonathan Bourgeois viennent de fonder Raccoon Skis, dont les produits haut de gamme seront offerts cet automne.

Le pari semble risqué dans une industrie aussi mature, où les multinationales comme Rossignol et Salomon dictent les règles. Mais les deux jeunes entrepreneurs ne semblent pas trop s'inquiéter; ils ont tout leur temps. Ils sont adeptes du small is beautiful. Du moins, pour l'instant.

Les trois modèles éponymes de skis de la jeune PME (un twin tips et un freeride pour hommes et un autre pour femmes) sont à peine sur le marché que, déjà, des Russes, des Tchèques et même des Français ont manifesté le désir d'en commander. Il y a donc de la demande pour les produits nichés, constate Sébastien Moquin.

Bien que ses installations soient industrielles, Raccoon skis n'a produit que 100 paires de planches cette année. «On va les vendre, c'est sûr. Mais notre but est de créer une rareté, donc une demande pour un produit underground», ajoute M. Moquin. À 1000$ la paire (comprenant les fixations), les produits Raccoon s'adressent à une clientèle aisée, jeune ou plus âgée.

Si elle s'en tient à sa capacité actuelle de production, Raccoon Skis peut fabriquer environ cinq paires de skis par jour. À court terme, la PME souhaite donc faire dans le juste à temps, c'est-à-dire produire selon la demande et ne conserver que très peu de produits finis en stock.

Cette stratégie des petits pas s'explique aussi par le fait que les deux entrepreneurs ont déjà un horaire du temps très chargé. Tous les deux âgés de 34 ans, Sébastien Moquin et Jonathan Bourgeois gagnent déjà bien leur vie. M. Moquin est propriétaire d'une boutique de sport dans Outremont (Cycles Régis, où les Raccoon seront principalement vendus cette année), alors que M. Bourgeois est à la tête du Groupe Fabritec, plus important fabricant d'armoires de cuisine du Canada.

Par hasard

Adeptes de ski depuis l'âge de 3 ans, les deux copains ont eu l'idée, par le plus grand des hasards, de fabriquer leurs propres skis. Jonathan Bourgeois voulait se débarrasser d'une vieille presse qui se trouvait à Saint-Jean-sur-Richelieu, dans l'une des quatre usines du Groupe Fabritec.

«Mais le gars qui est venu pour l'acheter a dit à Jonathan qu'il était possible de presser des skis avec une telle machine. La vente a été annulée et Jo m'a appelé pour me dire qu'on allait se lancer dans la fabrication de skis», relate Sébastien Moquin.

L'accès «gratuit» à de l'équipement de fabrication, les connaissances de Sébastien en génie mécanique (il a travaillé 10 ans comme chargé de projets chez Outils Gladu, à Marieville) et surtout la passion du ski ont eu tôt fait de convaincre les deux amis de transformer un simple passe-temps en une entreprise à part entière. Carl Grenier, fondateur de Zoom Media, s'est joint à l'entreprise et y a injecté des capitaux.

Après trois ans de R-D (et plusieurs dizaines de milliers de dollars investis), Raccoon est fin prête pour la saison 2010-2011. Le noyau des skis Raccoon est fabriqué avec du bois sélect québécois, ce qui en fait un produit de très grande qualité, dit Sébastien Moquin.

Quant aux autres composants (carres en métal, matériaux composites, etc.), ils sont importés d'Europe, mais assemblés à Saint-Jean-sur-Richelieu dans l'usine de Fabritec. Assemblées un peu comme un sandwich, toutes les pièces des skis sont par la suite pressées ensemble.

Phénomène mondial

Des petites sociétés comme Raccoon Skis qui fabriquent des produits en quantité limitée, il s'en trouve de plus en plus sur la planète ski. Au Canada, il y en aurait une poignée, principalement dans la région des Rocheuses. Le site exoticskis.com (sur lequel figure le nom de Raccoon) en répertorie plusieurs dizaines qui sont situées partout dans le monde.

Il s'agit d'une sorte de communauté qui dessert les skieurs et les planchistes en quête de produits underground. Selon une recherche rapide faite par La Presse Affaires, le Québec compte, outre Raccoon Skis, un autre petit fabricant de skis. Il s'agit de DID (Deliberate Industrial Design). Fondée par Jean-Vincent LeBrun, Lévisien de 30 ans, cette nouvelle PME fabrique uniquement des skis sur mesure pour environ 1500$.

«Les skieurs se rendent compte qu'il y a une solution de rechange aux skis que les multinationales font de plus en plus fabriquer en Chine. Nous offrons des produits de meilleure qualité, avec des caractéristiques précises et, surtout, avec une apparence différente», dit Jean-Vincent LeBrun, diplômé en design industriel qui a fabriqué sa première planche à neige à 15 ans.