Spiro Krallis est un homme patient. Le président et fondateur de la chaîne de restaurants Dagwoods sait qu'il a entre les mains un concept gagnant, qui peut facilement être implanté aux quatre coins du Canada. Mais au lieu de trouver preneur pour ses franchises - chose qu'il pourrait faire sans trop de difficultés -, M. Krallis, 47 ans et père de cinq enfants, préfère encore consolider ses assises afin de préserver ce qu'il a durement bâti au cours des dernières années. Bref, tout vient à point à qui sait attendre, croit-il.

Dagwoods est une chaîne de restaurants offrant des sandwichs frais, des salades, de la soupe, etc. L'entreprise célèbre cette année ses 20 ans et compte près de 26 succursales dans la grande région de Montréal, dont une douzaine sont des franchises. Cela n'a évidemment rien à voir avec les quelque 500 restaurants Subway du Québec, l'un des principaux concurrents de Dagwoods. La PME fait travailler 240 personnes et ses ventes avoisinent les 8 millions de dollars.

«J'ai ouvert 13 restaurants avant de commencer à offrir des franchises en 2006. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi certains entrepreneurs étaient aussi pressés d'ouvrir le plus de franchises possible», explique Spiro Krallis, qui, issu d'une famille d'universitaires, se destinait à une carrière en génie.

Bien sûr, M. Krallis rêve du jour où Dagwoods sera connu d'un océan à l'autre. Mais avant, il souhaite encore peaufiner son concept et devenir à sa façon un acteur de renom dans son secteur d'activité. «Pour le moment, je souhaite ouvrir peut-être trois ou quatre restaurants par année. Mais je veux surtout augmenter mes ventes dans chacune de nos succursales. Et pour cela, nous devons être plus connus. Cela passe par la publicité, mais aussi en participant à la vie communautaire dans les villes où nous sommes», dit-il.

Autre élément qui différencie le concept Dagwoods: quiconque devient franchisé (pour environ 160 000$, un prix relativement peu élevé, paraît-il, dans le monde des franchises) doit obligatoirement travailler derrière le comptoir de son restaurant. D'ailleurs, cela a encouragé Spiro Krallis à jouer les bailleurs de fonds auprès de quelques-uns de ses anciens employés qui ont décidé de faire le grand saut.

Pour se démarquer des Subways, Quiznos, Tim Hortons et autres Van Houtte, bref de tous les endroits où l'on vend des sandwichs, la chaîne de restaurants Dagwoods mise sur trois éléments: avoir un produit frais (les viandes froides sont tranchées devant le client), utiliser une sauce maison (celle de Dagwoods a fait sa réputation) et offrir un service à la clientèle sans reproche.

Entrepreneur dans l'âme

L'homme d'affaires, grâce à un emploi de représentant pour l'entreprise Bic, a fait le tour des États-Unis. Il dit s'être inspiré de ce qu'il a vu là-bas avant d'ouvrir son premier restaurant Dagwoods à Dollard-des-Ormeaux en 1989.

La feuille de route de Spiro Krallis est pour le moins singulière. Entrepreneur dans l'âme, il coupait les cheveux de ses collègues à l'Université Bishop, à Lennoxville au sud de Sherbrooke. «J'ai appris à couper les cheveux en regardant faire mon coiffeur. C'était 3$ la coupe et j'avais en moyenne 10 clients par semaine», dit-il.

Sinon, ce Grec d'origine a appris la cuisine sur le tas, notamment dans le cercle polaire canadien, où il a travaillé pour des entreprises pétrolières. Il a également bossé sur le voilier d'un millionnaire américain qui, au début des années 80, en pleine guerre froide, avait fait le pari de naviguer en terre soviétique. Chose qu'il a réussie, au grand plaisir de Spiro Krallis, qui a notamment vendu, comme le voulait la tendance à l'époque, des «blue jeans» à de jeunes Soviétiques fascinés par l'Amérique.

Pour décompresser et fuir la jungle urbaine, Spiro Krallis s'applique actuellement à construire une maison dans la région de Saint-Étienne-de-Bolton, dans les Cantons-de-l'Est. «C'est ma thérapie, ça me permet de me changer les idées. Je construis tout à la main, sans génératrice. J'ai bien sûr quelques outils qui fonctionnent avec des piles, mais quand les piles sont à plat, on continue quand même à la main», dit-il le plus simplement du monde.