Répondre «non» à un client est sans doute la chose la plus difficile à faire pour un entrepreneur. Mais pour Charles Rivard, président d'Équipement EBR, dire «non merci» à un contrat, fût-il incroyable, est parfois la meilleure décision à prendre pour le bien d'une PME.

Situé à Québec, EBR est un manufacturier et un intégrateur d'équipements industriels destinés à la transformation alimentaire, principalement dans les secteurs laitier et fromager. Même si elle réalise 90% de son chiffre d'affaires au Québec, l'entreprise familiale fondée en 1975 jouit d'une grande notoriété à l'échelle internationale. Elle a d'ailleurs été primée à maintes reprises en tant que PME exportatrice.

L'entreprise vient de terminer la mise sur pied complète de sa troisième fromagerie au Maroc. De tels mandats, EBR en a reçu jusqu'en Nouvelle-Zélande. La PME de Québec fabrique ses propres pièces d'équipement en inox, mais en achète également de ses concurrents lorsqu'elle est embauchée, quelques fois par année, pour aménager de A à Z des usines de transformation alimentaire. D'où son titre d'intégrateur.

Avec une telle expertise et une telle réputation, EBR pourrait facilement bomber le torse et se fixer des objectifs de croissance beaucoup plus importants. Or, il n'en est rien. Charles Rivard préfère, et de loin, maintenir une croissance de 10% par année. «L'entreprise s'est bâti un nom depuis 35 ans, dit-il. Pourquoi courir le risque de détruire cela? Il faut apprendre à dire non pour contrôler notre croissance. Et ça, je l'ai appris avec le temps.»

Oui à la croissance, mais pas à n'importe quel prix, résume Charles Rivard. D'ailleurs, le président de la PME se fait un point d'honneur de rappeler que les produits d'EBR ne sont pas les moins chers sur le marché. «Nous misons sur la qualité. On ne trouve pas nos produits sur le marché de l'usagé. Quand on fabrique quelque chose, il va durer au moins 25 ans. Ça explique pourquoi 95% de nos clients refont affaire avec nous», indique le président de la PME.

Équipement EBR a également décidé de concentrer ses efforts au Québec, où plus de 60% du lait canadien est produit, explique Charles Rivard. Le nombre de fromageries qui ont vu le jour depuis 10 ans et qui continuent à ouvrir leurs portes est un autre facteur qui fait de la Belle Province un marché de choix.

L'un des produits vedettes d'EBR est un moulin en inox qui sert à la fabrication de fromage en grains. Mais il n'y a pas que dans le secteur des produits laitiers qu'on fait appel à la PME. Les fabricants de biscuits, de barres tendres, mais aussi de confitures et de pestos connaissent bien l'entreprise de 37 employés qui préfère taire son chiffre d'affaires.

Charles Rivard n'est pas gêné d'affirmer que son entreprise est un chef de file dans son secteur d'activité au Canada. «Quand tu fais partie des meilleurs, tu te fais copier. Nous avons même d'anciens employés qui ont décidé de fonder leur propre entreprise pour nous faire concurrence», explique celui qui fait le tour du monde à la recherche des meilleurs fournisseurs. L'homme d'affaires est récemment allé en Californie; il s'envolera la semaine prochaine vers les Pays-Bas.

Équipement EBR a été fondé au milieu des années 1970 par Benoît Rivard, maintenant âgé de 88 ans, et sa conjointe Anne-Marie, aujourd'hui décédée. Le couple, qui a élevé huit enfants, a tout d'abord été distributeur de produits américains avant de devenir fabricant, puis intégrateur.

La PME appartient maintenant aux trois fils de Benoît Rivard, c'est-à-dire Charles, Marc et Pierre. L'ingénieur Marc Giguère en est le quatrième actionnaire. Trois frères qui travaillent à la même enseigne, cela doit forcément donner lieu à des prises de bec, non? «C'est fini, ce temps-là. Ça fait plus de 30 ans qu'on travaille ensemble; on se connaît très bien merci», dit le président de l'entreprise, laquelle célébrera ses 35 ans de fondation en 2010.