Depuis six mois, les PME offrent tout un feu d'artifice aux investisseurs qui s'attendaient plutôt à les voir imploser, l'année dernière, à cause de la crise du crédit.

Le spectacle est haut en couleurs: l'action de la société de sécurité Garda, par exemple, a explosé de 380% en six mois. Le titre de Cascades a fusé de 300%, le titre du fabricant de boissons gazeuses Cott de 700%, et celui du sous-traitant automobile Linamar de 375%. De la grande pyrotechnie! «C'est très classique en sortant d'une récession. Les titres de petites sociétés reviennent à la mode. On le voit depuis juillet, et encore plus depuis trois semaines. Certaines jours, il y a des titres qui gagnent jusqu'à 15%», constate Hugo Lavallée, gestionnaire du fonds Fidelity Potentiel Canada.

Depuis six mois, les petites entreprises ont même devancé les grandes. Le baromètre des actions de PME canadiennes, l'indice S&P/TSX SmallCap, a rebondi de 54%, nettement plus que la hausse de 38% de l'indice de S&P/TSX composé des grands noms de la Bourse de Toronto.

Les détenteurs de fonds communs de placement profitent aussi de la manne. Avec un rebond de 43%, les fonds d'actions de PME en majorité canadiennes arrivent en tête de toutes les catégories de fonds communs, depuis le début de 2009 (en date du 31 août).

 

Calvaire boursier

 

La remontée boursière des petites entreprises est un juste retour du balancier. Depuis 2004, les PME traînaient de la patte, avec des rendements inférieurs à ceux des grandes entreprises, année après année (voir graphique). Et, en 2008, les PME ont vécu un calvaire boursier. Leurs titres se sont écroulés de moitié.

Il faut dire que la récession a frappé plus durement les PME qui sont moins diversifiées et qui sont souvent des fournisseurs à la remorque des donneurs d'ordres.

«Les grandes entreprises ont décidé de réduire leurs coûts pour passer à travers la crise. Personne ne savait combien de temps ça durerait», rappelle Christian Cyr, 1er vice-président actions de petite capitalisation chez Gestion de portefeuille Natcan.

De plus, les petites sociétés qui ont un bilan moins solides, ont été victimes de l'assèchement du crédit. «Si l'année 2008 a été difficile pour des compagnies comme GM, imaginez pour des petites entreprises! Pour beaucoup, l'accès au crédit a été complètement coupé», dit M. Lavallée.

Les investisseurs ont largué les PME plus endettées, craignant qu'elles ne passent pas au travers. Au creux du mois de mars, on comptait plusieurs PME dont la valeur boursière était équivalente ou inférieure aux liquidités dont la société disposait après avoir soustrait ses dettes.

«Pour faire de l'argent, il fallait se pincer le nez et plonger», dit Martin Dufresne, gestionnaire de portefeuille de petites capitalisations chez Fiera Capital.

 

Le point tournant

 

À partir du printemps, le vent a tourné. La récession s'est essoufflée. La crise du crédit s'est estompée. Les banques ont recommencé à prêter un peu. Les investisseurs ont repris goût au risque.

«Il y a eu un changement de perception à la Bourse», rapporte M. Dufresne. «Les marchés se sont rendus compte que la Chine continuerait d'acheter des ressources naturelles», dit-il.

Le prix des matières premières a rebondi, ce qui a alimenté la poussée de croissance de l'indice boursier des PME canadiennes, dont la moitié est composé de sociétés de ressources naturelles.

La fusion de Petro Canada et de Suncor, à la fin de mars, a été un élément déclencheur, souligne M. Dufresne. L'une avait un bon bilan, l'autre de beaux projets. Ensemble, elles ont pu les mettre sur les rails, ce qui a redonné du pep aux petits fournisseurs.

 

Encore de belles histoires

 

«L'histoire suggère que les actions des petites entreprises vont continuer de surperformer», note Ted Whitehead, gestionnaire de portefeuille chez MFC Global Investment Management.

Après les récessions, les PME ont généralement le vent dans les voiles. Cette fois ne fera pas exception, estiment les spécialistes. Plusieurs facteurs les stimulent:

>Présentement, les grandes entreprises regarnissent leurs stocks, et les petits fournisseurs en profitent.

>Les taux d'intérêt sont relativement bas, un atout pour les PME qui se financent surtout à l'aide d'emprunt.

>Comme les titres de petites sociétés restent dépréciés, ils pourraient être des cibles faciles, si une vague de fusions et acquisitions déferle.

>Contrairement aux grandes entreprises, peu de PME sont aux prises avec des problèmes de financement du régime de retraite de leurs employés.

Dans l'ensemble, les actions des PME restent abordables, malgré la remontée. Les titres se situent à environ 1,2 fois leur valeur comptable (par rapport à un ratio de 1,7 pour les grandes) alors qu'ils s'échangeaient à plus de deux fois leur valeur comptable en 2005.

«Oui, la reprise a été bonne, mais la correction avait été forte. C'est important, dans une année comme 2009, de rester sur l'offensive», assure M. Lavallée. À son avis, il reste encore beaucoup d'occasions dans les matériaux de base, les technologies, et les sociétés industrielles, notamment du côté du camionnage.

M. Dufresne est plus prudent. «On aurait été dû pour une pause cet été, avoue-t-il. Mais comme on ne l'a pas eu, on se positionne de façon plus défensive.» Selon lui, les sociétés minières ont moins de chemin à faire. Et la prudence est de mise du côté du gaz naturel.

Il est vrai que le prix gaz naturel est à un creux historique. Mais le prix des actions des sociétés gazières se transige comme si le prix du gaz allait remonter à près de 7$, indique M. Dufresne. Si le prix du gaz ne remonte pas, les investisseurs seront déçus.