Trois soeurs à la tête de la même entreprise, voilà qui n'est pas commun dans le monde des affaires au Québec. Depuis près de 10 ans, Stéphanie, Natalie et Claudine Provost dirigent avec succès Les Soeurs en vrac, une PME spécialisée dans l'importation et la distribution de noix, fruits secs et autres épices. Après avoir multiplié par sept leur chiffre d'affaires au Québec, les voilà prêtes à envahir le marché ontarien.

Pas si mal pour trois femmes d'affaires qui étaient à la base graphiste (Claudine, 36 ans), designer d'intérieur (Stéphanie, 41 ans) et employée dans le commerce de détail (Natalie, 39 ans). C'est donc avec beaucoup de volonté que les trois soeurs ont fait de leur entreprise une vraie locomotive.

 

Elles offrent quelque 550 produits différents (noix, fruits secs, légumineuses, friandises, épices, etc.) dont les prix oscillent entre 1,79$ et 14,99$. Les Soeurs en vrac vendent 99% de leurs produits au Québec, dont 25% dans les supermarchés Métro et IGA. Sinon, on les trouve dans les fruiteries et les boutiques spécialisées. La PME emploie 18 personnes à Pointe-aux-Trembles.

Depuis mai dernier, les Provost ont fait leur entrée en sol ontarien, dans la région d'Ottawa. Elles ne veulent pas forcer les choses et poursuivront leur expansion lentement, mais sûrement. Les frangines tiennent d'ailleurs à préciser qu'elles aimeraient être présentes d'un océan à l'autre. Mais pas à n'importe quel prix.

Une entente avec le géant pancanadien Loblaws ne serait-elle pas avantageuse pour elles? «C'est une grosse étape à franchir. On doit être inscrites sur leur liste de fournisseurs. C'est compliqué et ça nécessite de gros investissements. Nous ne sommes pas encore prêtes à jouer cette game-là», explique Stéphanie Provost, contrôleuse.

Depuis 1998, année où elles ont commencé dans le domaine en achetant la PME Importations et distributions BH, les trois soeurs ont rendez-vous avec la croissance. Leur chiffre d'affaires est passé de 600 000$ il y a 11 ans à 4 millions cette année. Depuis deux ans, leur croissance dépasse les 25%. Et le trio d'entrepreneures souhaite garder cette vitesse de croisière pour les trois prochaines années.

Comment y parviendront-elles? En misant sur l'innovation, le service et la qualité de la matière première, laquelle provient des quatre coins du monde. «Nous n'achetons jamais de deals auprès d'un fournisseur. Et ça, nos clients le savent. Si on reçoit un produit de deuxième qualité, on le renvoie aussitôt», explique Natalie Provost, directrice aux ventes.

Faute de visiter les pays d'où proviennent leurs fruits et leurs noix, Stéphanie, Natalie et Claudine Provost se rendent dans les plus grands salons alimentaires de la planète afin de prendre le pouls des dernières tendances dans l'agroalimentaire. Cette année, elles ont notamment séjourné à Dubaï.

Leur vision des affaires détonne: elles refusent de se voir comme des concurrentes d'Amira ou de Krispy Kernels (toutes deux propriétés québécoises), voire du géant mondial Planters et sa division Johnvince Foods. «Nous sommes complémentaires. Nous offrons des produits que ces entreprises n'ont pas. Nous créons des recettes, des emballages, des concepts. Les détaillants aiment ça», explique Claudine Provost, responsable du marketing.

L'esprit sororal des Provost ne date pas d'hier. Le crêpage de chignon, très peu pour elles. À une certaine époque, elles bossaient toutes pour la même chaîne de clubs vidéo, mais dans des succursales différentes. Elles ont aussi habité sur le même coin de rue, mais dans des logements séparés.

Les soeurs Provost n'avaient pas d'emblée la fibre entrepreneuriale. C'est leur père, Jean-Paul Provost, qui les a incitées à se lancer en affaires. M. Provost était grand patron et coactionnaire - avec ses quatre frères! - de Provost Transport. C'est d'ailleurs lui qui a supervisé l'achat en 1998 de la PME Importations et distributions BH. Jean-Paul Provost et sa conjointe, Claudette, possèdent chacun 20% d'actions des Soeurs en vrac; Stéphanie, Natalie et Claudine se partagent, à parts égales, les 60% restants.

«Mais nous sommes en train de négocier pour racheter les parts de nos parents. Avec mon père, ce devrait être facile, mais pas avec ma mère. Elle est tellement fière d'être actionnaire. Elle fait la promotion de l'entreprise même quand elle est en vacances en Europe. Elle prend ça très à coeur», s'amusent les frangines Provost.