(Ottawa) Le géant du Web cessera de couper l’accès aux nouvelles la semaine prochaine. Cette mesure prise en réaction au projet de loi C-18 touche environ un million d’usagers au Canada. Ses représentants canadiens ont tenté à maintes reprises d’esquiver les questions des élus vendredi, à un point tel où ceux-ci ont décidé de leur faire prêter serment en plein milieu de leur témoignage.

Il s’agit d’une procédure rarement utilisée. Des députés de tous les partis n’ont pas caché leur exaspération face aux tentatives de la vice-présidente et directrice nationale de Google Canada, Sabrina Geremia, d’éluder leurs questions. Le député libéral Chris Bittle lui a rappelé qu’elle pouvait être accusée de parjure.

Le directeur des politiques publiques et des relations avec le gouvernement de Google Canada, Jason J. Kee a fini par indiquer que Google allait cesser de bloquer les liens vers des articles d’actualité le 16 mars.

D’entrée de jeu, les deux représentants de Google se sont défendus de couper l’accès aux nouvelles à 4 % de leurs usagers au Canada. « Je veux souligner que ce ne sont que des tests », a affirmé M. Kee, au début de son témoignage. Il a ajouté qu’ils étaient effectués en prévision de l’application du projet de loi qui forcerait le géant du Web à conclure des ententes pour le partage de ses revenus avec les médias et qu’aucune décision finale n’avait été prise.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le gestionnaire des politiques publiques pour Google Canada, Jason J. Kee

Il s’agit plutôt de « moyens de pression qui sont déloyaux », a fait valoir le député bloquiste Martin Champoux.

« Vous avez dépassé les limites », les a avertis le député conservateur, Kevin Waugh, qui a dénoncé cette atteinte à la démocratie. « Nous n’avons aucune idée en quoi consistent vos tests ».

Les parlementaires qui siègent au comité permanent du patrimoine canadien avaient convoqué les hauts dirigeants de Google, Sundar Pichai, Kent Walker et Richard Gingras, mais ceux-ci ont plutôt délégué leurs représentants au Canada, Sabrina Geremia, et Jason J. Kee.

Le député libéral Anthony Housefather a noté que deux des grands patrons de Google s’étaient pourtant déplacés au Canada pour faire du lobby auprès des élus contre le projet de loi C-18. « Ils sont donc prêts à faire pression sur nous en privé, mais ne veulent pas venir au comité pour parler publiquement », a-t-il souligné.

Il a rappelé que la multinationale, qui compte environ 30 millions usagers au Canada, détient 92 % du marché des moteurs de recherche. Il a également souligné qu’elle avait engrangé des revenus de 279 milliards lors de la dernière année fiscale et que des ententes similaires conclues après l’adoption d’une législation similaire en Australie lui avaient coûté 150 millions.

« Google abuse de sa position dominante sur le marché pour tenter de forcer la main du gouvernement canadien », a dénoncé sa collègue libérale Lisa Hepfner.

Les représentants de Google au Canada ont passé un mauvais quart d’heure lors de leur passage vendredi au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Sa présidente leur a intimé à plusieurs reprises de répondre aux questions. « Il était très clair que ce comité n’a pas été convoqué pour discuter de tests », leur a rappelé Hedy Fry.

Ils ont également essuyé les critiques des parlementaires pour avoir fourni des documents déjà disponibles sur le site de Google au lieu de leurs échanges de courriels et de textos sur le blocage des sites de nouvelles.

Google s’oppose au projet de loi C-18 qui forcerait les géants du Web à conclure des ententes pour le partage de leurs revenus avec les médias dont le contenu est utilisé gratuitement par ces plateformes.

C-18 met un prix sur les liens gratuits vers des pages Web, créant un dangereux précédent qui menace les fondements du Web ouvert et la libre circulation de l’information.

Sabrina Geremia, vice-présidente et directrice nationale de Google Canada

La fronde de Google survient alors que Québecor, Global News et Postmedia, qui détient le Montreal Gazette, coupent dans leurs effectifs. Les géants du Web comme Google et Meta (propriétaire de Facebook et Instagram) accaparent la grande majorité des revenus en ligne. Cette perte de revenus publicitaires fait mal aux salles de nouvelles.

Les représentants de Google au Canada devaient répondre aux questions des élus par visioconférence lundi, mais la rencontre avait finalement été annulée après avoir été retardée pendant plus d’une heure en raison de problèmes techniques liée à l’interprétation dans les deux langues officielles fournie par la Chambre des communes. La réunion d’urgence du comité avait été convoquée à la demande des libéraux, néo-démocrates et bloquistes.