Une dizaine de postes seront supprimés d’ici peu dans la salle de rédaction du Montreal Gazette, dernier quotidien anglophone de la métropole. La nouvelle, annoncée mercredi aux employés, fait craindre le pire pour la survie du journal.

Plusieurs employés ayant requis l’anonymat, craignant de subir des mesures disciplinaires, l’ont confirmé à La Presse en soirée. « Tout le monde est sous le choc. La survie même de la Gazette est en jeu. C’est une possibilité réelle que ce journal cesse de publier d’ici l’an prochain ou dans deux ans, surtout si on plonge dans une récession dure et profonde. C’est une menace existentielle pour la survie du quotidien », confie notamment l’un d’eux.

Selon nos informations, c’est le rédacteur en chef du journal, Bert Archer, qui a confirmé la nouvelle mercredi aux employés, lors d’une rencontre. Huit postes de journalistes syndiqués et deux postes de gestionnaires issus de la salle de rédaction sont en jeu. Des avis de mise à pied devraient être envoyés très bientôt, dans les prochaines semaines.

Mardi, l’éditeur de journaux Postmedia – qui détient le Montreal Gazette, mais aussi le National Post, l’Ottawa Citizen et le Vancouver Sun – a annoncé devoir mettre à pied 11 % de son personnel de salles de rédaction. La société avait déjà annoncé la semaine dernière avoir vendu l’édifice du quotidien Calgary Herald, ainsi que la migration d’une dizaine de ses journaux communautaires albertains vers des formats exclusivement numériques.

À Montréal, les 10 postes qui seront vraisemblablement supprimés représentent le quart des effectifs de la salle de rédaction, qui emploie l’équivalent de 40,5 employés à temps plein syndiqués.

« Onze pour cent, c’était une chose, mais là, 25 %, on est tous très surpris. C’est déjà très difficile de sortir un journal avec le nombre qu’on est. Ça va devenir compliqué », craint un deuxième journaliste, sous le couvert de l’anonymat.

« La prochaine fois, ça va être vraiment la faillite, on ferme les portes », lance un troisième au bout du fil. Il craint lui aussi que ces nouvelles mises à pied ne « sonnent le début de la fin » pour le journal anglophone.

« Dévastateur pour notre communauté »

Sur Twitter, mercredi, Christopher Curtis, ancien journaliste du quotidien, a été le premier à déplorer publiquement la nouvelle. « Cela n’affectera pas seulement la communauté anglophone du Québec, The Gazette publie des histoires qui mènent à un changement de politique et profitent à tous les Québécois. Et ils le font avec une fraction du budget de leurs concurrents », a-t-il fait valoir, parlant lui aussi d’un « coup de grâce » pour plusieurs quotidiens anglophones appartenant à Postmedia.

« Quand j’ai commencé, en 2011, nous avions plus de 100 employés au bureau. C’est un coup dévastateur pour notre communauté », a insisté M. Curtis, qui a quitté le média en septembre 2020 pour créer son propre média, The Rover.

Véritable institution dans la métropole, La gazette littéraire de Montréal a été fondé en 1778 par Fleury Mesplet, imprimeur d’origine française. Un temps bilingue, la Gazette est devenue exclusivement anglophone en 1822. À l’interne, on craint que l’expertise du journal ne soit « fortement touchée » par les mises à pied.

« Probablement que ça va toucher de très bons journalistes d’expérience. Et après, on craint que ça provoque un cercle vicieux d’une baisse de revenus qui sera suivie d’autres coupures, et ça va se terminer avec une faillite », résume un journaliste.

Ni la direction du Montreal Gazette ni la direction de Postmedia n’avaient répondu à nos questions, au moment d’écrire ces lignes.