(Montréal) La pandémie a entraîné une hausse de la confiance envers les nouvelles à l’échelle mondiale, mais très peu au Canada. En fait, la moyenne mondiale de confiance a presque rattrapé celle du Canada, qui lui était supérieure avant la pandémie.

Ainsi, le Digital News Report 2021 (DNR 2021) du Reuters Institute nous apprend que 44 % des plus de 92 000 répondants à travers le monde ont dit faire confiance à la plupart des nouvelles la plupart du temps, soit une hausse de 6 % par rapport à 2020. Au Canada, ce taux de confiance est de 45 % comparativement à 44 % l’année précédente.

Le championnat de la confiance demeure entre les mains des Finlandais, à 65 %, mais faut-il s’étonner que les États-Unis, après une année de controverse entourant la pandémie et d’accusations de fausses nouvelles (« fake news ») de toutes parts et tous côtés, soient tombés au tout dernier rang parmi les 46 pays sondés avec un taux de confiance de seulement 29 % ?

La portion canadienne du rapport, réalisée par le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, fait comme toujours état de différences parfois marquées entre la perception des francophones et des anglophones face aux médias d’information. Par exemple, la remontée de confiance d’un point du Canada est entièrement attribuable à un bond de cinq points chez les francophones, dont l’indice de confiance est passé de 49 % en 2020 à 54 % en 2021, alors que ce taux est demeuré inchangé, à 44 %, chez les anglophones.

Au-delà de l’augmentation de 2021, toutefois, la confiance plus élevée des francophones demeure une constante selon les auteurs du rapport, qui écrivent : « Comme chaque année depuis 2016, les francophones sont plus nombreux que les anglophones à faire confiance à la plupart des nouvelles la plupart du temps ».

Non à une presse militante

Fait à noter, ce sont les francophones qui s’identifient à la gauche qui sont les plus méfiants face aux nouvelles (35 %), alors que chez les anglophones, ce sont ceux qui s’identifient à la droite qui ont le moins confiance (42 %).

L’enquête canadienne démontre assez clairement par ailleurs que la presse engagée ou militante n’a pas la cote au pays : près des trois quarts des répondants (71 %) croient que la couverture des enjeux sociaux ou politiques devrait refléter la plus large diversité d’opinions possible, rester neutre en tout temps (57 %) et donner un espace égal à chaque position ou parti (69 %). Ces proportions sont presque les mêmes à l’échelle internationale, même un peu plus élevées, avec la nuance que certains répondants plus jeunes estiment que la neutralité pourrait ne pas être appropriée ou souhaitable dans certains cas précis, notamment pour les questions de justice sociale.

Inquiétude face aux fausses nouvelles

Les fausses nouvelles inquiètent près des deux tiers (63 %) des Canadiens, mais cette préoccupation est beaucoup plus forte chez les anglophones (67 %) que chez les francophones (51 %), alors qu’un peu plus de la moitié (52 %) de l’ensemble des Canadiens dit avoir vu des informations fausses ou trompeuses au sujet de la COVID-19 durant la pandémie. Étonnamment, ce sont les fausses nouvelles en ligne provenant de politiciens locaux qui préoccupent le plus de répondants (25 %), suivies de celles provenant de groupes activistes (21 %) et ensuite de gens ordinaires (16 %).

Quant aux journalistes eux-mêmes comme source de fausses nouvelles, les auteurs écrivent qu’ils « s’en tirent relativement bien, avec seulement 7 % des répondants qui les considèrent comme leur principale source d’inquiétude, comparativement à 11 % quant aux fausses nouvelles en général l’année antérieure ». Notons que contrairement aux anglophones, les francophones sont beaucoup plus inquiets des groupes activistes que des politiciens locaux.

Facebook : propagateur de fausses nouvelles

Pour ce qui est du lieu de diffusion de ces fausses nouvelles, Facebook, le média social le plus populaire chez les Canadiens, est de loin la plateforme jugée la plus préoccupante quant aux fausses nouvelles liées au coronavirus, et ce, par un Canadien sur trois. Les sites et applications de nouvelles suivent, mais dans une proportion beaucoup plus faible et, encore là, la distinction entre francophones et anglophones est remarquable : les francophones sont beaucoup plus nombreux (41 %) à pointer du doigt Facebook comme facteur premier d’inquiétude face à la propagation de fausses nouvelles que les anglophones (29 %).

À l’échelle internationale, c’est au Brésil que la préoccupation est la plus grande face aux fausses nouvelles (82 %) et en Allemagne qu’elle est la plus faible (37 %). À l’instar du Canada, presque toute la planète voit Facebook comme le principal canal de diffusion de fausses nouvelles, mais les applications de messagerie telle que WhatsApp sont vues comme un problème encore plus important dans de nombreux pays en développement.

Le papier au bord du gouffre

Les journaux et magazines imprimés, qui ont beaucoup souffert de la pandémie, se sont retrouvés perdants tant du côté des revenus que du lectorat. Depuis les débuts de l’enquête canadienne il y a cinq ans, jamais les journaux et imprimés n’ont atteint un taux aussi bas de consultations. Alors que 7 % des répondants disaient toujours consulter principalement les nouvelles sur papier en 2016, ils n’étaient plus que 3 % en 2021. Sans surprise, c’est le web qui vient récolter les fruits tombés du papier, la majorité des Canadiens (53 %) disant consulter principalement les nouvelles en ligne, une augmentation de 4 points de pourcentage par rapport à 2020 et de 15 points par rapport à 2016.

Seulement le tiers des Canadiens sont inquiets de la santé financière des médias, contre la moitié qui ne le sont pas et une autre différence marquée entre francophones et anglophones se trouve face à l’idée d’une aide gouvernementale aux médias, appuyée par 39 % des francophones, contre seulement 28 % des anglophones.

À l’échelle internationale, on constate que les auditoires de plusieurs pays se sont tournés vers les marques reconnues de distribution d’information professionnelle en temps de crise sanitaire, accroissant l’écart entre « les meilleurs et les autres » et l’écart de confiance entre médias d’information et médias sociaux. Les pays ayant des médias publics indépendants robustes ont vu une croissance de la consommation d’information.

Tout comme au Canada, les nouvelles télévisées ont maintenu une performance solide malgré un léger repli alors que les journaux papier ont poursuivi leur déclin, celui-ci étant aggravé par des difficultés de distribution dans plusieurs États.

Progression des abonnements payants

Une hausse significative des abonnements payants en ligne a été constatée dans un petit nombre de pays occidentaux riches, mais la proportion globale de gens qui paient pour de l’information en ligne demeure faible, un phénomène qui suscite des craintes depuis quelques années de voir les internautes se tourner vers des sources gratuites dont plusieurs sont d’une fiabilité douteuse. La Norvège vient en tête de peloton avec pas moins de 45 % de sa population qui paie pour de l’information fiable et vérifiée en ligne.

Dans la plupart des pays, la part du lion des abonnements numériques payants va à un groupe restreint de grands médias nationaux, renforçant la dynamique du « gagnant rafle le gros lot » constatée dans le passé.

Le DNR 2021 constate parallèlement des signes d’essoufflement et d’éloignement des nouvelles dans plusieurs pays et note qu’aux États-Unis, l’intérêt envers les nouvelles a chuté dramatiquement après l’élection du président Joe Biden, particulièrement chez les groupes qui s’identifient à la droite.

L’enquête canadienne du DNR 2021 a été menée à partir d’un échantillon aléatoire de 2036 participants, dont 530 francophones. Un échantillon francophone autonome a par la suite été complété de façon à y obtenir 1017 participants. Les données canadiennes ont été récoltées du 14 janvier au 15 février 2021. À l’échelle internationale, ce sont plus de 92 000 répondants de 46 pays de tous les continents qui ont été invités à participer durant la même période.