Que doit privilégier Radio-Canada ? Le diffuseur public doit-il abolir la publicité sur ses plateformes ? Diffuser davantage de contenu canadien ? Les audiences sur les licences de Radio-Canada pour les cinq prochaines années commencent ce lundi matin devant le CRTC. Résumé des enjeux en trois questions.

Que doit diffuser Radio-Canada ?

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’organisme réglementaire qui accorde les licences télé et radio, s’ingère très peu – pour ne pas dire jamais – dans les choix de programmation des diffuseurs.

Il leur impose plutôt généralement deux conditions en matière de programmation : un seuil minimal de contenu canadien et un nombre minimal d’émissions canadiennes d’intérêt national (documentaires, séries dramatiques ou comiques, émissions de variétés, galas). À titre d’exemple, ICI Télé doit diffuser sept heures par semaine d’émissions d’intérêt national en heures de grande écoute (de 19 h à 23 h). En 2019-2020, ICI Télé a diffusé 10 heures par semaine d’émissions canadiennes d’intérêt national. Des exemples ? District 31, Les pays d’en haut, le Bye bye.

Québecor veut que des changements soient apportés aux licences de Radio-Canada. Le concurrent estime que « la programmation de la SRC est trop axée sur le divertissement et se rapproche trop de celle des diffuseurs privés ». Québecor demande ainsi au CRTC de faire en sorte que Radio-Canada « privilégie » huit catégories d’émissions : les nouvelles, les documentaires, l’éducation, la culture, la relève, la jeunesse, les affaires publiques et les sciences. Québecor demande de « mieux baliser » l’acquisition de séries étrangères par Radio-Canada. Québecor estime aussi que Radio-Canada « se doit d’être plus innovatrice en matière de programmation et doit se permettre de prendre des risques en offrant des contenus qui ne sont pas proposés par les diffuseurs privés ».

Radio-Canada s’oppose aux demandes de Québecor. « Ce n’est pas le diffuseur public qui est le problème. Ce n’est pas nous qui sommes les concurrents [des diffuseurs privés]. Nous sommes là comme collègues. ICI Tou.tv, Club illico et Crave sont là comme remparts contre les géants étrangers comme Netflix, Amazon et Disney. Nous aimerions trouver des moyens de travailler avec nos collègues du secteur privé. Je suis désolé, mais on n’accepte pas les critiques de Québecor », dit Catherine Tait, PDG de CBC/Radio-Canada, en entrevue avec La Presse.

Au cours des cinq prochaines années, le diffuseur public veut offrir une programmation qui portera une attention particulière aux jeunes auditoires, aux régions, ainsi qu’aux questions de diversité et d’inclusion. « Le diffuseur public a un rôle important de leader dans le dossier de la diversité et de l’inclusion, dit Catherine Tait. C’est une priorité pour nous d’avoir plus de programmation qui reflète ces communautés. »

Doit-on abolir la publicité ?

Radio-Canada devrait-elle cesser de diffuser de la publicité ?

C’est ce qu’a recommandé, il y a un an, le groupe d’experts mandaté par le gouvernement Trudeau. À condition que le gouvernement fédéral augmente le financement public de Radio-Canada pour lui permettre de bien remplir son mandat.

Le gouvernement Trudeau a indiqué son intention d’« actualiser le mandat [de Radio-Canada] en cette ère numérique », sans prendre position sur la question de la publicité.

Dans le contexte actuel des finances fédérales et de la COVID-19, la PDG de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, s’attend à ce que le plan d’affaires mixte reste basé à la fois sur le financement public et sur les revenus commerciaux. « C’est mieux de rester avec un système mixte », dit-elle.

« Un système sans publicité, c’est peut-être plus agréable, mais avec toutes les pressions financières auxquelles le gouvernement va faire face avec la COVID-19, est-ce que c’est réaliste ? », demande Mme Tait.

Pour CBC/Radio-Canada, il n’est pas question de réduire ses revenus publicitaires et commerciaux (sans une hausse équivalente du financement public). En 2018-2019, 71 % des revenus de Radio-Canada provenaient de fonds publics (1,2 milliard), et 29 % des revenus provenaient de sources commerciales (490 millions, dont 249 millions en publicité et 124 millions en revenus d’abonnement).

« Une perte de 250 millions [en revenus publicitaires], c’est une énorme somme. Ce sont des centaines de journalistes, d’heures de programmation, dit Catherine Tait. Il y a aussi des avantages [à garder la publicité]. Ça maintient un lien étroit avec l’auditoire, les tendances du marché, les instincts d’affaires. »

Moins ou plus de contenu canadien à la télé ?

Radio-Canada demande un assouplissement de ses conditions de licence pour ICI Télé, sa chaîne généraliste francophone.

Depuis 2013, ICI Télé a l’obligation de diffuser au moins sept heures d’émissions canadiennes d’intérêt national par semaine en heures de grande écoute (de 19 h à 23 h). En pratique, ICI Télé en a diffusé 10 heures par semaine en 2019-2020. Radio-Canada aimerait diminuer son obligation à six heures par semaine pour ICI Télé. En contrepartie, Radio-Canada promet d’en diffuser au moins huit heures par semaine sur l’ensemble de ses plateformes (ICI Télé et sa plateforme numérique ICI Tou.tv). Comme le CRTC ne réglemente pas pour l’instant les plateformes numériques de diffusion, cet engagement ne serait pas une condition de licence.

Radio-Canada estime que cette approche réglementaire permet de « suivre [ses] auditoires » et de mieux représenter les habitudes d’écoute. « Nous n’essayons pas de réduire nos obligations. Nous sommes le diffuseur avec le maximum d’obligations dans le système. C’est normal, on a le privilège d’avoir des fonds publics », dit Catherine Tait.

C’est la première fois depuis 2013 que le CRTC réévalue les conditions de licence de Radio-Canada. Les audiences se dérouleront virtuellement durant trois semaines. La PDG de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, témoignera virtuellement à partir d’Ottawa. Durant la pandémie, Mme Tait a effectué deux voyages à New York, où réside son mari, pour s’occuper de lui après une intervention médicale. Mme Tait a travaillé de New York du 29 mars au 8 juin, puis du 13 novembre au 27 décembre. Elle est revenue au pays le 27 décembre et indique respecter la quarantaine obligatoire. La loi prévoit que la PDG de CBC/Radio-Canada doit être une citoyenne canadienne résidant habituellement au Canada. Mme Tait réside à Ottawa depuis sa nomination à Radio-Canada en 2018. De 2001 à 2018, elle résidait à New York, mais sa société de production était à Toronto.