Le gouvernement Legault envisage d’aider financièrement les médias d’information, aux prises avec des revenus de publicité en chute de façon importante depuis le début de la crise du coronavirus au Québec, il y a une semaine.

Dans sa conférence de presse quotidienne, le premier ministre du Québec, François Legault, a décrit vendredi les médias comme un « service essentiel » dans le contexte de pandémie actuel.

« Je sais que [pour] les médias, c’est difficile financièrement, a dit M. Legault. Les revenus publicitaires sont en baisse, étant donné qu’il y a beaucoup de commerces qui sont fermés. Donc, on est en train de regarder ce qu’on peut faire parce que c’est vraiment un secteur qui est critique pour les prochaines semaines, les prochains mois. »

Il faut continuer, on a besoin de vous autres [les médias] pour informer la population. C’est un service essentiel.

François Legault

Un « service essentiel » qui pourrait vite tomber en difficultés financières.

La nouvelle Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2I, l’ancien Groupe Capitales Médias) a vu ses revenus publicitaires chuter d’environ 50 % cette semaine. « Certaines campagnes publicitaires sont reportées, on peut penser qu’on va en rattraper [un certain nombre]. Heureusement, le gouvernement commence à déployer ses campagnes publicitaires, ce qui compense en partie », dit Stéphane Lavallée, directeur général de CN2I, qui regroupe six quotidiens, dont Le Soleil, à Québec, et Le Droit, en Outaouais.

CN2I ne s’en cache pas : pour « passer à travers » la crise du coronavirus, la coopérative pourrait devoir réduire les heures de ses employés ou faire des mises à pied temporaires. « On jongle avec des réductions d’heures ou des mises à pied temporaires peut-être si ça devient inévitable. On attend de voir comment les gouvernements décident de venir en aide de façon particulière à la presse compte tenu du rôle essentiel des médias d’information », dit M. Lavallée.

Plus tôt cette semaine, le magazine culturel Voir a mis à pied 5 employés, et le journal abitibien Le Citoyen, 24 de ses 28 employés, selon Radio-Canada.

Les journalistes du magazine Les Affaires sont passés d’un horaire de travail de cinq à quatre jours par semaine. Le Groupe Contex, propriétaire des Affaires, a mis à pied temporairement 40 de ses 100 employés – tous des employés affectés à l’organisation de conférences d’affaires, qui ont été reportées en raison du virus. Métro Média, qui possède le quotidien gratuit Métro et 26 hebdos, a réduit son budget de pige.

À Ottawa, le gouvernement Trudeau, qui souligne « le rôle essentiel des médias », suit également de près la situation.

« J’ai pu m’entretenir avec différentes organisations médiatiques cette semaine. Les nouvelles données reliées aux revenus publicitaires sont actuellement étudiées et prises en compte par le gouvernement », a indiqué par courriel le ministre fédéral du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault.

Je suis pleinement conscient que les difficultés que ce secteur rencontre sont amplifiées par la crise actuelle reliée à la COVID-19.

Steven Guilbeault, ministre fédéral du Patrimoine canadien

« Nous sommes conscients que nous vivons des situations totalement inédites qui nécessitent des mesures exceptionnelles, et ce, pour l’ensemble de la société. »

Des médias en péril ?

L’avenir de certains médias d’information est-il en péril si la crise se poursuit durant plusieurs mois ?

« Oui, si on n’arrive pas à trouver des économies dans nos activités et si on n’a pas une aide [gouvernementale] de quelconque façon. Nos capacités de réduire nos coûts fixes sont assez limitées », dit le directeur général de CN2I.

La coopérative CN2I, le quotidien Le Devoir et le syndicat de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) demandent trois types d’aide gouvernementale à Québec et à Ottawa.

Premièrement, investir massivement en publicités gouvernementales dans les médias d’information québécois, au lieu des plateformes numériques étrangères comme Facebook et Google.

Deuxièmement, verser dès maintenant les crédits d’impôt sur la masse salariale pour l’année 2019, au lieu d’attendre au mois d’août – ce qui aiderait le niveau de liquidités des médias.

Troisièmement, un programme d’aide financière d’urgence pour pallier une partie de la perte des revenus publicitaires des prochains mois. Ailleurs dans le monde, les médias touchés par la crise voient leurs revenus publicitaires diminuer entre 18 % et 30 %, selon un rapport de l’International News Media Association.

On demande à Québec et à Ottawa de faire ce qu’il faut pour maintenir ce service qu’eux-mêmes qualifient d’essentiel.

Pascale St-Onge, présidente de la Fédération nationale des communications

« On souffre, mais on n’est pas en train de crier à l’aide, car plus des deux tiers de nos revenus proviennent de l’abonnement, dit pour sa part Brian Myles, directeur du Devoir. On est capables d’absorber le choc pendant un bout, mais pas éternellement. »

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) demande au gouvernement d’intervenir financièrement, et aux entreprises québécoises qui placent encore de la publicité de le faire dans des médias d’information québécois. « C’est l’hécatombe [sur le plan des revenus publicitaires]. J’ai l’impression qu’on joue notre survie. Tout dépend du temps que va durer la crise. Si ça se prolonge six mois, un an, ça va être horrible », dit Michaël Nguyen, président de la FPJQ.

Radio-Canada et La Presse n’ont pas voulu commenter ce dossier. Québecor/Groupe TVA n’a pas rappelé.