L’achat de V permet peut-être à Bell d’ajouter une chaîne généraliste francophone à son portefeuille, mais il faudra vraisemblablement du temps au conglomérat avant de redresser les finances de sa plus récente prise.

En dévoilant mardi les motifs de son feu vert donné à la transaction le 3 avril dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a souligné, dans un document d’une cinquantaine de pages, que Bell reconnaissait que la « stabilisation financière » des stations V représentait un « défi » et que la rentabilité se ferait attendre.

L’organisme fédéral estimait que les stations V avaient besoin d’un acquéreur de « grande envergure » et « solide financièrement » afin d’absorber les pertes.

« En raison de plusieurs facteurs, dont l’érosion des revenus publicitaires à l’extérieur du marché de Montréal, la pérennité des stations est menacée et leur survie dans certaines régions est incertaine », souligne le CRTC, en ajoutant que Bell voudrait assurer leur survie puisque V constituerait une « pièce importante de ses activités au Québec ».

L’achat de V par Bell, dont la clôture a eu lieu vendredi dernier, vient ouvrir un autre front dans sa rivalité avec Québecor, qui s’était vivement opposé à la transaction. Au petit écran, les deux conglomérats s’affrontaient déjà dans certains créneaux spécialisés, dont le sport, mais dans la langue de Molière, Bell ne possédait pas une chaîne généraliste, contrairement à son rival, propriétaire de TVA.

Certains analystes avaient estimé que Bell avait payé entre 20 millions et 30 millions pour V.

Dans son document, le CRTC note que les revenus de V avaient plongé de 41 % depuis 2016 pour s’établir à 37,7 millions l’an dernier. Les pertes cumulatives avant intérêts et impôts des trois dernières années ont atteint 16,4 millions, dont 9,9 millions uniquement pour l’exercice 2018-2019.

« Étant donné la situation économique actuelle qui nous touche tous, il est difficile de faire des prévisions précises pour le moment, mais nous nous concentrons sur l’atteinte de la rentabilité dans un horizon de 5 ans », a souligné par courriel une porte-parole de Bell, Caroline Audet, en réponse aux remarques du CRTC.

Si la rentabilité risque de se faire attendre chez V, l’organisme fédéral entrevoit néanmoins une amélioration des revenus grâce à la diversification du conglomérat, « qui permettra aux annonceurs de faire des campagnes publicitaires sur de nombreuses plateformes ».

Le CRTC avait imposé une série de conditions en donnant son aval à la transaction. Bell Média devra notamment diffuser, sur une base hebdomadaire, cinq heures de programmation locale à Montréal et Québec — un seuil qui grimpera à 8 h 30 en 2021-2022 — ainsi qu’à Trois-Rivières, Saguenay et Sherbrooke.

En plus des stations V, Bell avait mis la main sur le service de vidéo sur demande Noovo.ca et le site 25 Stanley. Groupe V Média avait conservé les chaînes spécialisées Max et Elle Fictions — qui a remplacé MusiquePlus. L’entreprise est contrôlée par Maxime Rémillard, alors qu’Investissement Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Fonds de solidarité FTQ détiennent conjointement 45 %.

Dans un courriel, Québecor a réitéré qu’elle considérait « toujours que l’acquisition des stations V par Bell n’est pas dans l’intérêt public et qu’elle engendrera de lourdes conséquences sur l’industrie ».

Mardi, le conglomérat a indiqué avoir soumis une demande afin « d’annuler ou de renvoyer au CRTC la décision rendue pour réexamen et nouvelle audience ». Cela s’ajoute à sa requête déposée auprès de la Cour fédérale d’appel le 30 avril visant à demander un contrôle judiciaire et l’autorisation d’en appeler de la décision du CRTC.

Dans le marché québécois, en plus de ses 25 stations radiophoniques, Bell est aussi propriétaire de RDS, Canal D, Canal Vie, Z, VRAK, Investigation, Super Écran, Cinépop et la chaîne anglophone CTV Montreal.