Bell demande au CRTC de se pas se laisser influencer par le plaidoyer de Québecor et de lui permettre d’acheter la chaîne de télé généraliste V. Bell estime que Québecor tente « d’écraser toute concurrence potentielle » en télé francophone.

« Québecor s’est présenté à cette audience et a réclamé le rejet de notre demande. Elle a traité Bell de "danger public", de "prédatrice" et a qualifié nos pratiques "d’abusives". L’opposition de Québecor, le leader du marché, est une tentative d’écraser toute concurrence potentielle à son seul avantage et au détriment du public québécois et du système de radiodiffusion canadien », a indiqué jeudi matin Karine Moses, présidente de Bell au Québec, dans le cadre des audiences publiques du CRTC sur l’achat de V par Bell. La transaction doit être approuvée par l’organisme réglementaire fédéral.

Avec l’achat de V, Bell Média deviendrait le deuxième joueur le plus important au petit écran québécois avec 22 % des parts de marché, derrière Québecor (38 %), mais devant Radio-Canada (18 %). Bell est la plus importante entreprise de médias au pays ; elle est numéro un dans le marché anglophone. Avec l’achat de V, elle serait la seule entreprise média au pays à posséder des chaînes spécialisées et une chaîne généraliste à la fois en français et en anglais.

Québecor s’oppose fortement à cette transaction. Son président et chef de la direction Pierre Karl Péladeau a traité Bell de « danger public » et a appelé à son démantèlement devant le CRTC lors de son passage aux audiences publiques mercredi.

Bell fait plutôt valoir que l’achat de V lui permettrait d’avoir une « concurrence honnête » avec TVA et Radio-Canada. Propriété de Maxime Rémillard depuis une dizaine d’années, V (anciennement TQS) est la troisième chaîne généraliste en importance au Québec et perd environ 3,5 millions de dollars par an. Bell a conclu une entente pour acheter V pour le prix de 30 millions de dollars, mais la transaction doit être approuvée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

« Le [CRTC] ne devrait pas se laisser influencer par la campagne de désinformation que Québecor a déployée sur toutes ses plateformes médiatiques. La présente acquisition apportera une plus grande diversité dans le marché québécois et une nouvelle voix éditoriale », a indiqué Karine Moses, présidente de Bell au Québec lors de la réplique de Bell jeudi devant le CRTC.

En vertu de sa politique sur la diversité des voix, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) approuve de façon générale les transactions tant qu’une entreprise ne détient pas plus de 35 % des parts de marché. Dans ce cas-ci, l’achat de V par Bell ne semble pas poser problème : Bell aurait des parts d’écoute de 22 % en télé francophone avec l’achat de V, comparativement à 37 % pour le Groupe TVA/Québecor (selon les données fournies par Bell).

Québecor veut toutefois que la transaction soit évaluée dans un contexte plus global au Canada, où Bell est le joueur le plus important. Québecor soutient que Bell sera alors être la seule entreprise qui pourra acquérir des séries télé ou des droits sportifs dans les deux langues pour ses chaînes spécialisées et généralistes.

Bell n’est pas d’accord avec cette analyse de Québecor. « Les faits ne mentent pas. Contrairement à ce que Québecor prétend, il existe un marché distinct pour la télévision de langue française au Canada. Les stratégies de programmation sont complètement différentes et les émissions originales sont la base du succès au Québec », dit Karine Moses, présidente de Bell au Québec.

Bell a donné deux exemples pour rassurer le CRTC. Premièrement, TVA Sports et Rogers ont acquis les droits de diffusion nationaux de la Ligue nationale de hockey pour 12 ans même s’ils étaient en concurrence avec Bell Média (TSN et RDS). Aussi, le Groupe TVA a obtenu les droits francophones pour Game of Thrones, alors que Bell a obtenu les droits anglophones pour Crave.

« Le fait que Bell Média exploite des actifs hors Québec n’a aucune incidence sur nos activités dans le marché québécois. Cet argument est soulevé par Québecor uniquement dans le but de détourner l’attention de sa propre dominance au Québec. La portée nationale n’est pas pertinente pour le marché québécois. Tout ce qui compte, ce sont les propriétés au Québec. À cet égard, Québecor est le chef de file de notre industrie et domine en parts de marché et en parts commerciales », dit Karine Moses, présidente de Bell au Québec.

Québecor fait aussi valoir qu’il pourrait y avoir d’autres acheteurs intéressés à V, dont Rogers et Corus. Le propriétaire de V, Maxime Rémillard, a réfuté cette hypothèse jeudi matin. Après avoir mené un « processus sérieux » pour vendre V, Maxime Rémillard a indiqué qu’un « seul partenaire sérieux s’est manifesté », soit Bell. « Il m’apparaît important de vous réitérer qu’aucune avenue n’a été écartée [pour l’avenir de V] », a dit Maxime Rémillard.

Le CRTC doit rendre sa décision au cours de prochains mois à savoir s’il approuve l’achat de V par Bell. En théorie, le gouvernement Trudeau peut ensuite réviser la décision du CRTC, mais le gouvernement fédéral a rarement utilisé ce pouvoir par le passé. Selon Bell, la transaction n’a pas à être approuvée par le Bureau de la concurrence.