(Québec) Une taxe à imposer aux géants américains du web a fait consensus parmi la trentaine d’intervenants entendus cette semaine à la commission parlementaire qui se penchait sur l’avenir des médias.

Les uns après les autres, experts, professeurs d’université et surtout dirigeants d’entreprises de presse ont défilé devant les élus pour constater que les médias voyaient fondre leurs revenus publicitaires depuis des années, au profit des plateformes numériques étrangères connues sous l’acronyme GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

C’est là « le nœud du problème » et une taxe apparaît être la solution à implanter au plus tôt, a répété vendredi en point de presse la députée libérale de Verdun, porte-parole en culture et communications, Isabelle Melançon.

Elle entend bien faire pression sur le premier ministre François Legault pour qu’il prenne conscience de l’urgence de la situation, sans attendre l’approbation du gouvernement fédéral ni le rapport que doit produire en 2020 l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur cette question.

« On ne peut pas être à la solde d’Ottawa, comme le propose François Legault. On peut prendre le leadership, mais encore faut-il qu’il y ait une volonté politique », a commenté la députée, convaincue que le Québec pourrait ainsi renflouer les coffres des médias en difficulté.

Un rapport sera déposé par les membres de la commission au gouvernement, qui s’est engagé à présenter un plan d’action dès cet automne.

« La taxation n’est pas la seule solution » à privilégier pour sauver l’ensemble des médias ou pour atténuer l’impact des GAFAM sur la santé financière de la presse, a nuancé le député caquiste de Beauce-Sud, Samuel Poulin, un des membres de la commission chargée d’écouter les recommandations des intervenants pendant les cinq derniers jours. Deux jours supplémentaires d’auditions sont prévues en septembre dans deux régions (le Bas-Saint-Laurent et l’Abitibi).

D’autres avenues seront à explorer, a-t-il ajouté, comme la responsabilité du gouvernement lorsque vient le temps de répartir son budget de publicité entre médias traditionnels et plateformes web étrangères.

Jean-Hugues Roy, enseignant de journalisme à l’UQAM, a dit qu’il faudrait aller plus loin et obliger les géants du web à divulguer les données « qu’ils possèdent sur nous ».

Il est aussi d’avis que le gouvernement devrait dorénavant considérer « les contenus journalistiques comme des produits culturels », donnant ainsi accès à de nouvelles sources de financement.

L’ancien directeur du Devoir, désormais associé au conseil d’administration du Centre de recherche sur les médias de l’Université Laval, Bernard Descôteaux, a résumé la situation pour dire que les médias étaient « au bord du gouffre ».

Cette situation « que l’on peut qualifier de critique » justifie une intervention de l’État « envisagée à long terme » pour assurer aux Québécois l’accès à des sources d’information de qualité, peut-on lire dans son mémoire, présenté conjointement avec la professeure Colette Brin, de l’Université Laval.

Ils rappellent que l’information est un bien public qui doit profiter au plus grand nombre de citoyens.

« Créer des contenus de qualité exige des moyens qui aujourd’hui font défaut aux médias », écrivent-ils, en raison de « la montée en puissance » des géants du web.

Comme plusieurs autres intervenants avant eux, ils ont proposé au gouvernement d’instaurer un crédit d’impôt remboursable sur la masse salariale, qui serait destiné à la production de contenu journalistique.

La commission avait pour mandat de proposer des mesures pour assurer la survie des médias, aux prises avec une crise financière sans précédent, et identifier un nouveau modèle d’affaires mieux adapté à l’environnement numérique.