(Ottawa) Le Parti conservateur maintient son opposition au programme d’aide aux médias de 595 millions de dollars sur cinq ans mis sur pied par le gouvernement Trudeau « parce qu’il choisit des gagnants et des perdants ».

Si elle prend le pouvoir aux élections fédérales du 21 octobre, la formation ne compte pas mettre en œuvre ce programme, selon le député conservateur Gérard Deltell, parce qu’il ne permettrait pas de régler le problème de fond de la crise que vit actuellement la presse écrite.

Les graves difficultés financières qu’éprouve le Groupe Capitales Médias, qui s’est placé sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers la semaine dernière, ne changent pas forcément la donne.

« Ce n’est pas quelque chose que l’on regarde positivement, une aide directe du gouvernement pour les médias. Quand le gouvernement fédéral choisit les gagnants, les perdants ne sont pas contents, et on le voit actuellement », a affirmé hier M. Deltell. 

Depuis que le gouvernement a déposé son offre de 600 millions, il y a des gens qui ont dit que ce n’était pas assez et d’autres qui ont dit que ce n’était pas assez équilibré.

Le député conservateur Gérard Deltell

« Tant et aussi longtemps que le gouvernement choisit les gagnants, ce n’est pas une bonne approche. Donc le cas présent, ce ne sera jamais suffisant parce qu’on ne s’attaque pas vraiment à la racine du problème, qui est la gratuité de l’accès à l’information », a-t-il poursuivi.

Le Devoir cité en exemple

Lui-même ancien journaliste au réseau TQS avant de faire le saut en politique, M. Deltell a soutenu que le quotidien Le Devoir a démontré qu’il est possible de réussir en misant sur les abonnements, en instaurant un verrou d’accès payant (« mur payant » ou paywall) sur son site internet et en obtenant des dons de ses lecteurs.

« Le Devoir a une approche différente. Presque les trois quarts de l’argent viennent de l’argent que les gens souscrivent pour un abonnement, sans compter les contributions volontaires de 2 millions de dollars que le journal a reçues depuis quatre ans. Il n’y a pas de solution magique. Mais c’est clair que cela passe d’abord et avant tout par une autodiscipline des médias », a affirmé M. Deltell.

Interrogé quant à savoir si un gouvernement conservateur mettrait fin au programme d’aide fédéral, M. Deltell a déclaré : « Nous n’avons jamais applaudi ce programme, comme on l’a déjà dit clairement et publiquement. » 

Nous avons une vision différente. Nous, on estime que dès que le gouvernement met un doigt dans l’engrenage, ça devient un puits sans fond.

Gérard Deltell

Quand le plan d’aide a été annoncé, l’automne dernier, par le ministre des Finances Bill Morneau, certains élus conservateurs ont accusé le gouvernement Trudeau de tenter d’acheter les médias en prévision de la campagne électorale. « Trudeau vient de nationaliser le nouveau journalisme », avait notamment lancé la députée albertaine Michelle Rempel sur les réseaux sociaux. « Tout journaliste qui prend cet argent ne sera dès lors plus indépendant. Ici donc meurt le journalisme », avait-elle ajouté sur son compte Twitter.

Trois mesures

Le plan d’aide du gouvernement fédéral comporte trois mesures. Il offre un crédit d’impôt sur la masse salariale remboursable de 25 %, assujetti à un plafond de 55 000 $. Cela équivaut à un crédit maximum annuel de 13 750 $ pour chaque employé d’une entreprise de presse écrite. Cette mesure est rétroactive au 1er janvier 2019. Les entreprises pourront obtenir la somme découlant de ce crédit d’impôt sur la masse salariale au moment de soumettre leurs déclarations de revenus de 2020.

Le plan fédéral permet aussi aux entreprises de presse d’émettre des reçus fiscaux aux personnes et aux sociétés qui lui accordent un don pour financer leurs activités. Cette mesure sera offerte aux entreprises qui obtiennent des dons, sans exception, a-t-on expliqué hier. Enfin, il met sur pied un nouveau crédit d’impôt non remboursable de 15 % pour encourager les abonnements aux médias d’information numériques canadiens.

Un nouveau gouvernement pourrait abolir ce programme par une décision du cabinet.