Coincé entre des redevances jugées insuffisantes, la concurrence « inéquitable » des géants étrangers comme Netflix et le déclin de la télédistribution, Pierre Karl Péladeau lance ce qu'il qualifie de « wake-up call » à Ottawa.

« Si on veut maintenir un écosystème fort, il faut sérieusement prendre le pouls de la réalité, et le pouls de la réalité, c'est la déréglementation », a déclaré le président et chef de la direction de Québecor en point de presse ce mardi midi.

Deux chaînes visées

Comme il l'avait fait un peu plus tôt lors d'un discours prononcé à l'invitation du Conseil des relations internationales de Montréal, M. Peladeau a fustigé devant les journalistes le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

« Qui sont ces commissaires qui ne sont pas élus et qui n'ont pas nécessairement une compétence en télévision, pour déterminer que telle chaîne vaut tel tarif ? Laissez le consommateur décider ! »

Il a notamment tourné en dérision le fait que les télédistributeurs comme Vidéotron sont obligés d'offrir certaines chaînes peu populaires dans leur forfait de base. « Qui regarde CPAC ici, tous les soirs ? a-t-il demandé à l'auditoire réuni à l'hôtel Bonaventure. Ah, il y en a un ! Il est courageux ! » Quant à Météomédia, « c'est une très bonne chaîne, mais il n'y a personne qui regarde ça à la télévision. Tout le monde regarde la météo sur son téléphone. Nous, on paie encore une redevance à Météomédia alors qu'il y a très peu de personnes qui la regardent. »

Perte d'abonnés

Si Netflix devait offrir un forfait de base à 25 $, a-t-il souligné, il perdrait vraisemblablement des abonnés. « Plus vous augmentez vos tarifs, plus vous êtes susceptible d'être moins compétitif [...] Si on demande à un abonné de trop payer, c'est comme un contribuable qui en a marre : il va déménager, il va aller ailleurs. »

Tableaux à l'appui, M. Péladeau avait peu avant longuement décrit la crise que vit la télévision traditionnelle, ébranlée par ce qu'on appelle les « services par contournement », ou OTT en anglais, soit la télévision numérique accessible par l'internet. Ainsi, 48 % des Canadiens de moins de 35 ans ont abandonné leur service de télédistribution ou n'en ont jamais eu. Chez les Québécois de ce groupe d'âge, 61 % sont abonnés à Netflix.

Parallèlement, les chaînes spécialisées de TVA, comme TVA Sports, LCN, CASA et Yoopa, ont bouclé l'année 2018 avec une perte de 6 millions. M. Péladeau est revenu à la charge contre les redevances qu'il estime injustes et qui favoriseraient Bell. « Nous avons chez TVA une part de marché plus importante que celle de notre concurrent. Regardez nos redevances : c'est la moitié... C'est quoi ce système où on ne récompense pas l'innovation et le succès ? Laissez les hommes et les femmes choisir. »

M. Péladeau s'est défendu de demander l'abolition pure et simple du CRTC. « Non, je pense qu'il va toujours y avoir besoin d'une autorité réglementaire [...] Ce que je demande, c'est que l'autorité réglementaire comprenne qu'elle doit se retirer du champ de la réglementation [...] Les réalités de la télévision numérique sont telles que ça requiert, excusez-moi l'expression, un "wake-up call". Il n'a pas eu lieu encore du côté du CRTC. »