Groupe TVA doit procéder à d'importantes compressions budgétaires visant à réduire ses charges opérationnelles et abolira 68 postes.

Le Groupe TVA annonce l’abolition de 68 postes afin de répondre à ce que l’entreprise qualifie de contexte de « haute pression » pour le secteur de la télévision privée.

À l’instar du président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, l’entreprise invoque les « nombreuses iniquités qui fragilisent l’industrie télévisuelle depuis plusieurs années ».

La filiale de Québecor n’a pas donné de précision sur la nature des emplois touchés ou le calendrier des départs.

Selon les informations obtenues par La Presse canadienne, toutefois, les compressions viseraient cinq postes syndiqués et 63 postes d’employés non syndiqués et de cadres. La ventilation de ces emplois au sein de l’entreprise demeure inconnue pour l’instant. Dans un échange de courriels, la direction de l’entreprise n’a voulu ni confirmer ni infirmer ces détails, mais a précisé que tous les secteurs de TVA sont affectés par les compressions.

Le président du syndicat des employés de TVA, Carl Beaudoin, a lui-même fait part de son ignorance quant à la ventilation des emplois concernés. Il a toutefois précisé que les compressions au sein de ses membres ne visaient pas la salle de nouvelles ni les régions.

« Sommes-nous surpris ? La réponse est non. Est-ce qu’on s’y attendait ? On espérait que non, mais oui on avait toujours des craintes effectivement, compte tenu de toute la campagne qui s’est faite dans les médias avec M. Péladeau, le débat avec le CRTC, toute l’histoire des redevances, etc. », a-t-il confié en entrevue.

« Urgence d’agir »

La présidente et chef de la direction de Groupe TVA, France Lauzière, a précisé par voie de communiqué que « le statu quo actuel affaiblit notre industrie, nuit à notre culture et nous accule au pied du mur » et que la décision de « faire des choix difficiles » vise à « assurer notre survie ».

Elle rappelle que l’entreprise a « dénoncé à maintes reprises l’urgence d’agir » et dit espérer que ce « cri d’alarme incite les gouvernements et le CRTC à prendre rapidement les mesures qui s’imposent » pour corriger les « incohérences d’un système de radiodiffusion désuet ».

Ainsi, comme l’avait fait Pierre Karl Péladeau devant les tribunaux récemment et devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, l’entreprise revient à la charge pour dénoncer les tarifs qu’elle reçoit de Bell pour TVA Sports. Elle s’en prend également à la concurrence de Radio-Canada, dont le mandat, selon TVA, « doit être recentré afin qu’il soit en complémentarité avec l’offre de contenus des diffuseurs privés » plutôt que de se placer « en compétition directe avec les entreprises privées, sans même contribuer au Fonds des médias du Canada ».

Concurrence déloyale des géants du web

Groupe TVA s’en prend également à la réglementation qui, dit-on, « doit être allégée […] de façon à ce qu’elle puisse concurrencer plus équitablement Google, Facebook et les autres joueurs étrangers, qui accaparent 80 % des revenus publicitaires en ligne au pays ».

On réclame également une révision de la Loi sur le droit d’auteur « afin de contraindre les géants comme Google News, Facebook ou Apple News, qui diffusent du contenu journalistique, à payer leur juste part aux éditeurs de presse dont TVA Nouvelles », une demande qui est portée par la plupart des médias d’information au pays, tout comme celle d’imposer la taxe de vente et l’impôt sur le revenu à Netflix, « tout comme aux autres entreprises, qu’elles soient domestiques ou étrangères, physiques ou virtuelles ».

Changements en vue ?

À Ottawa, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, s’est dit très attristé par cette nouvelle, mais nullement surpris.

Après avoir blâmé les conservateurs pour leur inaction lorsqu’ils étaient au pouvoir, il a fait valoir que son gouvernement « travaille pour moderniser la loi sur la radiodiffusion et les télécommunications ».

Coïncidence, il y a un an jour pour jour, le gouvernement Trudeau mettait sur pied un comité d’experts justement mandaté de lui faire des recommandations en vue de moderniser les lois encadrant ces secteurs. Le panel de sept experts, parmi lesquels on retrouve l’ex-présidente de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), Monique Simard, et l’expert en droit des médias Pierre Trudel, de l’Université de Montréal, doit aussi revoir le mandat de Radio-Canada ainsi que le rôle et les pouvoirs du CRTC.

Pablo Rodriguez a d’ailleurs précisé qu’il attend « un premier rapport d’ici quelques semaines, ce qui va faire en sorte qu’on va pouvoir par la suite légiférer, que ce soit au niveau du CRTC […] ça va toucher tout le monde, Radio-Canada, le milieu, l’industrie. C’est un travail de fond qui se fait actuellement. »

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pablo Rodriguez.

« Les lois qui aujourd’hui régissent nos systèmes de communication et de radiodiffusion prédatent l’internet. Quand elles ont été mises sur pied, ces lois-là, il n’y avait même d’internet. C’est avec ça qu’on gère aujourd’hui, ça rend les choses extrêmement compliquées et c’est pour ça qu’on a mis un panel d’experts sur pied », a-t-il rappelé.

Cependant, le panel dispose d’un an et demi pour lui formuler des recommandations, ce qui veut dire que son rapport final ne sera pas présenté avant les prochaines élections fédérales, prévues pour octobre 2019.