« C’est risqué, c’est sûr », laisse tomber Louis Morissette au bout du fil.

« Mais les risques, ça se gère. »

Il est jeudi après-midi, et l’humoriste, comédien et homme d’affaires qui a fondé plusieurs entreprises, dont une de production télé et une maison d’édition, KO Média, me confirme enfin officiellement la nouvelle : son entreprise vient d’acheter les droits pour publier les magazines ELLE Québec et ELLE Canada

Alors que partout on ne parle que de la chute de l’imprimé, de la crise des médias, de la quête difficile de nouveaux modèles d’affaires pour faire vivre les magazines, journaux et compagnie, KO, l’éditeur de Véro, Cuisine futée, K pour Katrine, etc., se lance la tête première dans un nouveau projet.

Impossible de savoir combien tout ça a coûté, mais on se doute que ça ne devait pas être une somme délirante, vu l’instabilité, l’incertitude au sein du monde des médias, où le marché de la publicité n’est plus ce qu’il était. 

Vu de loin, KO ressemble dans ce cas à celui qui relève les paris impossibles, répare, rénove, relance. Comme on fait avec de vieilles maisons et des marques oubliées.

ELLE Québec et ELLE Canada sont des magazines installés ici depuis la fin des années 80, en version mensuelle. La marque ELLE vient de France, où on publie l’hebdomadaire éponyme. La marque, le concept du magazine, est commercialisée en franchise dans plusieurs pays par son propriétaire, Lagardère. Ce sont les gens de ce géant de l’édition qui ont approché KO et l’associée, directrice générale et éditrice des publications de KO Média, Sophie Banford, pour leur demander si la petite entreprise aimerait reprendre les titres dont TVA Publications ne voulait plus. 

Les ELLE faisaient partie des magazines de Transcontinental quand l’ensemble de ces publications ont été vendues à TVA Publications, en 2015. Depuis quatre ans, les ELLE étaient donc dans la famille Québecor.

L’offre s’est avérée intéressante, m’a expliqué hier Louis Morissette. Notamment parce que la marque est déjà établie. « C’est une marque qui n’a pas perdu son lustre », ajoute Sophie Banford. « Elle résonne encore. »

Mais s’enfoncer dans l’imprimé en 2019 ? Vraiment ?

« Nous, on y croit », répond Morissette. « Notre modèle d’affaires est très différent de celui des gros acteurs. » Surtout, dit-il, parce que les équipes sont petites. On parle d’agilité, de proximité. Aussi d’attentes raisonnables sur la profitabilité. La société n’est pas dans la gestion, souvent coûteuse, de sa décroissance, comme les autres grands acteurs de l’imprimé. Au contraire, KO bâtit à partir de rien, avec de nouveaux magazines comme Édition Papier ou K pour Katrine. Sauf que construire des marques, c’est long et c’est cher, dit l’homme d’affaires.

D’où l’intérêt d’acheter une marque qui a déjà de la notoriété, comme ELLE.

« Et l’imprimé, ce n’est pas terminé, c’est encore 75 % de notre business », ajoute Sophie Banford. « On est en croissance depuis trois ans. On croit au contenu. On est persuadés que quand on offre du bon contenu, les gens sont quand même au rendez-vous. »

Les chiffres, qu’on ne veut pas dévoiler, montreraient, en outre, la présence d’un noyau solide d’abonnés loyaux. 

« Et regardez Marilou : ça marche bien. Et Ricardo tire très bien son épingle du jeu. Et c’est vrai au Canada anglais aussi. L’imprimé est toujours là. » 

Et il y a, en plus, avec la marque ELLE, des occasions de croissance du côté du numérique.

Donc avis aux intéressés : KO médias embauche. Ici et à Toronto.

« Et le papier marche encore aussi du côté des livres », ajoute l’éditrice. Les livres de recettes, les biographies. 

« C’est sûr que pour les journaux à potins, c’est moins intéressant », dit Louis Morissette. « Les gens peuvent tout trouver sur Instagram ou Facebook. Un écrémage naturel va se faire. »

Mais les chiffres du marché montrent que le livre est en croissance : 5 % de plus de ventes en 2017 au Québec.

L’avenir du papier n’est pas tout bouché, insiste KO. 

Et l’entreprise a bien l’intention de bien nous le démontrer.