Alors que la récession nous guette, les marchés financiers font comme si le pire était passé et que les taux d’intérêt vont bientôt se mettre à redescendre. Erreur, selon Desjardins.

« Les marchés sont trop optimistes », estime l’économiste en chef de Desjardins, qui a actualisé ses prévisions économiques lors d’une visioconférence. « Les taux d’intérêt ne vont pas baisser rapidement parce que les banques centrales vont vouloir s’assurer que l’inflation ne resurgira pas. Leur crédibilité est en jeu », souligne-t-il.

Le S&P 500 est en hausse de 5 % depuis le début de l’année, observe-t-il, ce qui reflète un optimisme exagéré quant à la rentabilité des entreprises et à la probabilité que les taux redescendent bientôt.

Ça n’arrivera pas, selon lui. Les conditions économiques devraient empirer avant de s’améliorer. Desjardins révise ses prévisions en ce début d’année où les signaux contradictoires s’accumulent.

Le scénario idéal d’un atterrissage en douceur de l’économie après le choc pandémique est d’ailleurs un peu plus probable en ce début d’année au Canada et ailleurs dans le monde, croit l’économiste de Desjardins, comme plusieurs de ses pairs.

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L’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean

La crise énergétique qu’on appréhendait pour l’Europe n’a pas eu lieu, et la réouverture spectaculaire de l’économie chinoise change la donne, précise-t-il. Mais l’impact des hausses des taux d’intérêt continuera de se faire sentir au cours des prochains mois, ce qui freinera davantage la croissance, dit Jimmy Jean.

Le mystère de l’emploi

C’est l’évolution du marché de l’emploi qui fera la différence entre une récession légère ou une croissance très faible, selon lui.

« Il est grand, le mystère de l’emploi », souligne à la blague l’économiste de Desjardins. Pour le moment, le marché du travail reste solide des deux côtés de la frontière, alors que tous les autres indicateurs faiblissent.

L’économie américaine a même créé 517 000 emplois en janvier, alors qu’on en attendait 188 000. Ce sont des chiffres étonnants, qui ne donnent probablement pas une bonne idée du ralentissement réel de l’économie américaine, où les mises à pied s’accumulent, estime Jimmy Jean.

Au Canada, le taux de chômage devrait commencer à augmenter dans les prochains mois, pour atteindre 7 %. Il atteindrait 5,6 % au Québec d’ici la fin de l’année.

L’économie du Québec a déjà un pied dans la récession, alors que dans l’ensemble du Canada, le produit intérieur brut (PIB) se maintient toujours en territoire positif. Le Québec souffrira-t-il davantage de la hausse rapide des taux d’intérêt ?

Non, estime Jimmy Jean. « J’ai l’impression que les statistiques du PIB ne donnent pas l’heure juste sur la situation économique ailleurs au pays », a-t-il expliqué lors d’un entretien avec La Presse.

La différence tient probablement aux exportations, notamment dans le secteur de l’énergie, qui gonflent les chiffres du PIB, selon lui.

« Au Québec, comme en Ontario et en Colombie-Britannique, les dépenses des ménages ont ralenti considérablement, le secteur résidentiel corrige autant, bref, c’est la même histoire partout.

« On s’attendait à ce que le Québec soit plus résilient, à cause de l’épargne accumulée pendant la pandémie et d’un secteur immobilier moins vulnérable, rappelle Jimmy Jean. Les chiffres nous ont surpris. »

L’économie québécoise a reculé de 1,9 % au troisième trimestre 2022, et les trois derniers mois de l’année s’annoncent négatifs, ce qui correspond à la définition d’une récession (deux trimestres de recul consécutifs).

Avant de décréter officiellement le début d’une récession au Québec, Desjardins attend les dernières données et les révisions de fin d’année de Statistique Canada, qui sont fréquentes.

« On ne s’en sortira pas mieux [que l’Ontario et la Colombie-Britannique], croit maintenant son économiste en chef. On est dans le même bateau. »