(New York) La Bourse de New York a terminé jeudi en repli, soucieuse des risques de récession liés aux tours de vis monétaires de la Fed tandis que la saison des résultats commence.

L’indice Dow Jones a perdu 0,76 % à 33 044,56 points tout comme l’indice élargi S&P 500 à 3898,85 points tandis que le NASDAQ, à forte coloration technologique, a lâché 0,96 % à 10 852,27 points.

Les indices ont oscillé en zone rouge toute la séance, hormis notamment les actions liées à l’énergie (+1,11 %) alors que les cours du pétrole ont grimpé, dopés par la perspective d’une reprise de la demande chinoise.

Mais « un facteur “peur” demeure en toile de fond, nourri par l’inquiétude que la Banque centrale (Fed) ne relève trop fortement les taux » et ne provoque une récession, a indiqué à l’AFP Peter Cardillo de Spartan Capital.

Lael Brainard, gouverneur de la Fed, pourtant connue pour être davantage « une colombe » qu’un « faucon » en matière de politique monétaire, a redit dans un discours que la Banque centrale devrait « maintenir le cap » des taux élevés pour juguler l’inflation.

Même si l’inflation a ralenti, elle « reste élevée et il faudra du temps pour la ramener à 2 %. Nous sommes déterminés à garder le cap », a déclaré la responsable.

Les indicateurs macroéconomiques du jour se sont révélés mitigés avec un nouveau signe de faiblesse du marché immobilier, première victime de la hausse des taux.  

Les constructions de logements ont reculé de 1,4 % en décembre sur un mois après déjà une chute de 1,8 % le mois d’avant, un chiffre révisé en nette baisse. En outre, un rebond n’est guère en vue puisque les permis de construire, qui donnent une idée des futurs départs de chantier, sont aussi en baisse de 1,6 %.

Le marché du travail en revanche ne montre pas encore de signes flagrants de ralentissement, malgré des réductions d’effectifs annoncées dans le secteur de la technologie. Les demandes hebdomadaires d’allocations chômage ont été moins nombreuses la semaine dernière à 190 000 (-15 000).  

Longue bataille

Par ailleurs, le pays est entré dans ce qui risque d’être « une longue bataille » entre démocrates et républicains, selon les mots de Peter Cardillo, sur le plafond de la dette.  

Si l’État américain, premier emprunteur mondial, a encore les moyens financiers de payer ses obligations jusqu’en juin, le Trésor, qui n’a plus l’autorisation d’emprunt faute de feu vert du Congrès, doit jouer de mesures exceptionnelles pour faire durer sa trésorerie.

« Il y aura les financements au final, mais ce long bras de fer va peser sur les nerfs des investisseurs », a commenté l’analyste de Spartan Capital.

Du côté des entreprises, la saison des résultats a commencé avec Procter and Gamble, qui fait parie du Dow, et dont les résultats trimestriels ont déçu les investisseurs.

Le titre du fabricant de produits d’hygiène et de soins a terminé en baisse de 2,15 % à 142,37 dollars après avoir annoncé avoir réalisé un chiffre d’affaires de 20,8 milliards de dollars, soit 1 % de moins qu’un an plus tôt.  

Ce repli s’explique par la fonte du volume d’achats, qui a chuté de 6 % dans son ensemble, les consommateurs étant rebutés par l’augmentation de 10 % en moyenne des prix de ses produits comme les rasoirs Gillette ou les couches Pampers.

« Cela a pesé sur le Dow Jones », a commenté Peter Cardillo, ajoutant que les investisseurs étaient « soucieux » pour la suite des annonces de résultats de sociétés les deux prochaines semaines.

Le leader du streaming Netflix a conclu en chute de 3,23 % à 315,78 dollars en attendant la publication de ses résultats après la clôture du marché.

Ceux-ci se sont toutefois avérés meilleurs que prévu sur le plan du nombre d’abonnés avec 230,75 millions d’abonnés payants au dernier trimestre. L’action rebondissait fortement dans les échanges électroniques après la clôture, gagnant 3,63 %.

Microsoft a lâché 1,65 % à 231,93 dollars après avoir annoncé mercredi la suppression de 10 000 emplois, presque 5 % de ses effectifs.  

Dernier en date d’une série de grands noms de la technologie taillant dans leur masse salariale à l’instar d’Amazon, de Facebook ou de Salesforce, Microsoft dit réagir aux changements de priorité de ses clients et à leur « prudence » devant les risques de récession.

Les rendements obligataires sur les bons à 10 ans se sont légèrement tendus à 3,39 % au lieu de 3,36 %.

La Bourse de Toronto

La Bourse de Toronto a clôturé en baisse jeudi, mais les pertes des secteurs des technologies de l’information et de l’industrie ont été limitées par les gains des titres du groupe de l’énergie, pendant que les grands indices américains reculaient eux aussi.

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois a rendu 34,79 points pour terminer à 20 341,44 points.

Dans ce qui semble être le thème de la semaine en ce qui a trait aux données américaines, les chiffres sur les mises en chantier et les nouvelles demandes de prestations d’assurance-emploi, publiés jeudi, étaient tous deux plus faibles que prévu, et les marchés américains ont réagi négativement, a observé Kevin Headland, stratège en chef des investissements chez Gestion de placements Manuvie.

Pendant ce temps, les marchés canadiens ont résisté à la chute des marchés américains grâce à la hausse des prix du pétrole et des actions énergétiques, a-t-il noté.

La vice-présidente de la Réserve fédérale, Lael Brainard, a affirmé jeudi qu’avec le ralentissement de l’inflation aux États-Unis, les hausses de taux d’intérêt de la banque centrale pourraient finir par refroidir l’inflation sans causer de dommages importants au marché du travail. Alors que les observateurs s’attendent généralement à ce que la Banque du Canada annonce une hausse d’un quart de point de pourcentage de son taux directeur la semaine prochaine, le consensus est moins clair quant à savoir si la Fed annoncera la même hausse ou une hausse d’un demi-point de pourcentage un peu plus tard.

Alors qu’au cours des mois précédents, les marchés ont réagi positivement à tous les signes d’affaiblissement économique — les considérant comme un signal que les banques centrales pourraient ralentir leur campagne de resserrement —, le vent semble commencer à tourner en 2023, a indiqué M. Headland.

Les réactions des investisseurs s’éloignent du macroéconomique et reviennent au microéconomique, a-t-il précisé.

« Je pense que cette fois-ci, le marché commence à se rendre compte que c’est […] moins un problème avec la Fed et plus un problème avec la faiblesse économique, et peut-être le risque de récession, qui alimente l’environnement de croissance des bénéfices », a expliqué M. Headland.

Avec le sommet de l’inflation dans le rétroviseur, le prochain obstacle pour les marchés est cet environnement économique plus faible et une saison de résultats financiers trimestriels qui verra probablement beaucoup de différenciation entre les entreprises et les secteurs, a-t-il estimé.

Chaque publication économique, comme celle sur les ventes des détaillants canadiens, à venir vendredi, peint un portrait de plus en plus clair pour les investisseurs quant à la façon dont le marché se porte, a précisé M. Headland.

Et que l’image elle-même soit positive ou négative, avoir plus de clarté est une bonne chose, a-t-il fait valoir.

Sur le marché des devises, le dollar canadien s’est négocié au cours moyen de 74,23 cents US, en baisse par rapport à celui de 74,41 cents US de mercredi.

La Presse Canadienne