(Kyiv) Kyiv veut croire samedi que l’économie de la Russie sera détruite tôt ou tard par le plafonnement du prix de son pétrole, sur lequel se sont accordés la veille l’Union européenne, le G7 et l’Australie, afin de limiter les moyens de Moscou pour financer le conflit en Ukraine.

« Nous atteignons toujours notre objectif et l’économie de la Russie sera détruite, et elle paiera et sera responsable de tous ses crimes », s’est félicité sur Telegram le chef de cabinet de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak.

Les autorités ukrainiennes ont par ailleurs appelé la population civile à « tenir » face aux nombreuses coupures de courant qui rythment désormais leur vie quotidienne à la suite des frappes russes qui ont largement endommagé le réseau électrique national ces dernières semaines.

Vendredi, les 27 pays de l’Union européenne, le G7 et l’Australie se sont mis d’accord sur « un prix maximum de 60 dollars américains pour le pétrole brut d’origine russe transporté par voie maritime », selon les termes d’un communiqué commun.

M. Iermak a noté qu’« il aurait toutefois fallu abaisser [le prix plafond] à 30 dollars pour détruire [l’économie russe] encore plus rapidement ».

Le cours du baril de pétrole russe (brut de l’Oural) évolue actuellement autour de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, impliquant un impact limité à court terme.

L’accord a été permis par le consensus trouvé vendredi par les Vingt-Sept de l’Union européenne.  

Les ministres des Finances des pays du G7 s’étaient, eux, entendus début septembre sur cet outil, conçu pour priver la Russie de moyens financiers.

Actuellement, les pays du G7 fournissent les prestations d’assurance pour 90 % des cargaisons mondiales et l’UE est un acteur majeur du fret maritime – d’où un pouvoir de dissuasion crédible, mais aussi un risque de perdre des marchés au profit de concurrents.

Le mécanisme entrera en vigueur lundi « ou très peu de temps après », ont précisé le G7 et l’Australie. C’est aussi ce jour-là que débute l’embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime.

Ainsi, seul le pétrole vendu par la Russie à un prix égal ou inférieur à 60 dollars pourra continuer à être livré. Au-delà de ce plafond, il sera interdit pour les entreprises de fournir les services permettant le transport maritime (fret, assurance, etc.).

Ajustement du prix

La Russie, deuxième exportateur mondial de brut, n’a toujours pas réagi à l’accord, mais Moscou avait prévenu qu’il ne livrerait plus de pétrole aux pays qui adopteraient ce plafonnement.

Sans ce mécanisme, il lui aurait été facile de trouver de nouveaux acheteurs au prix du marché.

« Nous serons prêts à examiner et à ajuster le prix maximum le cas échéant », ont assuré G7 et Australie dans leur communiqué. Et un plafond devrait également être trouvé pour les produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023.

La Russie a tiré 67 milliards d’euros de ses ventes de pétrole à l’UE depuis le début de la guerre en Ukraine, pour un budget militaire annuel d’environ 60 milliards, rappelle Phuc-Vinh Nguyen, un expert des questions énergétiques à l’Institut Jacques-Delors.

L’instrument proposé par Bruxelles prévoit aussi d’ajouter une limite fixée à 5 % en-dessous du cours du marché, dans le cas où le pétrole russe passerait sous les 60 dollars.

À compter de lundi, l’embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime va déjà supprimer les deux tiers de ses achats de brut à la Russie. L’Allemagne et la Pologne ayant par ailleurs décidé d’arrêter leurs livraisons via un oléoduc d’ici à la fin de l’année, les importations russes totales seront touchées à plus de 90 %, selon les Européens.

« Tenir »

En Ukraine, les autorités ont de nouveau exhorté samedi les civils à faire face malgré des conditions de vie de plus en plus difficiles. Plusieurs fois par jour, les coupures de courant plongent des millions d’Ukrainiens dans le noir, sans compter le froid qui s’installe dans les domiciles.

Les températures dans certaines régions avoisinent ces derniers jours les -5 °C, et la température ressentie peut être encore plus basse.  

« Il faut tenir », a lancé à la télévision ukrainienne le gouverneur de la région de Mykolaïv (sud), Vitaliï Kim.

Il a annoncé des coupures « de quatre heures » dans sa région pour faire face à « une consommation (d’électricité) en hausse » qui menace de surcharge le réseau énergétique régional.

Sur le terrain, les combats sont « durs » dans l’est du pays, car « les Russes ont eu le temps de se préparer » aux attaques des troupes de Kyiv, a affirmé le gouverneur de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï.

Selon un bulletin matinal de la présidence ukrainienne, la situation est aussi « difficile » près de Bakhmout, une ville de la région de Donetsk que les Russes tentent en vain de conquérir depuis l’été.

La bataille autour de Bakhmout a pris une importance d’autant plus symbolique pour Moscou que sa conquête viendrait après une série d’humiliantes défaites, avec les retraites de Kharkiv (nord-est) en septembre et Kherson (sud) en novembre.  

Les mêmes « difficultés » sont rencontrées ces derniers jours par les troupes de Kyiv dans la région de Kherson (sud), d’où l’armée russe s’est en partie retirée en novembre, disant vouloir consolider ses positions.