(Vienne) L’OPEP+ a décidé mercredi d’une coupe drastique des quotas de production de pétrole pour soutenir les prix, s’attirant aussitôt les foudres de la Maison-Blanche qui a accusé le cartel de « s’aligner » avec Moscou.

Joe Biden s’est dit « déçu de cette décision à courte vue », annonçant une consultation prochaine du Congrès « sur les outils et mécanismes supplémentaires permettant de réduire le contrôle » du groupe de producteurs sur le marché de l’énergie.

Le président américain s’échine depuis des mois à tenter d’endiguer l’envolée des prix qui érode le pouvoir d’achat des ménages, allant même jusqu’à se rendre à Riyad en juillet lors d’une visite très controversée.

À bord de l’avion Air Force One, la porte-parole de la Maison-Blanche Karine Jean-Pierre a enfoncé le clou. « Il est clair qu’avec sa décision », l’alliance « s’aligne avec la Russie », a-t-elle déclaré. C’est « une erreur ».

De retour à Vienne pour la première fois depuis mars 2020, les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) menés par l’Arabie saoudite et leurs dix partenaires conduits par la Russie ont voulu marquer le coup, après de longs mois en visioconférence du fait des restrictions anti-COVID-19.

À l’issue d’une brève rencontre, ils ont convenu d’une baisse de « deux millions de barils par jour » pour le mois de novembre, selon un communiqué de l’alliance.

« Proactif »

Cette réduction, la plus importante depuis le début de la pandémie, va probablement doper les cours « au moment où les consommateurs poussaient un soupir de soulagement », les prix à la pompe ayant fortement reculé depuis cet été, souligne Craig Erlam, d’Oanda.

Les deux références mondiales du brut ont perdu du terrain ces dernières semaines, bien loin des sommets enregistrés en mars au début de la guerre en Ukraine (près de 140 dollars).

Après l’annonce, les cours montaient d’environ 2 % vers 17 h 20 GMT, à 93,43 dollars le baril de Brent de la mer du Nord, et 87,86 dollars pour le baril de WTI, son équivalent américain.

Face aux critiques en conférence de presse sur l’impact pour les consommateurs, le ministre saoudien de l’Énergie Abdel Aziz ben Salmane a avancé « les incertitudes diverses » planant sur l’économie mondiale. À plusieurs reprises, il a insisté sur la nécessité d’être « proactif » pour « stabiliser le marché ».

Bruno Jean-Richard Itoua, ministre congolais des Hydrocarbures, a également défendu la volonté du groupe de producteurs de « lutter contre la volatilité », « alimentée par des spéculations ».

Aubaine pour Moscou

Cette décision arrange Moscou qui va pouvoir remplir ses caisses, alors qu’un embargo européen sur les importations de pétrole russe doit entrer en vigueur début décembre.

« Il y a une raison pour laquelle la Russie est favorable à cette coupe : elle n’est pas sûre de trouver des acheteurs pour son pétrole », a commenté le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné, en marge d’une conférence à Londres.

Le vice-premier ministre russe en charge de l’Énergie, Alexandre Novak, s’en est d’ailleurs pris mercredi à la politique de sanctions européennes.

Il a fustigé tout plafonnement du prix du brut russe, mesure envisagée par l’UE, qui « violerait les mécanismes du marché » et pourrait avoir « un effet très néfaste » sur l’industrie mondiale.

Évoquant de possibles « pénuries », il a une nouvelle fois averti que les entreprises russes « ne fourniraient pas de pétrole aux pays qui utilisent cet instrument », selon des propos tenus sur la télévision russe.

Créée en 1960 avec le but de réguler la production et le prix du brut en instaurant des quotas, l’OPEP s’est étendue en 2006 à la Russie et d’autres partenaires pour former l’OPEP+.

Dans un geste historique, les membres de l’alliance avaient décidé au printemps 2020 des coupes de près de 10 millions devant l’effondrement de la demande liée à la pandémie de COVID-19.

Une déclaration avait alors été signée, que l’OPEP+ a décidé mercredi d’étendre « jusqu’à fin 2023 », signe de la « cohésion » de l’alliance vantée par le prince saoudien, qui n’a pas été ébranlée par la guerre en Ukraine.

La prochaine réunion est prévue le 4 décembre, avant le retour à un rythme semestriel comme avant la pandémie.