(Londres) Le prix du baril de West Texas Intermediate (WTI), variété américaine de pétrole de référence, a clôturé vendredi sous 80 dollars pour la première fois depuis plus de 7 mois, avant l’invasion de l’Ukraine.

Étouffé par la peur d’une récession mondiale, le WTI pour livraison en novembre, contrat de référence, a lâché 5,68 % sur la seule séance de vendredi, pour clôturer à 78,74 dollars.

Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison le même mois a chuté de 4,76 % à, 86,15 dollars, son plus bas niveau en clôture depuis 8 mois.

Après avoir flambé jusqu’à 130,50 dollars pour le WTI et 139,13 pour le Brent au début de l’invasion russe de l’Ukraine, en raison des limites à l’approvisionnement venu de Russie, le brut est fortement retombé depuis le début de l’été.

« Les marchés sont de plus en plus convaincus qu’on s’achemine vers une récession » mondiale, a commenté Andrew Lebow, de Commodity Research Group.

« Le resserrement monétaire généralisé de ces deux derniers jours alimente les craintes d’un coup dur pour la croissance », a abondé Craig Erlam, analyste chez Oanda.

La banque centrale américaine (Fed) a relevé son taux directeur mercredi, mais a aussi indiqué qu’elle s’attendait à le voir aller plus haut, et pour plus longtemps, que ce que prévoyaient les investisseurs jusqu’ici.

Andrew Lebow a rappelé que les premiers signes d’une décélération de la demande de produits raffinés, en premier lieu l’essence, apparaissaient déjà aux États-Unis depuis plusieurs semaines.

En moyenne sur quatre semaines — indicateur plus suivi par les courtiers que les chiffres hebdomadaires —, elle est inférieure de près de 8 % à son niveau de l’an dernier à la même période, selon les chiffres de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA).

À cette appréhension s’ajoute le ralentissement saisonnier de la demande de brut consécutif aux opérations de maintenance traditionnellement menées dans de nombreuses raffineries en septembre et octobre.

Pour Andrew Lebow, la dégringolade de vendredi est aussi liée à un facteur technique, la baisse s’étant accentuée quand le WTI est passé sous 80 dollars, « un seuil majeur », selon lui.

Un rebond attendu

En parallèle, le dollar continue de toucher de nouveaux sommets face aux autres devises, bénéficiant d’une économie américaine qui résiste mieux que prévu, de son statut de valeur refuge en période de tensions géopolitiques, et du resserrement monétaire à marche forcée de la Fed.

Or, les fortes hausses du dollar rendent le pétrole plus cher pour les acheteurs qui utilisent d’autres monnaies, ce qui peut peser sur la demande, l’essentiel des transactions sur le marché de l’or noir étant libellées en billet vert.

C’est notamment le cas « des géants asiatiques importateurs d’énergie » comme la Chine et l’Inde, dont les monnaies « ont été parmi les moins performantes par rapport au dollar », explique Stephen Brennock, de chez PVM Energy.

Pour autant, « avec les fondamentaux toujours tendus, l’hiver qui arrive et l’OPEP “qui devrait réduire sa production, ce recul pourrait être de courte durée » a prévenu Bart Melek, de TD Securities, pour qui 78 dollars constitue un niveau de support technique pour le WTI.

L’hypothèse d’un nouvel abaissement de production de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et de ses alliés de l’accord OPEP+, évoquée lors de leur dernière réunion, gagne ainsi du terrain chez les analystes.

Andrew Lebow évoque aussi l’entrée en vigueur de l’embargo de l’Union européenne sur les importations de pétrole russe, début décembre, qui devrait agir comme facteur de soutien aux cours.

Bart Melek relève que les courtiers sont déjà nombreux à parier à la baisse et que ceux qui s’étaient positionnés à la hausse ont quasiment tous quitté le marché, ce qui plaide en faveur d’un rebond à court terme.

« Avec un accord sur le nucléaire iranien peu probable, la fin des libérations des réserves stratégiques de pétrole (américaines, NDLR) et la réduction imminente des importations russes par l’UE, tout est en place » pour un choc de l’offre massif, et par conséquent une flambée des prix du pétrole, conclut M. Brennock.