(New York) Les Special Purpose Acquisition Companies (SPAC), ces véhicules financiers permettant à une société d’entrer en Bourse grâce à une fusion, connaissent un net ralentissement depuis le début de l’année à Wall Street après avoir vu leur popularité exploser en 2020 et 2021, période faste pour les marchés.

Coquilles vides sans activité commerciale, ces Special Purpose Acquisition Companies déjà cotées ont pour but de lever des fonds et d’identifier, dans un délai de deux ans, une société cible avec laquelle fusionner.

Selon le cabinet Dealogic, seules 67 SPAC ont été cotées sur la place new-yorkaise entre janvier et mai, contre un total de 861 au cours des deux années précédentes.

Et sur les cinq premiers mois de l’année, 49 fusions avec des SPAC ont été comptabilisées, un rythme annuel plus lent qu’en 2021 où il y en a eu 231.

Qui plus est, une grosse vingtaine d’entreprises qui avaient annoncé leur introduction en Bourse via une SPAC y ont renoncé depuis janvier, dont le groupe de presse Forbes ou le site de réservation de billets de spectacles SeatGeek.

Mauvaise passe

Les SPAC sont présentes sur les marchés américains, sous une forme ou une autre, depuis les années 1980, mais c’est pendant la pandémie que leur nombre a grimpé grâce à un environnement boursier ultra favorable et un fort engouement médiatique.

De nombreuses célébrités, comme le rappeur Jay-Z, la légende du basketball Shaquille O’Neal ou l’ancien président américain Donald Trump, ont associé leur nom à ces entreprises.

Mais la mauvaise passe que traverse Wall Street, l’inflation galopante et le durcissement de l’accès au crédit ont nettement refroidi l’appétit des investisseurs.

« L’argent afflue moins, les gens se mettent en retrait. C’est le schéma classique d’une chute des marchés qui pèse sur les introductions boursières », explique Michael Stegemoller, professeur de finance à l’université Baylor au Texas.  

« Ce qui laisse un peu perplexe, c’est que les SPAC s’étaient targuées de ne pas être autant vulnérables à ce genre de situation que les introductions en Bourse classiques », poursuit l’universitaire.

Une grande partie de l’attrait de ces véhicules financiers tenait en effet au coût généralement moins élevé des démarches pour entrer en Bourse et à leur caractère moins contraignant, notamment au niveau réglementaire.

Coup de vis

Mais depuis plusieurs mois, le gendarme boursier américain, la SEC, a durci le ton, formulant des propositions pour plus de transparence et une meilleure protection des investisseurs. Des règles définitives pourraient être adoptées à l’issue d’une période de consultation de deux mois, ouverte fin mars.

La sénatrice démocrate Elizabeth Warren, très impliquée dans la lutte contre la spéculation boursière, a pour sa part annoncé un projet de loi visant à réguler un secteur qu’elle accuse d’être gangréné par « la fraude, les délits d’initiés et des frais excessifs ».

Sur le plan juridique, des investisseurs poursuivent des SPAC, leur reprochant de ne pas s’être enregistrées comme « entreprises d’investissement » alors même que l’argent levé avant la fusion est placé dans un compte sous séquestre qui génère un rendement.  

En toile de fond, la mainmise des dirigeants de SPAC et l’opacité dans les prises de décisions ont érodé la confiance du grand public et de fonds d’investissement tout en poussant certains actionnaires à se rebiffer.

« Des investisseurs ont dit (aux dirigeants de SPAC, NDLR) “Attendez, vous vous octroyez une trop grosse part du gâteau, vous devez nous en donner plus.” », décrit Jay Ritter, professeur à l’université de Floride et spécialiste des introductions en Bourse.

« Les acteurs du marché ont poussé pour que des changements interviennent », ajoute M. Ritter, qui note que les SPAC offrent désormais de meilleures garanties financières aux actionnaires dans la période précédant une éventuelle fusion.

Risques de faillite

L’avenir du secteur reste incertain. Selon le cabinet de recherche Audit Analytics, près de 11 % des entreprises acquises par des SPAC entre janvier 2020 et décembre 2021 ont émis ces derniers mois des avertissements sur un risque de faillite.

Une disparition totale de ces outils financiers est toutefois peu envisageable, selon M. Stegemoller.

« Je pense que le marché va se rétrécir à court terme, il sera moins dominant dans le domaine des introductions boursières », prédit l’universitaire.  

« Honnêtement, c’est sans doute une bonne chose », estime-t-il, pariant sur des SPAC moins nombreuses mais mieux régulées, et donc moins dangereuses pour les investisseurs.